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Mobilisation sans faille

La direction devait rendre sa réponse hier sur les propositions d'alternatives à la fermeture du site. Cinq grévistes témoignent

Entre grève, débrayages, actions de protestation et dépôt de pétitions à Berne, la semaine a été riche en événements pour les employés du groupe allemand. A l'heure où nous mettions sous presse, ce lundi, les travailleurs attendaient le verdict de la direction pour pouvoir se prononcer sur la suite du mouvement et la possible reconduction de la grève. Cinq grévistes du premier débrayage témoignent de leur écœurement face à la direction qui les ignore. Dans le canton de Vaud, Unia a relevé des cas de pressions exercées sur les travailleurs du site de Corsier.

La tension monte sur le site de Merck Serono à Genève. Après une première grève massivement suivie le 12 juin, le dépôt au Palais fédéral d'une pétition munie de 15000 signatures contre la fermeture du site et le débrayage de jeudi, les travailleurs du groupe allemand ont remis le couvert ce lundi. Après une pause de protestation le matin, ils ont défilé l'après-midi en ville pour montrer que, à la veille de l'annonce des propositions de la direction, leur mobilisation ne faiblit pas.
Ils sont même allés plus loin. Vendredi 15 juin, lors de la dixième assemblée du personnel, les 550 travailleurs présents ont voté à la quasi-unanimité un préavis de grève reconductible à partir d'aujourd'hui, mercredi 20 juin. A l'heure où nous mettions sous presse, ce lundi, les travailleurs avaient prévu de se réunir le lendemain, le mardi 19 juin, en assemblée générale à 16h, afin de décider des actions à mener en fonction de la réponse des dirigeants à leurs propositions.
Alors qu'ils ignoraient encore la réaction du groupe, cinq grévistes mobilisés depuis le début du conflit nous ont confié leur déception face au mutisme de la direction et les raisons de leur engagement.

Manon Todesco

 

Annette, rédactrice médicale
«La direction ne nous prend pas au sérieux. Nous sommes passés par toutes les étapes civilisées, sans résultat, c'est pourquoi il est important aujourd'hui de faire grève. Et même s'il n'y a aucun espoir de sauver le site de Genève, il faut faire cette grève car d'autres filiales de Merck subissent des coupes importantes, nous ne sommes pas les seuls. Il faut dénoncer cette situation. L'un de mes collègues vient d'acheter une maison, un autre a déménagé du Canada l'an passé pour venir s'installer ici et il pense ne plus pouvoir assumer son loyer sans son salaire complet.»

Christiane*
«Il faut se mobiliser car sans être unis, nous n'aboutirons à rien. Je fais grève car je n'accepte pas l'injustice que nous subissons. J'avais de grands espoirs pour l'entreprise avec l'arrivée de la nouvelle direction, mais rien n'a abouti. Ce qui prime pour eux, c'est de maintenir le centre de Merck à Darmstadt. Aujourd'hui, nous espérons faire plier la direction et qu'elle accepte au moins d'entrer en négociation et d'étudier nos propositions, ce qui n'est pas le cas pour l'instant. Ils ont leur plan et les lettres de licenciement sont prêtes à partir. A l'inverse, on nous demande de nous investir dans des gros projets de plusieurs mois: j'ai déjà prévenu que je ne démarrerai aucun projet sans la certitude d'avoir des perspectives d'avenir concrètes.» * Prénom d'emprunt.

Alain, immunologiste
«Nous sommes à un moment clé du bras de fer puisque la période de consultation prend fin. Nous devons montrer notre force et la grève est l'un des moyens. Plus que de stopper le travail, ce débrayage est un effort de visibilité au niveau local et international. Nous ne nous attendons pas à un impact énorme, ni à ce que la direction change brutalement d'avis, mais il peut en ressortir du positif pour les employés, notamment au niveau du package (plan social). L'effet bénéfique c'est que le personnel se mobilise autour d'actions et travaille à travers des groupes de réflexion: même si l'enracinement syndical n'est pas évident ici, les gens sont engagés et ils n'ont pas envie de se faire arnaquer. Il y a un sentiment de gâchis et d'injustice assez fort.»

Hanne, essais cliniques
«Ce qu'on veut, c'est les enquiquiner un maximum car ils refusent de négocier! Ils nous ignorent, ils ne nous respectent pas, et c'est inacceptable. Ils ont pressé les citrons et maintenant ils jettent l'écorce... Je ne pense pas que cette grève changera le cours des choses mais c'est avant tout un moyen de montrer que l'on ne va pas se laisser faire en silence. Merck Serono a oublié les fameuses valeurs familiales qu'elle prône, et nous voulons que cela se sache. Je ne me fais pas d'illusions quant à l'avenir du site, j'ai plus d'espoirs concernant de nouvelles entreprises qui pourraient voir le jour en utilisant les forces qui sont là, et c'est là qu'il faut mettre notre énergie.»

Yves, chercheur
«C'est une question de respect. Nous refusons d'être mis à la porte comme de vulgaires numéros. Avec cette grève, nous espérons sauver des emplois mais aussi que la direction de Merck Serono fasse un pas vers nous en ce qui concerne le plan social. C'est notre dernier recours. On se sent lésés car les produits Serono sont ceux qui rapportent le plus d'argent à Merck, et pourtant, c'est cette branche qui est touchée. Il y a une grande frustration. Je n'ai aucune idée du futur réservé à mon poste mais je ne partirai pas; d'ailleurs, sur les 750 transferts annoncés, il y en aura peut-être 70 qui l'accepteront... C'est de la poudre aux yeux.»

Propos recueillis pas Manon Todesco / Photos Thierry Porchet