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Responsabilité solidaire un accord inédit à Genève

La ville de Genève et les partenaires sociaux se sont mis d'accord pour introduire le principe de responsabilité solidaire

Après deux ans de négociations tripartites, la Communauté genevoise d'action syndicale, l'Union des associations patronales genevoises et la ville de Genève sont tombées d'accord pour mettre en place la responsabilité solidaire dans le cadre des marchés publics ouverts par cette dernière. L'accord, présenté le 24 septembre, a pour objectif de limiter la sous-traitance abusive et prévoit des sanctions dissuasives. Toutefois, deux points restent à clarifier: le fonds social et le dispositif de contrôles. Explications.

Le 24 septembre dernier, la ville de Genève, aux côtés de la Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS) et de l'Union des associations patronales genevoises (UAPG), a annoncé l'entrée en vigueur du principe de responsabilité solidaire dans le cadre de ses marchés publics. Comment? En introduisant une clause contractuelle dans les appels d'offres ouverts par la ville visant à limiter considérablement la sous-traitance en cascade et prévoyant des sanctions dissuasives en cas d'infraction. L'objectif est clair: garantir que, dans le cadre de ces marchés, les entreprises adjudicataires ainsi que les entreprises sous-traitantes mandatées par les premières respectent les conventions collectives de travail (CCT). «C'est un accord historique», s'est félicitée Sandrine Salerno, maire de Genève. Après deux ans de négociations, les trois parties sont parvenues à un accord satisfaisant les intérêts de chacune, à savoir être un maître d'ouvrage exemplaire, lutter contre le dumping salarial et protéger les entreprises citoyennes de la concurrence déloyale.

Transparence exigée
Concrètement, la clause comprend treize chapitres encadrant et limitant au maximum la sous-traitance. La question de la transparence y est centrale. En effet, l'accord stipule que l'entreprise adjudicataire doit annoncer dans son offre auprès de l'adjudicateur (la ville) les sous-traitants à qui elle compte déléguer ses tâches et fournir les preuves que ceux-ci respectent la législation en matière d'assurances sociales et les conditions de travail locales. Les procès-verbaux d'ouvertures des offres sont ensuite soumis aux commissions paritaires ou aux représentants des travailleurs et des employeurs pour préavis qui auront dix jours pour demander des renseignements complémentaires s'ils le jugent nécessaire. De même, une fois le contrat conclu, l'adjudicataire ne pourra faire intervenir de nouveaux sous-traitants que si l'adjudicateur donne son accord, suivant les mêmes conditions citées avant.

Interdire la sous-traitance abusive
A travers cet accord, il s'agit aussi d'éviter la sous-traitance en cascade. Partant, l'adjudicataire s'engage à interdire à tous ses sous-traitants de sous-traiter à leur tour et à prendre les mesures nécessaires de surveillance afin de garantir le respect de cette interdiction. Par ailleurs, les sous-traitants s'engageront contractuellement à respecter les conditions de travail et toutes les prescriptions légales. Ce qui induit que ces entreprises, à l'image de l'adjudicataire, devront être à jour avec le paiement des salaires, des cotisations sociales, des prestations sociales et de l'impôt à la source et se soumettre aux contrôles paritaires des conditions de travail prévus par les CCT.

Des sanctions dissuasives
En cas d'infraction ou de violation des obligations, plusieurs degrés de sanctions sont prévus par la clause. La ville peut d'abord exiger de l'entreprise principale la remise de sûretés destinées à garantir le paiement des salaires et des charges sociales du personnel affecté. Si celle-ci se trouve dans l'incapacité de fournir les sûretés, la ville s'engage à avancer directement les créances au moyen d'un fonds social, qui n'est pas encore officiellement mis sur pied. En cas de grave violation, la ville de Genève se réserve le droit de révoquer l'adjudicataire du marché public et de résilier le contrat conclu entre les deux parties. Lui ainsi que ses sous-traitants pourront en outre être exclus de tout nouveau marché de la ville pour une durée maximale de cinq ans. Enfin, une peine conventionnelle d'un montant allant jusqu'à 10% du prix final de l'offre pourra être exigée de l'entreprise principale. Sans oublier la possibilité pour l'adjudicateur de dénoncer administrativement et pénalement l'adjudicataire et ses sous-traitants.

Un inspecteur de plus?
Qualifié d'exemplaire par l'UAPG, l'accord est, selon cette dernière, le fruit de la concertation et de la discussion pour trouver des solutions novatrices, efficaces et acceptables par toutes les parties. Pour la CGAS, cet outil permettra de lutter de manière audacieuse et efficace contre la sous-enchère salariale. «L'obligation pour l'entreprise principale de contrôler son sous-traitant durant toute la durée du chantier, l'interdiction de la sous-traitance en chaîne et les sanctions dissuasives sont autrement plus contraignantes que la solution adoptée par les Chambres fédérales dans le cadre de la révision de la loi sur les travailleurs détachés», relaie un communiqué de presse. Pour Alessandro Pelizzari, président de la CGAS et secrétaire régional d'Unia, cet accord, plus que satisfaisant au niveau syndical, doit à l'avenir servir de modèle et d'inspiration. «Une clause aussi précise et contraignante n'existe nulle part ailleurs en Suisse.»
Toutefois, deux aspects sont encore à clarifier dans cet accord tripartite: le fonds social, dont le principe a été adopté mais qui n'a pas encore été officiellement créé, et la question des contrôles. «Un règlement que l'on ne peut pas appliquer ne sert à rien, pointe le syndicaliste. Nous aurons donc besoin de ressources supplémentaires pour effectuer des contrôles réguliers sur ces chantiers. On peut imaginer, par exemple, qu'un nouvel inspecteur soit nommé pour s'occuper exclusivement des marchés publics de la ville.» Deux points ouverts qui devraient être rapidement réglés selon Alessandro Pelizzari.


Manon Todesco