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Témoignages: la parole aux maçons

Manifestation des maçons à Lausanne.
© Olivier Vogelsang

Plus de 7000 travailleurs de la construction ont participé à la deuxième journée de mobilisation romande centralisée à Lausanne.

«On se bat pour nos droits. Nous vivons dans le pays le plus riche d’Europe, et pourtant dans celui où l’on doit travailler le plus. Nous ne sommes pas des machines!»


Vincenzo et Santo, grutiers depuis 1997 et 1983.

«Nous sommes venus depuis Genève avec le bus ce matin. Pour nous, le combat collectif est important. Sur les chantiers, le planning est de plus en plus serré. On est en retard avant même d’avoir commencé. On enchaîne, et c’est le stress. On aimerait arriver à 60 ans à la retraite et pouvoir en profiter, car notre métier est dur.»


Bernard, contremaître vaudois depuis plus de trente ans.

«J’ai prévenu mon patron il y a un mois que je prendrai congé les 7 et 8 novembre. Je suis là pour soutenir mon équipe. Cela m’a valu des insultes par certains collègues mais j’assume. Le problème, c’est qu’on n’a plus de jeunes, plus personne ne veut faire ce travail, et je peux le comprendre. Le but n’est plus de faire du beau travail, mais d’aller toujours plus vite et d’être rentable. Pour moi, la profession s’est cassée. On devient des robots. On nous envoie des temporaires qui ne sont pas formés et qui sont mal payés. Il me reste quatre années avant la retraite, et elles vont être longues.»


Defrim, aide-maçon de 22 ans.

«Je me lève à 5h du matin et je rentre le soir à 20h. Je travaille pour une entreprise à Lausanne mais le lieu de travail change et j’ai jusqu’à deux heures de trajet. C’est un métier que j’aime, et je me vois évoluer dans la profession, mais il est fatigant. On travaille en famille, avec mon père, qui est là aussi aujourd’hui. Moi j’aimerais un meilleur salaire et que les heures de trajet soient payées. Pareil pour les paniers repas: 17 francs, c’est trop peu!»


Jorge, maçon à Fribourg depuis douze ans.

«On se bat pour nos droits. Nous vivons dans le pays le plus riche d’Europe, et pourtant dans celui où l’on doit travailler le plus. Nous ne sommes pas des machines!

Chaque année, on nous demande de travailler plus vite, mais les salaires, eux, ne bougent pas. On n’y arrive plus, c’est trop fatigant. La flexibilité qu’ils veulent, c’est pour eux, pas pour nous, car nous n’aurons plus le temps pour notre vie de famille. Quand j’entends l’opinion qu’ont les patrons de nous, ça me fait mal, car ce n’est pas la vérité, on travaille dur tous les jours. Je ne sais pas si j’arriverai jusqu’à la retraite, si j’ai l’opportunité de quitter la construction, je le ferai.»


Cumbe, 47 ans, originaire du Mozambique et maçon depuis huit ans.

«Nous prenons beaucoup de risques sur les chantiers, nos conditions de travail sont dures. Nous sommes là aujourd’hui pour défendre nos droits et demander aux patrons de faire un pas vers nous. Nous irons jusqu’au bout, en espérant qu’ils prennent leurs responsabilités. Nous ne pouvons pas travailler 50 heures par semaine.

Quant aux travailleurs âgés, ceux qui ont le plus d’expérience, ce sont eux qui vont travailler et gagner le moins. Qui va former les jeunes sur le terrain? Moi je n’aurais plus aucun plaisir à le faire dans ces conditions.»

Mafalda, épouse de Joao, coffreur de 33 ans.

«Mon mari est maçon depuis douze ans. Il aime beaucoup son travail, et il le fait bien.

Il est actuellement temporaire, et espère décrocher un contrat fixe. C’est important pour lui, comme pour moi, qu’il se mobilise aujourd’hui, car nous voulons que son salaire augmente et qu’il ait plus de droits à l’avenir. Je pense aussi que la retraite doit être avancée, 60 ans c’est trop tard pour le travail physique qu’ils fournissent. Il n’a que 33 ans et, pourtant, quand il rentre le soir, il est cassé! Certains jours, il est tellement fatigué qu’il est insupportable (rire).

L’hiver, il part de la maison à 6h50 et rentre vers 16h30, mais l’été, il s’en va à 6h et ne revient pas avant 17h30, pour un salaire net qui oscille entre 3800 et 4200 francs. Au quotidien, ils sont aussi mis en danger et doivent prendre des risques, car les chefs leur demandent d’aller vite et les stressent pour finir le plus rapidement possible.

En général, en tant que temporaire, il s’arrête la semaine avant Noël. Des fois avant, s’il y a beaucoup de neige. Et ensuite, l’activité ne reprend pas avant le mois de février. Cet été, à Lausanne, malgré la canicule, il n’a jamais interrompu le travail. Il rentrait à la maison tout rouge: il n’y avait rien à disposition sur le lieu de travail pour se protéger, et de toute façon, les ouvriers n’ont pas le temps pour respecter les consignes comme s’arrêter pour boire et se mettre de la crème solaire.

Les propos des employeurs qui ont été relayés dans les médias ne sont vraiment pas justes. Ils aimeraient que les maçons fassent plus mais c’est impossible, ils ne peuvent pas faire plus, ce ne sont pas des machines!

En cas de vide conventionnel, c’est clair, on rentre au Portugal. Travailler 50 heures par semaine pour des salaires moindres, et sans aucune protection conventionnelle, c’est exclu, je ne l’accepterai pas! Je ne veux pas que mon mari finisse comme mon père, incapable de travailler depuis ses 56 ans. On espère que la lutte portera ses fruits.»

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