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Servir les syndicats de mon pays

Dirigeant syndical djiboutien, Hassan Cher Hared vient d'obtenir l'asile en Suisse. Il peut enfin reprendre la lutte

«C'est une nouvelle libération! A Djibouti, j'ai connu la prison physique. Ici en Suisse, la prison de la loi, car je ne pouvais rien faire, pas travailler, pas étudier, pas me déplacer pour mes activités syndicales ou politiques.» Hassan Cher Hared, syndicaliste de l'Union djiboutienne du travail (UDT), a enfin obtenu, en décembre dernier, une réponse positive à sa demande d'asile politique. Cela, après deux ans d'attente, un recours au Tribunal fédéral pour déni de justice, et enfin une pétition, hébergée par l'Union syndicale vaudoise et signée par de nombreux responsables des syndicats suisses. «J'ai reçu ma réponse environ deux semaines après l'envoi de cette pétition» explique Hassan Cher Hared, qui sait ce que vaut la solidarité syndicale. Par deux fois, dans son pays, il a été réintégré après avoir été licencié par son employeur, la Poste djiboutienne, grâce au soutien de fédérations syndicales internationales comme UNI Global Union, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) devenue CSI, et de beaucoup d'autres organisations. «Internet est un puissant outil. J'avais introduit toutes les adresses de mes connaissances, et d'un seul clic, les gens étaient informés partout dans le monde. Des pétitions ont ensuite été envoyées directement au président djiboutien», explique le syndicaliste, secrétaire aux relations internationales de l'UDT.

Arrestation en 2006
Ces licenciements sont intervenus alors que Hassan Cher Hared avait réussi, au début des années 2000, à faire renaître le Syndicat des postiers de Djibouti et en était devenu le secrétaire général. Le mouvement syndical avait été décimé par le régime après une grève générale en 1995 contre les programmes d'ajustement structurels du FMI.
Pour le militant, les choses se corsent en 2006. En début d'année, un nouveau Code du travail entre en vigueur. Le précédent était calqué sur le Code du travail français, Djibouti étant une ancienne colonie, indépendante depuis 1977. «Le nouveau code qualifie l'activité syndicale de faute lourde passible de licenciement et de poursuites judiciaires» explique Hassan Cher Hared. De plus, pour exister, un syndicat doit avoir l'accord, entre autres, de la justice et du Ministère de l'intérieur. Ce dernier pouvant aussi, avec le premier ministre, ordonner la dissolution d'un syndicat. L'UDT, comme la seconde centrale du pays, l'UGTD, sont aujourd'hui considérées comme illégales.
Au printemps 2006, Hassan Cher Hared est arrêté, avec trois autres dirigeants syndicaux, dont le secrétaire général de l'UDT, Adan Mohamed Abdou. Ils sont accusés d'atteinte à la sûreté de l'Etat en raison d'une collaboration avec des puissances étrangères. Parmi elles: l'Organisation internationale du travail (OIT), où Hassan Cher Hared a représenté plusieurs fois les travailleurs djiboutiens, la CISL, ainsi qu'Israël. Cet Etat n'étant pas choisi à la légère dans un pays à 90% musulman. «C'était un appel à la vindicte publique. Nous étions à la merci des extrémistes, des intégristes islamistes qui prennent de plus en plus d'importance en Afrique de l'Est», précise le syndicaliste.

La «répression positive»
Libérés sous caution après un mois, les quatre responsables pouvaient être arrêtés à tout moment. Hassan Cher Hared reprend son travail mais sera licencié une 3e fois. «Comme nous étions trop actifs sur internet et qu'ils pouvaient difficilement nous éliminer physiquement, même si le danger des intégristes était toujours présent, j'ai subi ce qu'on appelle la "répression positive"». Explications: pour faire taire les opposants, le gouvernement leur propose un poste important. «Pour moi, c'était un poste à la représentation diplomatique à Genève. Certains cèdent. Moi, je ne pouvais pas l'accepter.» Hassan Cher Hared devenait aussi de plus en plus dérangeant par la place politique qu'il commençait à prendre, même s'il n'a rejoint l'Alliance républicaine pour le développement (ARD) qu'une fois en exil. Face aux menaces pesant sur lui, il décide de quitter le pays en 2008. Année où il dépose sa demande d'asile en Suisse.

La lutte pour la démocratie
Aujourd'hui, Hassan Cher Hared s'apprête à faire venir son épouse et ses enfants. Et grâce à sa liberté retrouvée, il entend redoubler d'efforts pour servir les syndicats de son pays et la démocratie. «La liberté d'expression est complètement interdite à Djibouti. Je souhaite lancer une télévision interactive sur internet», explique le militant, alors que le peuple djiboutien est, comme en Tunisie, en Egypte, ou au Yémen voisin, lui aussi sur la voie de la mobilisation pour se débarrasser du régime du parti unique. Une manifestation a eu lieu le 8 janvier, une autre est prévue le 18 février. Hassan Cher Hared souhaite que la transition se fasse en douceur et sans effusion de sang. «Il y a un gros risque que le régime attise la division entre les clans, ou qu'il utilise les forces intégristes pour se maintenir au pouvoir. Nous voulons nous battre avec des actions de désobéissance civile, des grèves, des manifestations non violentes. Nous voulons maintenir l'union du peuple.» 


Sylviane Herranz