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Renforcer la base, démocratiser Unia

Près de 500 délégués et secrétaires d'Unia se sont réunis à Berne pour un congrès extraordinaire

Augmenter la présence des militants au comité central d'Unia, tel était le principal sujet du congrès extraordinaire du syndicat réuni samedi à Berne. Une rencontre ayant permis de poursuivre le processus de démocratisation souhaité lors des congrès de Lugano et de Lausanne. L'actualité syndicale était aussi au rendez-vous.

La démocratie au sein d'Unia était au cœur des débats du congrès extraordinaire du syndicat qui s'est déroulé samedi dernier à Berne. Un congrès marathon durant lequel les 350 délégués et 125 secrétaires et invités ont mené une discussion riche et controversée sur des questions statutaires restées ouvertes lors du congrès de Lausanne de décembre 2010. «A Lausanne, nous avons adopté à l'unanimité un document pour le renforcement des militants au sein d'Unia, pour un syndicat et des membres actifs plus ancrés dans les branches et les entreprises, pour une Unia forte», a rappelé en ouverture le coprésident d'Unia Andreas Rieger. «Une question méritait une discussion plus longue: comment les militants pouvaient-ils avoir une position renforcée au niveau des organes d'Unia.» Une problématique impliquant des modifications de statuts débattues samedi. Andreas Rieger a rappelé que le congrès se déroulait dans un environnement difficile en Europe où, sous les coups de spéculateurs et de politiciens incapables, des pas en arrière importants étaient opérés sur les retraites ou les salaires minimaux. Une situation ayant des répercussions en Suisse avec, entre autres, le franc surévalué derrière lequel «beaucoup d'entreprises se retranchent pour licencier» et la «pression massive sur les salaires» nécessitant une protection accrue des salariés. «Mais nous avons vu que nous pouvons résister, que ce soit chez Novartis ou dans la construction» a-t-il ajouté.
Celio Rodrigues, président de la commission du personnel de Novartis à Nyon, est revenu sur la lutte exemplaire ayant permis de faire plier la multinationale. Cela, a-t-il précisé, d'abord grâce à un objectif clair - celui du maintien du site et de tous les emplois - puis à l'unité réalisée avec la commission des employés, à la grève - «c'était la clé, elle a montré que nous étions déterminés» - et à la mobilisation populaire. Et aussi grâce au syndicat. «Sans lui, nous n'aurions rien pu faire», a-t-il souligné avant de rappeler que beaucoup de gens pensaient que les travailleurs n'arriveraient à rien. «C'est un bon exemple pour les syndiqués, c'était une belle victoire!» a-t-il conclu sous les applaudissements des délégués.

CC de milice en question
Après ce prélude combattif, la discussion sur les statuts a démarré avec comme point principal la composition du comité central (CC), auquel il revient, entre les congrès et les assemblées de délégués, de prendre position sur des questions d'actualité concernant la politique syndicale. Le comité central d'Unia est actuellement composé des membres du comité directeur, des secrétaires régionaux, de représentants des secteurs et des groupes d'intérêts (jeunes, femmes, migrants, retraités). Sur 40 personnes, seuls 7 sont des militants, soit 17%. Certaines régions de Suisse alémanique, en particulier Berne, Bâle, Argovie, le Tessin ainsi que la jeunesse Unia, ont plaidé pour un CC de milice, soit un CC composé d'une trentaine de militants issus de la base, avec droit de vote, et des permanents actuels sans droit de vote. D'autres régions, en particulier les régions romandes, ont soutenu la proposition dite «principale» permettant d'élargir les représentants de la milice au sein du CC en les portant à 33%, tous les membres ayant le droit de vote. Une proposition de CC mixte, avec 45% de miliciens, a également été proposée, mais le débat s'est focalisé sur les deux premières variantes.

«Démocratisation pas à pas»
«La proposition principale ne représente pas la volonté du congrès de Lausanne. Nous voulons que la base décide, qu'Unia s'appuie sur ses militants pour s'orienter vers l'avenir», a lancé un délégué bâlois préconisant le CC de milice. «Nous sommes pour un premier pas vers un CC de milice, nous voulons une démocratisation étape par étape, c'est pourquoi nous soutenons la proposition principale», a tempéré une représentante du groupe d'intérêt des femmes. «A Lugano, en 2008, nous avons décidé de faire d'Unia un syndicat participatif, et à Lausanne de renforcer les militants. Pour nous, seul un CC de milice peut fixer le cadre de la politique syndicale et des priorités de campagne», a lancé un délégué argovien. Plusieurs délégués romands sont intervenus en faveur de la proposition principale comme Eric Rufi, représentant d'Unia Transjurane: «Notre région s'est toujours opposée à un renforcement de la démocratie syndicale par le haut. Renforcer le réseau de militants est crucial, mais il faut d'abord le faire dans les régions. De plus, assurer la présence de militants actifs au CC relève de l'équilibrisme.» Après un débat très partagé, la «proposition principale», permettant un élargissement de la base au CC, l'a emporté par 180 voix contre 131 favorables au CC de milice.
Le congrès s'est aussi prononcé sur le mode d'élection et le nombre de membres du comité directeur. Ce nombre sera dorénavant fixé par les congrès dans une fourchette de 7 à 9. Outre l'adoption de trois résolutions (voir ci-dessous), les délégués ont encore confirmé les thèmes prioritaires du prochain congrès ordinaire qui se tiendra du 29 novembre au 1er décembre 2012 à Zurich. 


