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Privatisation de la santé: attention danger

L'UDC a marqué un point en vue de la destruction du système de santé. Mais la bataille n'est pas encore gagnée

«Une organisation plus libérale, plus axée sur la concurrence», «une conception plus proche de l'économie de marché», une réforme «ouvrant la voie vers le libéralisme économique». Voilà comment un conseiller aux Etats UDC schwytzois définit le contre-projet du Parlement fédéral à l'initiative de son propre parti intitulée trompeusement «pour la baisse des primes d'assurance maladie». Un contre-projet adopté le 21 décembre dernier par la majorité bourgeoise de l'Assemblée fédérale et qui sera soumis au vote populaire cette année.
Heureuse de ce contre-projet qui «répond largement aux exigences centrales» de son initiative, l'UDC a décidé de la retirer. Et le parti de Blocher le dit lui-même, son objectif était notamment d'augmenter la concurrence au sein du système de santé suisse et de «supprimer des prestations peu utiles mais onéreuses dans le catalogue couvert par l'assurance de base». Son initiative voulait par exemple que l'assurance de base ne couvre que les prestations et les soins servant «à atténuer la douleur et à guérir», excluant de ce fait les malades chroniques, que l'on ne peut guérir mais qui peuvent être traités et vivre avec leur maladie.
Cette formulation a certes disparu du contre-projet, mais son résultat pourrait revenir par la petite porte car ce dernier indique clairement que les prestations devront être «efficaces, appropriées et économiques», cela dans un système de santé «rationnel». D'autre part, le contre-projet introduit directement dans la Constitution le principe selon lequel «l'assurance-maladie est mise en oeuvre conformément aux principes de la concurrence». Il ouvre également la porte à la fin de la liberté de choix de son médecin, car l'activité des fournisseurs de prestations dépendra elle aussi de critères de concurrence. Le contre-projet prévoit encore une réforme du financement des prestations qui, outre les primes et participations des assurés, sera effectué par le versement direct des contributions publiques à un «organisme» qui les financera. En d'autre termes aux assureurs privés...

Vers un système à 2 ou 3 vitesses...
Dans un article publié le 8 janvier dans eSPress, le service d'information du Parti socialiste suisse (PSS), le conseiller national valaisan Stéphane Rossini tire la sonnette d'alarme. Il dénonce d'abord une révision faite à la hâte, bâclée, et menée malgré l'opposition tant du Conseil fédéral et des cantons que des médecins, des soignants et des associations de patients. «Certains savent pourquoi ils ont soutenu cette manœuvre: pour affaiblir la solidarité et poser les fondements de la privatisation du système social de santé publique suisse», écrit-il.
Le contre-projet «pourrait bien ancrer définitivement un système de santé à 2 ou 3 vitesses», poursuit le spécialiste en assurances sociales. Car il contient des modifications majeures: «il reconsidère le rôle régulateur de l'Etat pour privilégier la dimension "économique" de la santé, à savoir les principes du marché et les règles de la concurrence. Les notions d'"efficacité", de "responsabilité individuelle", de "concurrence", de "rationnel", de même que le financement "moniste" modifient les principes actuels qui sous-tendent le système de santé. Loin l'Etat, vive l'illusoire marché, porteur en ce domaine non pas de miracles, mais de chaos et d'injustices!»

Plus de profit pour les caisses
Pour Stéphane Rossini, la votation sur ce contre-projet comporte donc des enjeux fondamentaux. «Dans un système déjà largement privatisé dans ses structures, fortement anti-social dans son financement, on peut craindre le pire, non seulement pour les petits, mais aussi pour toute la classe moyenne. Cette étape risque bien d'être essentielle dans l'histoire des tentatives de démantèlement de l'assurance-maladie. Reconsidérer l'obligation solidaire d'assurance, supprimer des prestations remboursées par l'assurance obligatoire des soins et fermer encore des hôpitaux sera possible, car il faudra désormais répondre à des critères de "rentabilité"... La négation même du service public!» Il relève encore que derrière un discours de façade sur la baisse des coûts, «c'est un élargissement des profits pour les caisses et certains fournisseurs de prestations (dont les cliniques privées et certains spécialistes) qui est clairement visé.»
Outre le PSS, l'Union syndicale suisse (USS) a déjà annoncé qu'elle combattra résolument ce contre-projet, qui ne présente «que des désavantages pour la population et les salariés du secteur de la santé», et qui «donne tout le pouvoir aux caisses maladie».

Sylviane Herranz