Un ange au chevet des enfants

«Des rêves, j'en ai plein la tête.» Rencontrer Kevin Guagenti, c'est recevoir une belle leçon de vie. Voilà quelqu'un qui ne renonce pas face aux obstacles, même si ceux que le destin a placés sur son chemin en auraient découragé plus d'un. Ce Vaudois de 32 ans souffre depuis son enfance d’une maladie orpheline dégénérative, extrêmement handicapante. Pourtant, il défie les pronostics des médecins, qui ne lui donnaient pas plus de vingt ans d’espérance de vie. Non seulement, il endure tout cela avec courage, mais en plus, il trouve la force de venir en aide aux autres.

En 2022, Kevin Guagenti a fondé une association, l’Ange de Noël, qui permet aux enfants hospitalisés de recevoir des cadeaux pour leur anniversaire et pour Noël. De quoi leur apporter un petit peu de bonheur au milieu des épreuves. A cause de sa maladie et d’un système immunitaire défaillant, il a lui-même passé beaucoup de temps dans les hôpitaux durant sa vie. «Recevoir un cadeau quand on est hospitalisé, c’est un petit moment de plaisir qui nous fait oublier pourquoi on est là, confie-t-il. Cela donne de la force et du bien-être, car on se dit qu’il faut vite guérir pour pouvoir profiter de son cadeau.»

Une maladie sans nom
C’est vers l’âge de 5 ou 6 ans que les problèmes surviennent. Le garçon commence alors à avoir de la peine à se déplacer, à monter les escaliers. Puis, c’est allé de mal en pis. Il a subi toute une batterie de tests, notamment génétiques, mais les médecins n’ont jamais pu mettre un nom sur sa maladie. «Au début, ils pensaient que c’était une forme de myopathie, sans savoir laquelle. C’est un mystère. Je suis un cas unique au monde, c’est ce qui fait tout mon charme», plaisante-t-il. A l’âge de 16 ans, sa santé se détériore encore, avec l’apparition d’une grave scoliose qui lui déforme la colonne vertébrale. «Avant, j’avais encore une vie plus ou moins normale, je pouvais marcher tout seul.» 

Aujourd’hui, il se déplace en fauteuil roulant électrique, ne pèse qu’une vingtaine de kilos et se nourrit avec une sonde alimentaire. De plus, il est obligé de dormir avec un respirateur artificiel. Totalement dévoués à leur fils, sa mère et son père, secrétaire syndical retraité d’Unia, ont fait construire à Grandcour, dans la Broye vaudoise, une maison entièrement adaptée à ses besoins.

Malgré sa maladie, Kevin Guagenti a pu achever sa scolarité obligatoire, recevant même le Prix du courage pour cela. Mais il n’a pas pu poursuivre ses études plus loin. «Mon rêve, c’était de faire le gymnase, puis l’université, pour devenir professeur des écoles.» Hélas, ça n’a pas été possible, alors il a fallu trouver une autre voie. «Je ne suis pas une personne qui reste sans rien faire, lance-t-il. Avec l’assurance invalidité, on a cherché quel métier je pourrais exercer et par défaut, j’ai suivi une formation à distance de secrétaire comptable. J’ai détesté ça! Mais en parallèle, j’ai quand même pu devenir en quelque sorte professeur, puisque pendant cinq ans, j’ai donné chez moi des cours de soutien scolaire à des enfants du village.»

Sur une poutre de la maison familiale s’alignent, encadrés, les certificats des nombreuses autres formations en ligne qu’a suivies le Broyard, dans les domaines du marketing, de la gestion d’entreprise, de la direction de personnel, etc. «J’aime apprendre. Mais le diplôme dont je suis le plus fier, c’est celui en gestion associative. C’est quelque chose que j’avais vraiment envie de faire. Et cela me donne de la légitimité, parce qu’un petit handicapé qui dirige une association employant onze personnes, ça peut faire grincer des dents.»

Vocation: altruiste
Le tout premier bénéficiaire de l’Ange de Noël, choisi par l’intermédiaire d’une infirmière du CHUV, est un enfant, Lucien, qui rêvait d’avoir un maillot du Lausanne Hockey Club dédicacé par sa mascotte, Léo. Kevin Guagenti contacte donc le LHC, qui est touché par son initiative. Et c’est comme ça qu’un jour, Léo débarque au CHUV pour apporter à Lucien l’objet de son rêve. «Par la suite, l’infirmière m’a transmis une lettre de remerciements des parents de Lucien. Quand je l’ai lue, j’ai su que c’était ça que je voulais faire.» 

L’altruiste imagine alors un concept original. Des centaines de cartes cadeaux sont distribuées aux hôpitaux pour qu’ils les offrent aux enfants hospitalisés. Chaque carte contient un code à usage unique, qui sert à commander, sur le catalogue en ligne de l’Ange de Noël, un jouet d’une valeur maximale de 50 francs. Les commandes arrivent directement dans les magasins partenaires, qui envoient les cadeaux à l’hôpital ou au domicile des enfants, et la facture à l’association. A la base, l’action était limitée à la période de Noël, mais elle a vite été élargie aux cadeaux d’anniversaire. Hormis le CHUV, les hôpitaux de Genève et de Neuchâtel reçoivent aussi des cartes, et ce sera bientôt également le cas pour celui de Payerne. «Dans l’idéal, on aimerait travailler avec un maximum d’hôpitaux», espère le trentenaire. 

Cette générosité est financée grâce aux dons de particuliers, d’entreprises, de fondations et autres sponsors, et grâce à des partenariats. Récemment, une boutique a été ouverte, en ligne et au domicile des Guagenti, où l’on peut acheter divers objets au logo de l’association ainsi que des produits confectionnés pour elle par des artisans.

Kevin Guagenti a encore d’autres projets en réserve, comme un courrier du cœur pour soutenir les petits malades et leurs familles, avec le concours de médecins et de psychologues. «Les parents et les frères et sœurs souffrent aussi», remarque-t-il. Avec tout cela, l’Ange ne chôme pas. «J’aime faire du bien autour de moi. L’association réalise tous les rêves que j’ai eus depuis tout petit.» K

Renseignements et dons: angedenoel.ch