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Tornos: les atouts industriels de la région doivent être préservés

Manifestation, pétition, appel à des assises régionales de l'industrie: une solidarité active se déploie

La manifestation de solidarité avec les travailleurs de Tornos organisée par Unia la semaine dernière à Moutier a mis une fois de plus en évidence l'urgente nécessité de développer en Suisse une politique pour l'avenir industriel du pays. Les salariés en ont assez de faire les frais d'une crise provoquée par le casino mondial de la finance. Ils veulent une économie fondée sur la qualité et la pérennité de l'emploi, soutenue par le Conseil fédéral et débarrassée des diktats du marché spéculatif.

Lundi 17 septembre, dix jours après l'annonce par Tornos de la suppression de 225 emplois, les traces du choc étaient encore visibles sur les visages de la plupart des travailleurs qui avaient gagné la manifestation, sur le grand parking de l'usine, à Moutier. Ce rassemblement organisé par Unia a réuni plus de 500 personnes venues de toute la région pour témoigner leur solidarité au personnel. Au-delà du soutien aux personnes et aux familles touchées par ce terrible coup dur, les manifestants, les orateurs et les représentants du personnel se sont rejoints sur un constat unanime: la nécessité absolue de voir le Conseil fédéral agir dans les plus brefs délais pour doter ce pays d'une véritable politique industrielle. Une revendication qui a préfiguré celle qui, cinq jours plus tard, figurait au centre de la grande manifestation nationale pour l'industrie, à Berne.

Spéculation irresponsable
Tournée vers l'exportation, en particulier vers l'Europe et les Etats-Unis, plombée par le franc fort, l'entreprise Tornos, géant mondial de la machine-outil est fortement exposée aux aléas de la crise. «Voilà cinq ans qu'elle lutte contre une crise qui n'en finit pas» a rappelé, à la tribune, Daniel Heizmann, président de la commission du personnel de Tornos. «Nous avons tout fait pour éviter des licenciements mais hélas, nous avons fini par subir les effets d'une paralysie presque totale de la zone euro.» Et Tornos n'est pas seule dans ce cas. Fortement touchée par la crise, l'industrie des machines et de la métallurgie du Jura et du Jura bernois a perdu plus de 1000 emplois au cours de ces quatre dernières années. Délocalisation de Greatbatch, démantèlement de Swissmetal, fermeture de Condor: les fleurons industriels de la région se noient. «Ce sont les fruits des mêmes mécanismes de désindustrialisation, symptomatiques d'un système économique qui fait la part belle aux banques et aux financiers, au détriment des emplois productifs», a souligné Pierluigi Fedele, secrétaire d'Unia Transjurane, lequel a vertement critiqué l'attitude du conseiller fédéral Schneider-Ammann qui, appelé à s'engager sur le dossier Tornos, s'est réfugié derrière l'argument selon lequel une restructuration se situe dans le cours ordinaire des choses. «Les travailleurs de ce pays attendent autre chose en retour que votre mépris à peine voilé, Monsieur le Conseiller fédéral», a tonné Pierluigi Fedele.
«Cette attitude est le symbole d'un fonctionnement politique qui a déposé les plaques, qui a démissionné devant les forces de l'argent et qui a transmis la destinée des peuples aux mains des pouvoirs financiers. Car ces mêmes autorités, en Suisse comme partout ailleurs dans le monde, ont été beaucoup plus lestes à recapitaliser les instituts bancaires ou à laisser les délinquants financiers jouer avec nos vies à coups de spéculation.»

Deux poids, deux mesures
Membre du comité directeur d'Unia, Fabienne Kühn a abondé dans ce sens. «La grande crise des marchés financiers du début du 21e siècle aux USA d'abord, en Europe ensuite, a entraîné les entreprises industrielles dans la grande crise d'aujourd'hui. Les désastres bancaires ont étendu leurs ravages dans les entreprises. Cette perte de contrôle sur les instruments financiers, volontaire ou non, sème la destruction dans les entreprises. Mais nous devons résister.» Le maire de Moutier, Maxime Zuber a, à son tour, dénoncé la propension des autorités fédérales à voler au secours de la finance tout en négligeant les intérêts de l'industrie. «Selon qu'on soit banquier zurichois ou mécanicien de l'Arc jurassien, on n'est pas traité de la même manière dans notre pays. A-t-on jamais vu les autorités fédérales libérer des montants se chiffrant en milliards pour sauver des emplois industriels?» Et de citer notamment la reprise à hauteur de 54 milliards de titres toxiques pour sauver l'UBS, les 2,1 milliards pour tenter, en vain, de sauver Swissair alors que le Conseil fédéral avait en revanche refusé de s'impliquer dans le sauvetage de la Boillat-Swissmetal, sous prétexte de non-ingérence dans les affaires privées...
Venues porter leur message de solidarité, les représentantes du combat pour l'emploi chez Merck Serono, Astrid Melotti et Lara Widmer, ont souligné que la situation ne fera qu'empirer si l'on ne réagit pas, si l'on ne met pas la pression. Elles ont appelé la population à l'unité et à une large alliance pour la révision du Code des obligations en faveur des travailleurs, notamment en matière de protection contre les licenciements.
Les syndicalistes ont fait circuler dans la manifestation une pétition réclamant de la part des cantons et de la Confédération une véritable politique industrielle forte destinée à renforcer les emplois productifs de qualité. (Vous pouvez la signer en ligne sur le site d'Unia.)
Cette pétition demande également aux autorités, au patronat et aux associations économiques d'accéder à la demande d'Unia Transjurane d'organiser avant la fin de l'année des assises régionales de l'industrie.


Pierre Noverraz