Les syndicats font front uni contre l’atteinte portée aux salaires minimums

Pour la présidente d’Unia, Vania Alleva, des milliers de travailleuses et de travailleurs seront directement concernés à Genève et Neuchâtel par la motion Ettlin.
Dans une conférence de presse, l’USS, Unia et Syndicom ont réitéré leur ferme opposition à la motion Ettlin, qui s’attaque aux bas revenus et à la volonté du peuple.
Une ombre menaçante plane sur les travailleuses et travailleurs de Suisse et elle se manifeste à travers la motion Ettlin, du nom de son initiant, le conseiller aux Etats Erich Ettlin (Centre). La portée de ses contenus est suffisamment inquiétante pour pousser le monde syndical à unir ses forces et déclarer d’une seule voix sa ferme opposition a ce qui est considéré comme une attaque frontale aux bas revenus et à la démocratie helvétique. Ainsi, la présidente d’Unia, Vania Alleva, le président de l’USS, Pierre-Yves Maillard, l’économiste en chef de cette même faîtière, Daniel Lampart, tout comme le président de syndicom, Matteo Antonini, ont convoqué la presse ce mardi 27 mai à Berne pour étayer leurs arguments.
Validée au début du mois d’avril par une majorité des membres de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national, la motion préconise un bouleversement néfaste en matière de politique salariale. Elle s’y prend en remettant en discussion, précisément, les salaires minimums légaux adoptés par vote populaire par les cantons de Genève et Neuchâtel, mais également par les villes de Zurich, Winterthur et Lucerne. Ce mécanisme, qui a fait largement ses preuves, est aujourd’hui menacé par la volonté d’Erich Ettlin de faire valoir, à sa place, les conventions collectives de travail (CCT) prévoyants des salaires inférieurs aux minima cantonaux.
Atteinte à la démocratie
«Pour la première fois dans l’histoire de la Suisse, le Parlement, à la demande d’organisations patronales, envisage de réduire les revenus de milliers de salariés par le biais d’une loi fédérale et de détériorer par là la protection des salaires», relève Daniel Lampart. Cette attaque est tout particulièrement dangereuse pour les couches socio-professionnelles les plus fragiles, les moins protégées. C’est ce que souligne Vania Alleva en signalant que, rien que pour Genève et Neuchâtel, des milliers de travailleuses et travailleurs en situation précaires seront directement concernés: «A Genève, une coiffeuse qualifiée avec trois ans d’expérience professionnelle ou plus pourrait perdre jusqu’à 250 francs par mois. Une employée semi-qualifiée dans le nettoyage des textiles pourrait même subir une perte de revenu de plus de 350 francs». Ce schéma se reproduira avec un impact identique dans le domaine de l’hôtellerie-restauration. Avec la présidente d’Unia, Pierre-Yves Maillard pointe du doigt l’attaque à la démocratie directe que représente cette motion, puisque la volonté populaire est dévoyée et contournée. «Le fédéralisme, c’est laisser les décisions se prendre au niveau le plus proche des citoyens. Cette loi bafouerait la Constitution et ses principes fondamentaux.»
Défendue par les partis bourgeois et par la droite xénophobe, la motion Ettlin génère, dans les milieux politiques et économiques, une opposition massive et variée, allant du Conseil fédéral à l’Union des villes, du front constitué de 24 cantons à une partie des associations patronales. Sans doute parce que les études portant sur les effets du salaire minimum ont permis d’identifier et de quantifier les retombées positives du dispositif. Cela concerne tout particulièrement le pouvoir d’achat de milliers de salariés, qui s’est amélioré sensiblement sans que cela ne provoque une augmentation du chômage. Par effet domino, l’application de la loi génère aussi une revalorisation des salaires situés au-dessus des minima, par un mécanisme de préservation des grilles salariales. Enfin, la mesure se révèle un instrument efficace pour lutter contre le dumping salarial, dans un contexte européen où la libre circulation des personnes est de mise. Argument, ce dernier, particulièrement prégnant au Tessin qui «connait depuis longtemps un modèle Ettlin +» souligne Matteo Antonini. Raison pour laquelle, le président de syndicom rappelle que la modification de la loi «priverait les électrices et les électeurs des cantons de la possibilité de fixer des salaires minimaux adaptés aux conditions locales». Les syndicats se disent déterminés à se battre contre le projet et à s’engager «pour une Suisse où le travail ne rend pas pauvre».