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L’heure de l’égalité a sonné

Action "le temps presse" avec revendications sur une grande montre en carton colorée.
© Thierry Porchet

Sur le cadran d’une montre géante, des horlogères de la Vallée ont placardé leurs revendications à l’occasion de la mobilisation féministe du 14 juin. Des exigences qui, comme celle de l’égalité salariale, sont plus urgentes que jamais. Ailleurs en Suisse, l’opposition à AVS 21 a été au cœur des manifestations qui se sont déroulées dans plusieurs villes du pays

Gros succès lors du rendez-vous du 14 juin à la vallée de Joux. Entre 11h30 et 13h30, au Sentier, Unia a accueilli jusqu’à 350 personnes. Des horlogères des manufactures environnantes pour la plupart, mais aussi des femmes d’autres secteurs et des hommes solidaires.

Dans la bonne humeur et en musique, les militantes ont pu profiter d’un apéritif et d’un repas dans une ambiance festive. La pause prolongée, négociée avec les employeurs, a été offerte par certains d’entre eux et prise en charge par Unia pour les autres. «65 ans, c’est toujours Non», «On veut des droits, pas des roses» ou encore «Marre de pédaler pour l’égalité», pouvait-on lire sur les pancartes.

Cette journée de mobilisation féministe a une saveur particulière pour les horlogères, car, hormis l’occasion pour elles de dénoncer la réforme AVS 21, elle annonce également le lancement de la campagne en vue du renouvellement en 2023 de la Convention collective de travail de l’horlogerie. Moment où les questions de la place des femmes seront au cœur des revendications syndicales. En effet, les militantes de la branche avaient rédigé en 2019 un cahier de revendications féministes, mais, pandémie oblige, la convention avait été renouvelée en l’état. Cette fois, elles comptent bien se faire entendre!

Payées 21,7% de moins

«Que ce soleil et cette joie de se retrouver ne viennent pas nous aveugler», s’est exprimée Silvia Locatelli, secrétaire régionale d’Unia Neuchâtel. «Nous sommes très loin d’avoir atteint l’égalité. Nous nous souvenons toutes de 2019, quand des centaines de milliers de femmes ont battu le pavé pour dénoncer cette lenteur assassine du chemin vers l’égalité. Qu’avons-nous obtenu? La modification de la LEg, qui n’a pas servi à grand-chose tant elle est dépourvue de réels moyens de contrainte… Nous hurlons, et la majorité de droite du Parlement nous regarde avec condescendance.»

La syndicaliste a rappelé quelques chiffres: «La tendance n’est pas à l’amélioration. Les femmes arrêtent aujourd’hui d’être payées à 15h19, contre 15h24 il y a quelques années. Et dans l’industrie, l’écart salarial entre hommes et femmes s’élève à 21,7%. Allons-nous supporter cela encore longtemps?» Le renouvellement de la CCT, dont le cahier de revendications final sera adopté en octobre lors de la Conférence de branche, est l’occasion de faire bouger les choses. «En termes d’égalité, la CCT est pratiquement restée figée à sa première version de 1937. Les revendications féministes seront centrales, tout comme la question des salaires, qui sont beaucoup trop bas par rapport aux bénéfices engendrés par les entreprises du secteur.»

Les militantes ont ensuite entamé à l’unisson le slogan: «Y’en a assez, assez des inégalités. Ensemble, ensemble, ensemble il faut lutter!» Secrétaire syndicale et membre du Groupe d’intérêts Femmes d’Unia Vaud, Tamara Knezevic a pris le micro avec véhémence. «Nous n’avons jamais rien obtenu, nous les femmes, sans avoir lutté! Le système entier repose sur le travail gratuit des femmes. Nous n’avons toujours pas des salaires égaux à ceux des hommes. Nous travaillons toujours plus pour gagner toujours moins. Les femmes sont massivement représentées dans les emplois précaires et sous-payés, et comme si tout cela ne suffisait pas, on nous impose la réforme AVS 21 au nom de l’égalité. Ça suffit!»

Le temps presse!

Enfin, une dizaine d’horlogères ont mené une action baptisée «Le temps presse». Sur une grande montre en carton, elles sont venues chacune leur tour placarder leurs revendications. De l’égalité salariale au congé parental en passant par une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle ou encore la réduction du temps de travail. «Encore combien de temps va-t-on devoir attendre pour obtenir ces changements?» ont-elles questionné. Les négociations conventionnelles démarreront au printemps prochain. Pour le reste, les femmes de la vallée de Joux ont déjà annoncé leur présence massive à l’occasion du 14 juin 2023!

Texte Manon Todesco

Rassemblement des horlogères et drapeau Unia.

 

Témoignages

La retraite à 65 ans, c’est NON!


Laurence, employée chez Jaeger-LeCoultre depuis 11 ans.

«Je suis ici très égoïstement (rires), car je suis proche de l’âge de la retraite et je ne veux pas d’un départ à 65 ans. Je pense aussi à celles qui restent, et aller déjà jusqu’à 64 ans est très pénible. Nous voulons partir le plus tôt possible! Avoir des employés de 67 ans sur un poste de travail en production, ce n’est pas du tout efficace… Plus généralement, je pense que nous devons nous battre pour de meilleurs salaires en général, dans l’horlogerie, et pour les femmes.»


Cindy, horlogère.

«J’ai encore 30 ans de travail devant moi, mais je pense déjà à la problématique des retraites, et je me mobilise aujourd’hui, car ces projets qui veulent nous faire bosser jusqu’à 65, voire 67 ans, c’est juste pas possible. On n’a pas envie de mourir au travail! Il est aussi urgent que les femmes soient plus valorisées dans les entreprises.»


