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«Les postières connaissent tout le monde»

Une cliente devant un bureau de poste
© Olivier Vogelsang

Maria se rend régulièrement au bureau de poste. Il y a vingt-cinq ans, elle avait participé à toutes les mobilisations pour s’opposer, avec succès, à la fermeture de cet office.

Le bureau de poste de la rue du Beulet, à Genève, est un symbole de la résistance au géant jaune. Les habitués sont dépités par l’annonce de sa fermeture prochaine, comme celle de 169 autres filiales.

Dans le petit bureau de poste, les clients défilent à intervalles réguliers. Il y a même la queue à l’unique guichet. Il faut dire que cet office, situé à la rue du Beulet, à Genève, est un symbole de la résistance aux plans d’économie récurrents du géant jaune. Il aurait déjà dû fermer ses portes il y a 25 ans. Mais la détermination des habitants du quartier de Saint-Jean, soutenus par les autorités municipales et cantonales, avait fini par faire reculer La Poste, qui avait tout de même restreint les horaires d’ouverture.

Autant dire que les usagers du lieu, qui n’est, depuis lors, ouvert que le matin, jusqu’à 11h, sont dépités par les récentes annonces. Plus d’une agence postale sur cinq va en effet être supprimée dans tout le pays d’ici à la fin de 2028 (lire encadré). Celle-ci en fait partie, au grand dam de ses habitués, dont certains s’étaient battus pour la sauver.

«Je ne comprends pas cette décision, s’indigne Claudio, 74 ans. Regardez, il y a toujours du monde! A l’avenir, il faudra prendre le bus pour aller au centre-ville ou marcher jusqu’au centre commercial des Charmilles (environ 10 minutes à pied, ndlr).» Maria fait elle aussi part de son incompréhension: «Cela fait 48 ans que j’habite dans le quartier. A l’époque, j’ai participé à toutes les réunions pour nous opposer au projet de fermeture de cette poste. Il y a beaucoup de personnes âgées dans le quartier, ça va être compliqué pour elles.»

Accros au guichet

Tous ceux que nous avons interrogés continuent de faire leurs paiements au guichet, alors que la chute de ces opérations est l’une des principales raisons avancées par la régie fédérale pour justifier les suppressions d’offices. Et il ne s’agit pas que de retraités: «Je viens d’un village valaisan, j’aime me rendre à la poste, confie Méline, 28 ans. Il y a ici une ambiance villageoise, les gens se connaissent. Et puis, le service est top! En plus, pour venir déposer de l’argent, c’est plus discret qu’au centre commercial.»

La dimension sociale est une des choses qui plaisent particulièrement aux habitants du quartier. «Ici, on a encore le temps de discuter, note un client qui ressort, son carnet jaune de paiements sous le bras. Les deux postières qui se relaient au guichet connaissent tout le monde.» Lui aussi s’était mobilisé à l’époque pour sauver cet office. «Je me souviens, des voisins avaient rebaptisé la rue Rue de la Poste. Mais aujourd’hui, je ne sais pas si les jeunes s’engageraient pour ça. Ils ne vont plus au bureau de poste.»

Comme pour confirmer ses dires, deux jeunes hommes qui passent par là ont ce commentaire, saisi au vol: «De toute manière, c’est toujours fermé…» Un autre client en est pour sa part persuadé: «Aucune chance que les gens se mobilisent comme il y a 25 ans. Les temps ont changé. Et il faut admettre que la poste des Charmilles n’est pas si loin. C’est un petit luxe que celle-ci soit restée ouverte jusque-là, même si je tiens à la conserver. Je pourrais faire mes paiements en ligne, mais je préfère venir au guichet, pour préserver les emplois et pour les contacts sociaux.» 

Au café voisin, le patron, Fernando Vitorino, est lui aussi inquiet devant la fermeture annoncée de la poste du Beulet: «Je vais toujours payer mes factures au guichet, je n’aime pas le e-banking. Quand la poste sera fermée, j’ai peur qu’on perde de la clientèle. Il y aura beaucoup moins de passages dans la rue.»

Un réseau qui se réduit comme peau de chagrin

Avec un sens tout patronal de la litote, La Poste annonçait fin octobre chercher 170 partenaires dans tout le pays (dont 70 en Suisse romande) pour héberger des services postaux dans des épiceries et autres commerces locaux. Tout le monde a compris que cela signifiait en fait la fermeture d'autant de bureaux de poste, soit plus d’un sur cinq. Nombre d'agences villageoises vont ainsi disparaître, mais les villes sont aussi touchées. Tollé face à ce nouveau coup de canif dans le service universel. Depuis plus de vingt ans, le réseau d'offices postaux se réduit comme peau de chagrin. Pour le syndicat de la communication Syndicom, cette décision menace la cohésion nationale. Le géant jaune assure que cela se fera sans licenciements, sauf exceptions, mais Syndicom attend encore des garanties solides à ce propos. Et déplore le fait que les employés des offices concernés vont devoir aller travailler sur d'autres sites, avec des temps de trajet prolongés. Une action de protestation a eu lieu le 16 novembre à Bienne, dont la région est particulièrement touchée par ces fermetures. Une pétition exigeant le maintien de tous les bureaux de poste peut être signée jusqu'à la fin de novembre.

Pour signer la pétition, cliquez ici.