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L’histoire oubliée des radiumineuses

photo de montre
© Aline Bovard Rudaz

Montre dont le cadran est orné de radium, retrouvée par l’Office fédéral de la santé publique lors d’une campagne d’assainissement d’anciens ateliers horlogers.

Une exposition photographique rend hommage à ces femmes qui ont été irradiées pendant des décennies à cause de leur travail dans l’horlogerie. A voir à Lausanne.

Ce sont les martyres oubliées de l’industrie du luxe. Pendant toute la première moitié du XXe siècle, des femmes ont été quotidiennement irradiées à cause de leur travail avec une substance hautement radioactive utilisée dans l’horlogerie, le radium. On les a nommées les radiumineuses. La photographe genevoise Aline Bovard Rudaz leur consacre une exposition à la galerie Strates, à Lausanne. Elle y mêle ses interprétations photographiques personnelles de cette histoire tragique à des documents iconographiques, des archives et des interviews de témoins.

Ces petites mains – exclusivement féminines – de l'industrie horlogère ont souvent été atteintes de tumeurs cancéreuses à force de manipuler du radium sans le moindre équipement de protection. Leur travail consistait à appliquer ce matériau – bien plus radioactif que l’uranium – sur les index des cadrans de montres et sur les aiguilles, afin de les rendre phosphorescents. Du début du XXe siècle jusqu’à son interdiction en 1963, et son remplacement par d’autres produits moins nocifs, le radium était en effet le seul moyen utilisé pour permettre de lire l’heure dans l’obscurité.

Des enfants aussi contaminés
Aline Bovard Rudaz a été touchée par le destin de ces femmes. L’artiste a passé un an et demi à faire des recherches sur elles, grâce à une bourse de la Ville de Genève. «Je m’intéresse beaucoup aux histoires oubliées, en particulier celles liées à la condition féminine, explique-t-elle. Après avoir lu un article de presse sur les radiumineuses, j’ai eu envie de creuser le sujet. Je n’ai hélas pas réussi à retrouver de ces travailleuses encore en vie, mais j’ai pu recueillir les témoignages de leurs proches, de leurs enfants. J’ai aussi rencontré une chirurgienne qui en avait soigné à l’époque. Elle m’a raconté que des femmes avaient dû se faire amputer des doigts ou greffer de la peau.»

Totalement inconscientes du danger, les radiumineuses avaient pour habitude de lisser les poils de leurs fins pinceaux sur leur langue. Beaucoup travaillaient à domicile, où elles ont aussi contaminé, sans le savoir, leurs familles, leurs enfants. «Le fils de l’une d’entre elles se souvient qu’il jouait souvent autour de l’établi de sa mère, et que le tapis brillait dans la nuit, car il y avait des petites taches de radium, confie la photographe. Plus tard, quand le problème a commencé à être connu, toute sa famille a été auscultée, et c’était lui le plus atteint.» Certaines radiumineuses se teignaient même les ongles avec du radium, ou en utilisaient pour peindre des étoiles sur les murs des chambres de leurs enfants.

Dans le cadre du Plan d’action radium 2015-2023, l’Office fédéral de la santé publique avait identifié un millier de sites potentiellement contaminés au radium en Suisse. Au final, plus de 160 anciens ateliers horlogers ont dû être assainis. Des objets ont été récupérés lors de cette campagne, qu’Aline Bovard Rudaz a pu photographier pour son exposition. Un travail de mémoire essentiel. 

«Cherche radiumineuse», exposition à la galerie Strates, rue de la Borde 12, Lausanne. Jusqu’au 3 avril. Visite sur rendez-vous: galerie [at] strates.ch (galerie[at]strates[dot]ch)

instagram.com/galeriestrates/

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