Sylvie et Sylvie, employées chez Travys, société de transports du Nord vaudois.

«C’est la première fois que nous participons à une action du 14 juin, on nous a invitées et nous avons trouvé ça très sympa et très bien organisé. Nous avons la chance de ne pas être concernées mais nous revendiquons l’égalité salariale partout: les inégalités dans l’industrie (plus de 21%) sont impressionnantes. Et puis surtout, nous sommes contre la hausse de l’âge de la retraite pour les femmes. Il faudrait qu’il baisse pour tout le monde, les hommes et les femmes. Est-ce que nous nous mobiliserons le 14 juin 2023? Justement, on en discutait, et on se disait qu’on allait prendre congé pour pouvoir y participer: on mettra un homme au boulot à notre place!»


Claudette et Erika, retraitées, vallée de Joux.

«C’était naturel pour nous de venir à cette action. La retraite à 65 ans, c’est inadmissible et révoltant. Les femmes ont toujours été sous-estimées, au travail et à la maison. Plus le temps avance et plus... c’est toujours la même chose!

Voir des femmes travailler à 100% qui n’arrivent pas à s’en sortir, c’est scandaleux. Moi (Erika, ancienne horlogère et militante Unia depuis 1968, ndlr), j’ai travaillé 48 ans à plein temps, et je ne touche même pas l’AVS complète.

Certes, les jeunes papas s’investissent plus qu’à notre époque, et c’est une bonne chose, mais ce n’est pas encore totalement au point…

C’est fort possible qu’on soit dans la rue le 14 juin prochain, ici ou à Lausanne. En 1991, je (Erika) n’ai pas pu me permettre de faire la grève, car j’avais trop besoin d’argent, mais j’ai mis balais, serpillière et pancarte sur mon balcon pour participer à ma manière. En 2019, j’étais là, et je serai là dans un an!»

Propos recueillis par Manon Todesco

Pas d’économies sur le dos des femmes

Le 14 juin, environ 50000 femmes et hommes solidaires sont descendus dans les rues de Suisse pour demander encore une fois l’égalité et le respect. Au cœur des revendications: le refus de l’augmentation de l’âge de la retraite à 65 ans

14 juin à Fribourg.
A Fribourg, quelque 3000 manifestantes ont défilé dans les rues après des prises de parole sur la place Pythonne, rebaptisée pour l’occasion. Le Non à AVS 21 était au cœur de la mobilisation féministe et de nombreuses autres revendications se sont exprimées. © Olivier Vogelsang

 

L’opposition à AVS 21 a été omniprésente lors des manifestations organisées par les collectifs féministes et syndicaux partout en Suisse le 14 juin dernier. Si, ces dernières années, la parole s’est libérée, les discriminations, les inégalités et les violences à l’encontre des femmes n’ont pas faibli. La mobilisation non plus. La participation aux actions de ce 14 juin 2022 montre que les militantes ne sont toujours pas prêtes à se taire. Intergénérationnels et aux revendications plurielles, les actions et les cortèges ont fait office de répétition générale avant une nouvelle grève d’ampleur prévue le 14 juin 2023, à l’image de celles de 2019 et de 1991.

Dans plusieurs villes, comme à La Chaux-de-Fonds, les militantes ont fait du bruit à 15h19 pour rappeler que c’est l’heure à laquelle, selon un horaire standard, une femme cesse d’être rémunérée. A la vallée de Joux, plus de 350 travailleuses se sont mobilisées à l’appel d’Unia. A Fribourg, une vague violette de quelque 3000 personnes a déferlé. Elles étaient 2000 à Neuchâtel, 4000 à Genève, 10000 à Berne et tout autant à Lausanne.

Lessive géante.
A Lausanne, la commission féministe de l’Union syndicale vaudoise a relayé les revendications des travailleuses lors d’une action symbolique intitulée «Exposons notre linge sale!». © AA

 

Mobilisations syndicales

Dans la capitale vaudoise, peu avant le coup d’envoi du cortège, une action intersyndicale a donné une voix aux vendeuses, auxiliaires de soins, serveuses, infirmières, horlogères, nettoyeuses, éducatrices de l’enfance, factrices, conductrices, blanchisseuses et bien d’autres encore, en exposant symboliquement leur «linge sale». Une manière de dénoncer l’extension des horaires, la maltraitance, la pression, les heures supplémentaires non payées, les licenciements après les congés maternité, l’iniquité et la non-valorisation des tâches domestiques et de soins, le harcèlement sexuel et moral…

En Valais, Unia a lancé la campagne contre AVS 21 au côté du personnel de l’hôtellerie de la région de Martigny, en rappelant encore une fois que les rentes des femmes sont inférieures d’un tiers à celles des hommes. A Delémont, Unia Transjurane a dénoncé les inégalités salariales persistantes malgré l’initiative cantonale «Egalité salariale: concrétisons» plébiscitée par le peuple jurassien une année auparavant. Le syndicat a aussi alerté sur le vote du Parlement jurassien prévu le 22 juin quant à l’application de cette loi. Une majorité de la Commission de l’économie veut alléger la proposition du gouvernement soutenue par le syndicat. Car, pour Unia, «des mesures complètes et contraignantes sont nécessaires».

14 juin à Neuchâtel.
Les féministes neuchâteloises du haut et du bas du canton ont mené des actions à 15h19, heure à laquelle les femmes ne sont plus payées. Elles se sont ensuite rassemblées à Neuchâtel pour une grande manifestation. © Lucas Dubuis

 

Texte Aline Andrey

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