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Rentrée noire dans l'industrie

Les commissions vaudoises serrent les rangs et se préparent à une rentrée difficile sur le front de l'emploi

Journée de formation pour les membres des commissions d'entreprises de l'industrie vaudoise ce 2 septembre. Au menu: les licenciements collectifs et la manière d'y faire face. Mais aussi, une pause de midi devant l'UBS à Lausanne pour dire haut et fort que ce n'est pas aux travailleurs de payer les conséquences de la crise et appeler à participer à la manifestation nationale du 19 septembre.

«Face à la crise, on a le sentiment d'être dans un avion et qu'il n'y a pas de pilote», lance une représentante du personnel de Tesa lors de la séance de formation des commissions d'entreprises de l'industrie vaudoise qui s'est déroulée le mercredi 2 septembre dernier. Un sentiment partagé par beaucoup ce jour-là. Sa propre entreprise, qui occupe 375 personnes à Renens, a été foudroyée par la tourmente économique. Elle fabrique des appareils de mesure pour les contrôles effectués en fin de production. «En temps de crise, les sociétés coupent d'abord dans le contrôle qualité. Nous sommes les premiers touchés et nous en ressortirons en dernier...»
Si, à l'instar de cette employée, certains ne voient pas le bout du tunnel, dans d'autres entreprises, quelques rentrées de commandes se font jour. Ailleurs, du travail est assuré pour 2 ou 6 mois, mais après, c'est le néant. Par contre, dans la construction de matériel de transport, l'alimentaire et la chimie, les machines tournent à plein régime. C'est ce qui ressort des échanges de la quarantaine de représentants du personnel rassemblés par Unia chez Maillefer à Ecublens, pour une formation sur les droits des travailleurs en matière de licenciements collectifs et de réduction des horaires de travail. Depuis des mois, de nombreuses entreprises sont au chômage partiel ou ont déjà supprimé des emplois. Et les mois à venir ne s'annoncent pas sous de bons augures. Durant la séance, une nouvelle tombe, un frisson parcours la salle: Bobst annonce des pertes colossales au premier semestre et une «restructuration-transformation». Le syndicat n'était pas averti. Les collègues de Bobst qui devaient être là ont été retenus à l'usine pour une séance de commission. Et en début de matinée, les délégués présents avaient aussi rendu hommage à l'un des leurs, Gian-Carlo Lucchini, président de la commission d'entreprise Bobst, décédé une semaine avant d'un arrêt cardiaque aux portes de son usine. «J'espère qu'ils ne lui avaient rien dit avant. Il nous disait toujours que tant qu'il serait président, il n'y aurait aucun licenciement chez Bobst. Ça me donne la chair de poule», souffle une militante, sous le choc.

Groupes de travail fructueux
Mais les métallos et les horlogers présents serrent les rangs. Et, fidèles à leur devise, rappelée par Yves Defferrard, responsable de l'industrie à Unia Vaud, «Celui qui se bat peut perdre, mais celui qui ne se bat pas a déjà perdu», ils échangent leurs expériences, en particulier sur la création de groupes de travail pour trouver des alternatives aux licenciements.
«Partout, les patrons nous disent qu'ils font ce qu'ils veulent, qu'ils ont pensé à tout. Mais ils ne savent pas tout. En créant des groupes de travail, nous apportons des solutions, nous remettons en cause leur autorité et ils ne peuvent pas tout jeter à la poubelle», explique Mike Nista, président de la commission d'entreprise de Sapal, à un collègue d'une usine touchée par les licenciements. Ce dernier doute que les groupes de travail mis sur pied fassent reculer la direction. «Même si on sauve une seule personne, c'est important, c'est une famille, tenez bon», poursuit Mike Nista, qui a été l'artisan du sauvetage de sa propre entreprise il y a quelques années. Une entreprise qui va mal aujourd'hui, mais où aucun licenciement ne semble être à l'ordre du jour.
Chez Tesa, c'est à la fin de l'année dernière déjà qu'il a fallu faire face à des premiers licenciements. Là aussi des groupes de travail ont œuvré, avec le soutien d'Unia. «A la place de 32 licenciements, nous avons pu réduire le nombre à 14, et à la fin, il n'y a eu que 7 licenciements, en raison de départs volontaires et de retraites anticipées», explique une représentante du personnel. «Aujourd'hui, le travail n'a pas repris et le marché continue de chuter. Les gens sont conscients, et résignés. Ils ne veulent pas savoir s'il y aura des licenciements, mais combien il y en aura», explique-t-elle, alors que six mois ont déjà pu être gagnés pour ceux qui seront touchés.

Nécessaire construction syndicale
Chez Applied Materials à Cheseaux, les groupes de travail ont aussi permis, à la fin du printemps, de sauver quelques emplois mais surtout de doubler l'enveloppe du plan social pour les personnes licenciées. Les représentants du personnel expliquent également que grâce à ce travail, et à la participation d'Unia, la discussion d'une convention collective de travail est en cours et que leur commission a enfin acquis une légitimité, tant du côté de l'employeur que du côté du personnel. «Le travail fait chez Applied Materials montre que nous ne devons pas nous arrêter après quelques postes sauvés, mais que nous devons construire le syndicat dans l'entreprise, pour faire progresser les conditions de travail», ajoute Abdou Landry, syndicaliste d'Unia.
Ce jour-là, de nombreux délégués du personnel sont venus de la Vallée de Joux, où l'horlogerie subit, elle aussi, la crise de plein fouet. Des sous-traitants, des petites entreprises horlogères, ont d'ores et déjà licencié, d'autres s'apprêtent à le faire. Dans certaines manufactures, même si officiellement tout va bien, des aménagements sont effectués.

Pressions sur le personnel
Là où il y a du travail, la crise provoque aussi ses effets. «Dans le domaine médical, nous avons énormément de travail, nous sommes même surchargés pour les deux mois à venir; la direction profite de la situation pour mettre la pression sur les employés», explique une salariée d'une entreprise du Nord vaudois.
A la fin de cette journée d'échanges et de formation, les délégués du personnel sont repartis gonflés à bloc pour affronter la situation au sein de leur entreprise. Mais comme leurs collègues des autres secteurs, ils réclament que des solutions soient apportées à la crise et que ce ne soit pas aux travailleurs d'en payer le prix. Et sur le coup de midi, ils se sont joints aux autres manifestants devant l'UBS à Lausanne, exigeant que les bonus leur reviennent et appelant leurs collègues à venir en nombre à Berne le 19 septembre.

Sylviane Herranz