Sylviane Herranz

 

 

«C'est très suisse, il faut des changements à petits pas»
L'avis de quelques militants sur la décision du congrès d'opter pour un Comité central élargi et non pour un Comité central de milice


Roland Brändle, laborant en chimie, vice-président de la région Unia Genève

«La proposition d'un CC mixte venait de Genève puis, au sein même de la région, après de nombreuses discussions, nous avons soutenu une proposition proche de celle ayant été adoptée. La proposition principale permet de davantage intégrer les miliciens, mais on l'a constaté, il n'est pas très aisé de donner plus de poids à la milice. Les gens sont réticents à un changement trop rapide. C'est très suisse, il faut le faire à petits pas. Dans un monde parfait, le CC de milice serait idéal. Le CC mixte représentait un compromis entre aujourd'hui et demain, mais la majorité a décidé d'aller vers le mixte, à petits pas...»


Eric Rufi, prototypiste en horlogerie, président de la région Unia Transjurane

«Dans les statuts actuels, il y a tous les éléments pour un syndicat démocratique. Encore faut-il les mettre en pratique. Il existe les comités et les assemblées régionales où les militants ont une force de propositions. Notre représentant au CC est notre secrétaire régional avec qui nous avons de franches discussions. Il nous soumet les questions importantes puis fait valoir notre avis dans cette instance. Du point de vue démocratique, il n'y a pas de lacune. Si, comme le demandait la proposition de CC de milice, les secrétaires régionaux n'avaient plus le droit de vote, cela aurait été assez dangereux car ils auraient fait passer leur volonté par les militants. C'est donc aux militants de se prendre en main. Et c'est une bonne chose que la proposition principale ait été acceptée, car dans les entreprises, tous les patrons ne sont pas ouverts à la pratique syndicale, ce qui serait indispensable pour qu'un travailleur puisse exercer son rôle correctement au sein du CC.»


Sabine Szabo, décoratrice, présidente de la section de Berne

«La région de Berne a défendu le CC de milice car pour nous, il est essentiel que les militants décident. C'est la base du fonctionnement d'un syndicat. Les permanents doivent appliquer les décisions de la milice. A Berne, nous avons toujours fonctionné comme cela. Le comité exécutif est constitué de militants, c'est normal de travailler ainsi. Je suis aussi convaincue que l'on peut trouver les militants nécessaires pour participer au CC. Nous respectons bien sûr la proposition adoptée par le congrès, car elle représente déjà un petit élargissement de la présence de la base, mais nous aurions souhaité davantage. C'est un pas en avant, il permettra de voir comment cela fonctionne. 


Propos recueillis par Sylviane Herranz



Halte au dumping et à la répression antisyndicale!
Les délégués au congrès de Berne ont adopté trois résolutions. La première soulève le problème de la sous-enchère salariale et appelle à un renforcement des mesures d'accompagnement ainsi qu'à l'introduction de la responsabilité solidaire. Les régions du Tessin et de Genève, lourdement touchées par le dumping salarial, ont demandé qu'Unia convoque cet automne une manifestation nationale contre le dumping. La proposition a été retenue et sera soumise à l'Union syndicale suisse pour que les autres syndicats s'y associent.
Une seconde résolution, soutenue par les témoignages poignants de deux militantes victimes de licenciements antisyndicaux, l'une aux Usines métallurgiques de Vallorbe et l'autre récemment chez Tesa à Renens, exige l'arrêt des licenciements de militants syndicaux et le renforcement des droits des travailleurs, cela alors même que le Conseil fédéral, mis au pas par l'OIT, tarde à modifier la législation.
Dans une troisième résolution, les délégués ont manifesté leur solidarité avec les travailleurs d'Europe luttant pour leurs emplois et la justice sociale. Unia s'engagera avec les syndicats européens contre le dumping et la dérégulation des rapports sociaux, pour des alternatives économiques et contre les attaques aux droits des travailleurs

SH