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Pour la responsabilité solidaire

Après le travail au noir découvert sur le chantier de Beaulieu, le Conseil communal de Lausanne prend position

Le Conseil communal lausannois a adopté, à la quasi-unanimité, une résolution invitant la Municipalité à introduire le principe de la responsabilité solidaire entre les entreprises générales et les entreprises sous-traitantes lorsqu'elle octroie des travaux par appel d'offre. C'est un pas important dans la lutte contre la sous-enchère salariale et sociale qui sévit dans le secteur du bâtiment. Unia s'en réjouit, et appelle aussi à trouver des solutions pour les ouvriers sans-papiers victimes du travail au noir.

«C'est une première victoire», se réjouit Rebecca Ruiz, conseillère communale à Lausanne, au lendemain de l'acceptation d'une résolution demandant à la Municipalité d'introduire le principe de la responsabilité solidaire entre les entreprises mandatées par la commune et leurs sous-traitants. Le 9 novembre dernier, le Conseil communal a soutenu cette résolution par 70 voix pour, aucune contre et 6 abstentions. Rebecca Ruiz l'avait présentée après qu'un long débat se soit tenu sur le problème des quatre travailleurs employés au noir sur le chantier des halles sud du Palais de Beaulieu. La conseillère communale socialiste et Jean-Michel Dolivo d'A Gauche toute avaient déclenché ce débat avec une interpellation urgente. La commune comme le canton et d'autres collectivités publiques, sont parties prenantes de la Fondation de Beaulieu, maître d'œuvre des travaux. Les deux élus rappelaient que les quatre ouvriers, découverts le 28 septembre par les inspecteurs du travail, étaient employés par deux entreprises de coffrage, sous-traitantes d'Implenia, à qui la Fondation avait octroyé le chantier. Ces ouvriers n'avaient pas été déclarés aux assurances sociales par leurs employeurs, les sociétés Niti Coffrage Sàrl et Beni Coffrage Sàrl, connues par Unia pour leurs faillites à répétition. Une pratique courante dans le secteur, permettant aux employeurs peu scrupuleux de laisser derrière eux, en toute impunité, des ardoises importantes de charges sociales ou de salaires impayés.

Postulat bientôt débattu
La résolution du Conseil communal demande que la responsabilité solidaire soit introduite par voie contractuelle et s'applique au paiement des salaires et des cotisations sociales obligatoires pour tous les travaux mandatés par la ville. Elle invite également la Municipalité à intervenir, à travers ses représentants au conseil de la Fondation de Beaulieu, pour que les montants dus aux quatre ouvriers et aux assurances sociales soient payés et que de nouvelles infractions de ce type ne se reproduisent plus.
«Cette résolution n'est pas contraignante, mais elle donne le ton du débat qui devrait avoir lieu, en fin d'année ou au début 2011, sur le postulat que j'ai déposé à ce sujet en février» relève Rebecca Ruiz. Le postulat demande que la Municipalité mette sur pied un plan d'action pour combattre la sous-enchère salariale et sociale sur les chantiers de la ville, notamment par un renforcement du contrôle des sous-traitants et par l'introduction de la responsabilité solidaire.

Canton aussi interpellé
Une requête similaire a été déposée en 2009 au niveau cantonal par le socialiste Grégoire Junod. Son postulat est en attente de discussion devant le Grand Conseil. Une initiative de Jean-Michel Dolivo demande quant à elle d'introduire la responsabilité solidaire dans la loi sur les marchés publics. Ce qui, pour le Conseil d'Etat, n'est pas possible légalement. «S'il y a des obstacles juridiques, il est toujours possible de le faire de manière contractuelle comme le demande mon postulat. Le canton peut, dans la pratique, faire en sorte que les entreprises s'engagent à être solidairement responsables lorsqu'il octroie des travaux. La résolution lausannoise montre qu'il y a une attente de la classe politique pour régler ce problème de sous-traitance», souligne Grégoire Junod.


Sylviane Herranz



Travail au noir: une grosse hypocrisie
Pietro Carobbio, responsable du secteur de la construction à Unia Vaud, salue la résolution votée par le Conseil communal de Lausanne. «C'est un pas en avant pour combattre la sous-enchère salariale due à la sous-traitance et le non-paiement des charges sociales», indique-t-il. Un non-paiement qui relève du travail au noir, très fréquent sur les chantiers vaudois. Ainsi, selon le journal 24 Heures, durant les 10 premiers mois de l'année, les six inspecteurs de chantiers du canton ont épinglé 331 travailleurs au noir sur 1619 contrôlés. Soit 20% des ouvriers. «C'est une moyenne pour l'ensemble du bâtiment, gros œuvre et second œuvre réunis. Mais dans le ferraillage et le coffrage, où règne la sous-traitance, nous pensons qu'ils sont 50%», précise Pietro Carobbio.
Cependant, pour le syndicaliste, la lutte contre le travail au noir ne doit pas se transformer en chasse aux travailleurs sans papiers. «C'est une grosse hypocrisie. D'un côté, on pénalise des travailleurs dont l'économie a besoin, en expulsant ceux qui n'ont pas de permis de travail. Et d'un autre côté on n'a personne pour les remplacer...» Pour mettre un terme à cette hypocrisie, il préconise deux mesures: la première est l'introduction de la responsabilité solidaire. «Si les sous-traitants ne paient pas leur dû aux travailleurs, ni les cotisations sociales, ce sera aux grandes entreprises de le faire. Il existe des clauses de ce type dans une majorité de pays de l'Union européenne.» La seconde mesure, appliquée elle aussi par d'autres pays européens, est l'amnistie et la régularisation des travailleurs sans statut.
Le syndicat se battra également au niveau de la révision en cours de la loi fédérale sur les poursuites et faillites. «Il faut une règle permettant de refuser l'ouverture d'une nouvelle société à un employeur qui n'aura pas payé toutes ses ardoises à l'égard des travailleurs et des assurances sociales.»


SH