Bien que la plainte pour diffamation et calomnie déposée par Nettoie’Net contre Unia Genève n’ait pas abouti, le syndicat a décidé de contre-attaquer. Explications et rappel des faits
«On en a assez de cette criminalisation du travail syndical. Nous avons décidé de réagir.» Lors d’une conférence de presse tenue à proximité du Ministère public genevois le 16 août dernier, Unia a annoncé porter plainte pour dénonciation calomnieuse contre le directeur de l’entreprise de Nettoie’Net. Cette démarche fait suite à l’action qu’avait intentée en justice ce dernier contre le syndicat et «tous ses membres impliqués dans l’affaire» pour diffamation et calomnie. Procédure qui n’a toutefois pas abouti entraînant en février dernier un classement de l’affaire. Mais cette fois-ci, le syndicat refuse d’en rester là. «Nous avons déposé deux plaintes, une à mon nom et une seconde à celui d’Unia», précise Camila Aros, secrétaire syndicale, qui avait été en charge du dossier Nettoie’Net. Un nouveau rebondissement qui nécessite, pour la compréhension des faits, un retour sur les épisodes précédents.
Poker menteur...
Le 12 avril 2017, Unia dénonce publiquement les agissements de Nettoie’Net qui emploie des travailleurs au noir et viole plusieurs points de la Convention collective de travail et de la Loi sur le travail. Le syndicat interpelle alors l’Aéroport de Genève, le Département de la sécurité et de l’économie et l’Office de l’inspection et des relations du travail pour que, en l’absence de preuves de mise en conformité de l’entreprise, le contrat avec Nettoie’Net soit résilié. Plusieurs réunions entre les parties débouchent, en août 2017, sur l’exclusion de l’entreprise incriminée des marchés publics de l’Aéroport de Genève pour deux ans. «Mais, malgré le consensus général autour de cette décision, le directeur a porté plainte pénalement contre Unia et ses représentants impliqués dans ce dossier, les accusant d’avoir colporté de fausses informations... Selon ce dernier, les travailleurs de l’entreprise auraient été employés en “toute légalité et les obligations de la branche respectées”», s’indigne Camila Aros. Et la syndicaliste de relever que l’entreprise a pourtant été condamnée à plusieurs reprises.
Infractions multiples
«La nature des infractions? Le non-respect des salaires minimums, des différentes catégories professionnelles, du paiement des jours fériés, du 13e salaire. La société a aussi été épinglée pour n’avoir pas versé les majorations des heures supplémentaires ou encore du travail de nuit et du dimanche dues.» Autant de violations dont le Parquet a eu connaissance – prouvant la bonne foi d’Unia – qui a alors rendu, le 26 février dernier, une ordonnance de non-entrée en matière. L’affaire aurait pu se terminer avec son classement mais le syndicat a décidé de contre-attaquer. «Nos affirmations étaient vraies. L’argumentation du plaignant, mensongère. C’est pénalement répréhensible», déclare Camila Aros, tout en précisant que la plainte pour dénonciation calomnieuse déposée à l’encontre du directeur tend aussi à faire barrage aux velléités d’employeurs de criminaliser le travail syndical. Et ce alors que la Fédération romande des entreprises a publié, en 2010 déjà, un manuel des «moyens de lutte patronaux» utilisé, estime le syndicat, comme une incitation à attaquer juridiquement les syndicalistes. «Loin d’être une démarche isolée, le mode de faire de Nettoie’Net relève au contraire d’une stratégie des milieux patronaux. D’un côté, ils affirment regretter la détérioration du partenariat social et, de l’autre, ils multiplient les attaques de toutes sortes contre les syndicats...»
Pluie de plaintes
Violation de domicile, diffamation, calomnie, contrainte, etc.: les plaintes pleuvent sur l’organisation de travailleurs. Pas moins de huit dénonciations en justice déposées au cours de ces trois dernières années à l’encontre de la section genevoise d’Unia, donc seulement pour cette région.... «Si aucune n’a abouti à ce jour à une condamnation, les procureurs donnent hélas! de plus en plus souvent crédit à la partie patronale et ouvrent des procédures interminables qui pénalisent notre activité.» Les secrétaires sont ainsi appelés à passer des journées entières entre la police et le Ministère public. Des démarches coûteuses et chronophages. «Durant ce temps, une chose est sûre: les employeurs qui violent les droits des travailleurs gagnent un répit susceptible à lui seul, à leurs yeux, de justifier la procédure.» Et le syndicat de demander dès lors au Ministère public de ne pas faire le jeu du patronat visant à criminaliser le contre-pouvoir des syndicats, indispensable pourtant au bon fonctionnement d’une démocratie. «Avec, comme seuls perdants dans l’affaire: les travailleurs et les deniers publics.»