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Les vendeuses ne sont pas des cobayes !

A Genève, la loi sur les heures de fermeture des magasins a été renvoyée en commission

Les patrons voulaient faire le forcing et imposer des horaires d'ouverture des commerces élargis, inacceptables pour le personnel de la vente. Les syndicats sont sur pied de guerre depuis des mois, prêts à lancer le référendum. Mais en dernière minute, le Parlement genevois a renvoyé le projet de loi à une commission, afin d'étudier les conditions d'une loi «expérimentale».

Du jamais vu dans l'histoire de la République! Jeudi dernier, devant les portes du Parlement genevois, des secrétaires patronaux étaient venus en force pour distribuer des tracts aux députés, les appelant à voter en faveur de la nouvelle loi sur les heures de fermeture des commerces du canton. Une loi qui autoriserait les magasins à rester ouverts tous les soirs jusqu'à 20 h, le samedi jusqu'à 19h et quatre dimanches par année. En contrepartie? La nocturne du jeudi soir - un flop avéré - serait ramenée de 21 h à 20h... Des secrétaires et militants des syndicats Unia et Sit étaient également présents, disputant aux quatre représentants patronaux l'intérêt des élus et leur rappelant qu'en cas de vote favorable à la loi, le référendum serait lancé aussitôt.
Or les choses ne se sont pas passées comme prévu. Les patrons entendaient faire passer leur projet grâce à la confortable majorité de droite du nouveau Grand Conseil. Mais face à la forte résistance à cette flexibilisation des horaires, que ce soit des vendeuses, des syndicats ou des partis de gauche, et au risque de désaveu populaire en cas de succès du référendum, le conseiller d'Etat Pierre-François Hunger, du PDC, avait proposé de transformer le projet en loi «expérimentale» d'une durée de trois ans. Loi que le Parlement aurait dû reconduire par la suite. Jeudi soir, même cette loi expérimentale n'a pas passé la rampe. Le Parlement l'a bottée en touche! Majoritaires, les élus du PDC, de gauche et du MCG ont renvoyé le projet en commission afin que des mesures d'évaluation précises de la loi expérimentale soient définies.

Victoire d'étape pour les vendeuses
«Ce renvoi est une claque pour les patrons, et une grande victoire d'étape pour les vendeuses», se réjouit Joël Varone, syndicaliste d'Unia Genève. «Les patrons des magasins voulaient que la loi entre en vigueur en juillet 2010 déjà. Avec ce retour en commission, les vendeuses gagnent quelques mois. Si le Parlement vote la loi en avril, le vote populaire n'aura pas lieu avant fin septembre», poursuit le syndicaliste qui précise que quelle que soit la forme de la loi, définitive ou expérimentale, Unia et le Sit s'y opposeront par référendum. «Les vendeuses ne sont pas des cobayes. Les patrons, comme le Parlement, ne peuvent pas prétendre les protéger en les faisant souffrir durant trois ans!» s'insurge le syndicaliste. Il rappelle que les employées et les employés de la vente ne sont pas prêts à faire une croix sur leur vie sociale et familiale et à lâcher sur les horaires, élément le plus stable de leurs conditions de travail.
Des conditions que les syndicats veulent impérativement améliorer. Ils ont proposé au patronat de coupler le débat sur les horaires à des améliorations de la Convention collective de travail de la vente (CCT), comme cela avait été le cas pour la loi actuelle qui avait permis de conclure cette CCT, entrée en vigueur en 2002. Une rencontre avec les trois associations patronales de la vente a eu lieu le 12 janvier dernier. «Les patrons n'ont fait aucune proposition, commente Joël Varone. Ils voulaient seulement savoir si nous avions des amendements à leur projet de loi. Nous leur avons demandé l'ouverture d'une phase de négociations, basées sur le cahier de revendications du personnel et les revendications patronales sur le cadre horaire, mais à la condition expresse qu'ils retirent leur projet de loi. Ils ont bien sûr refusé.»

CCT en péril?
Ce bras de fer entre syndicats et patrons ne risque-t-il pas de remettre en cause l'existence de la CCT actuelle qui arrive à échéance à la fin de l'année? «Je n'ai aucune crainte d'un vide conventionnel, répond le syndicaliste. La CCT est extrêmement faible. Elle est utile car elle constitue un filet social minimal, mais comment voulez-vous vivre à Genève avec un salaire de 3500 francs par mois? Il est nécessaire d'améliorer fortement cette CCT, en matière salariale, de protection contre la flexibilité ou encore de contrôle et de surveillance des conditions de travail.» Découplée de la question des horaires, la négociation sur le renouvellement de la CCT a débuté hier, 2 février. Affaire à suivre...

Sylviane Herranz