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Ouvriers payés 12 francs de l'heure

Unia Genève dénonce de nouveaux abus sur un chantier de Vernier où la sous-traitance génère dumping social et salarial

Sur le chantier de construction d'un hangar de Ronin Primeurs SA, des ouvriers sont payés 10 euros, soit 12 francs de l'heure, comme le révèlent des contrôles menés par Unia Genève. De nombreux sous-traitants se partagent le travail dont certains ne respectent pas les tarifs suisses. Le syndicat exige des mesures, comme la responsabilité solidaire.


Sous la grisaille, à Vernier, dans la banlieue industrielle genevoise, quelques ouvriers ont dû être surpris jeudi de voir une dizaine de journalistes encadrés par Unia Genève s'arrêter devant leur chantier. Les secrétaires syndicaux ont dressé leurs drapeaux sur les grillages qui entourent la halle frigorifique et le bâtiment d'activité en construction de Ronin Primeurs SA, avant de dénoncer le dumping salarial et social qui se joue sur ce terrain appartenant pourtant à l'Etat. «C'est le Far West!» s'insurge Filipa Chinarro, coresponsable du bâtiment à Unia Genève. «Il y a 3 voire 4 niveaux de sous-traitance. Certains employés sont payés 10 euros l'heure (12 francs), des fiches de paie et des contrats de sous-traitance manquent, les horaires ne sont pas respectés...»

Une fourmilière de sous-traitants
Les parties sont nombreuses et se renvoient la responsabilité, que ce soit le client, Ronin Primeurs SA, l'architecte, la Compagnie des contractants régionaux (CCR) ou ses quelque 32 entreprises sous-traitantes qui, elles-mêmes, sous-traitent... Dans cette fourmilière, ajoutons encore que six entreprises n'ont aucun contrat, selon Unia.
Protectum, malgré un contrat avec le CCR de plus de 360000 francs, indique n'avoir aucun salarié sur ce chantier, ce qui signifie que cette entreprise du second œuvre ne fait que sous-traiter son mandat, et notamment à deux entreprises françaises qui ne respectent pas les tarifs suisses. Deux Portugais engagés par l'une d'elles confirment qu'ils ne touchent que 1400 euros (1690 francs) par mois. Alors que, dans le second œuvre, le salaire minimum est de 4425 francs, ou de 24,90 francs l'heure.
Dans ce processus de sous-traitance en chaîne, des entreprises interviennent juste quelques jours ou quelques semaines et emploient leurs travailleurs détachés en les payant en euros à des tarifs violant les minima des conventions collectives suisses. Un ouvrier français explique être payé 1200 euros (1450 francs) par mois et être présent sur ce chantier seulement 3 jours. «Mon patron est un gros malin, il ne m'envoie que quelques jours à chaque fois», lance-t-il, conscient qu'il y a violation des conditions salariales suisses.

Responsabilité solidaire urgente
«Une fois de plus, ce chantier montre que les mesures d'accompagnement sont insuffisantes», s'indigne Lionel Roche, responsable du second œuvre à Unia Genève. Le syndicat souligne une nouvelle fois la nécessité d'introduire un système de responsabilité solidaire dans les conventions collectives du bâtiment.
Il relève aussi que le CCR dans ses contrats ne fait même pas référence aux conventions collectives pourtant de force obligatoire. «Nous regrettons qu'Unia n'ait pas attendu de nous rencontrer avant de créer cet événement médiatique», relève Christophe Dubail, directeur de la communication du groupe. «Quant aux faits, à notre connaissance, ils ne sont pas avérés.» Le syndicat épingle également l'irresponsabilité morale et sociale du client, en rappelant que Ronin Primeurs SA est pourtant détenteur du label d'une agriculture de proximité et respectueuse des conditions de travail.
Jeudi dernier, l'Ocirt (Office de l'inspection et des relations du travail), la Mission de contrôle de chantiers et l'Etat de Genève ont été avertis par courrier de la situation. Unia demande l'intervention de ces différentes parties «pour contrôler et veiller au paiement des salaires de rattrapage dus aux travailleurs qui auront été exploités sur ce chantier». Le syndicat demande également que la procédure d'annonce des travailleurs de l'Union européenne qui viennent en Suisse pour moins de 90 jours soit améliorée. Précisons qu'aujourd'hui un simple formulaire suffit, sans justificatif des conditions salariales, et qu'il peut être envoyé rétroactivement. Des entreprises attendraient ainsi un éventuel contrôle avant d'annoncer leurs ouvriers...


Aline Andrey