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Les patrons mettent la CCT de la vente au panier

A genève, le chantage patronal a coulé la convention collective cantonale du commerce de détail

Alors que le peuple genevois a refusé une extension des horaires des magasins le 28 novembre dernier, les employeurs ont continué à l'exiger en échange du renouvellement de la convention collective cadre de la vente. Au final, trop peu d'entreprises sont prêtes aujourd'hui à reconduire la CCT qui arrive à échéance fin juin pour que celle-ci ait force de loi pour tous les commerces. Les plus grandes entreprises exigent de surcroît que les magasins soient ouverts deux dimanches par année.

«Le peuple je m'en fous. C'est moi qui décide.» Un homme portant un masque à l'effigie de Guy Vibourel, directeur de Migros et président du Trade Club, faîtière des grands commerces genevois, déchiquette des copies de la convention collective (CCT) du commerce de détail dans un destructeur de documents. La scène se déroule le 20 avril devant la Fédération des entrepreneurs genevois à Genève. De nombreux secrétaires syndicaux d'Unia et du Syndicat interprofessionnel de travailleurs (Sit) et quelques vendeuses sont là pour protester contre le refus des associations patronales de la vente de renouveler ladite convention cantonale. Les employeurs ont mené jusqu'au bout leur chantage: soit vous acceptez une extension des horaires des magasins, soit la CCT passe à la trappe dès le mois de juillet! Ceci malgré le refus très net le 28 novembre dernier en votation populaire d'une loi élargissant les heures d'ouverture des commerces

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Marché de dupes

«C'est une déclaration de guerre», tonne Joël Varone, secrétaire syndical à Unia Genève, dans un mégaphone. «Après nous avoir maintenus de longs mois dans l'attente, les patrons nous ont annoncé le 18 avril qu'ils ne signeront pas.» Ce qui signifie, entre autres: plus de salaires minimums obligatoires, plus d'horaires plafonnés à 42 heures par semaine, plus de perte de gain maladie ni de semaine limitée à 5 jours. Si, au final, les employeurs du Trade Club se sont dits prêts à se contenter d'ouvrir deux dimanches de l'Avent, ils ont aussi annoncé qu'ils n'avaient pas réussi à rassembler un nombre suffisant de patrons signataires pour permettre l'extension complète de la convention collective à tous les employeurs de la branche. Ce qui implique, au mieux, que seuls les salaires minimums et le nombre d'heures de travail par semaine resteraient obligatoires pour tous les magasins. Au final, les vendeurs auraient été perdants sur toute la ligne: «On ne peut accepter un élargissement des horaires en avalisant simultanément une détérioration des conditions de travail du personnel de la vente», résume Joël Varone.

Amertume combative

Les vendeuses sont consternées, mais ne perdent pas pour autant leur combativité: «Je savais que la bataille n'allait pas être facile. Je me suis engagée dès le début pour cette cause. Mais toutes ces épreuves nous montrent que nous avons raison de nous battre», déclare Elvira Davoudian, vendeuse, syndiquée à Unia. L'une de ses collègues ne cache pas son amertume: «Avec cette histoire, on voit qui décide en Suisse. Le peuple nous a donné son soutien. Les grands patrons refusent même ça! Et il paraît qu'ils ont le droit», s'offusque une employée, cadre dans la vente, syndiquée au Sit. Elle rappelle les conditions de travail difficiles dans la branche: «Je travaille tous les jours de la semaine de 8h30 à 18h. Mon fils souffre énormément de mon stress. Je vois plein de collègues dépressives, atteintes de troubles psychiques ou qui divorcent. Ce n'est pas une vie! Tout est fait pour que la classe moyenne ne puisse pas bien s'en sortir. Ainsi, on reste à vie au service des grands patrons.»

Pétition et actions
Mais aucune des deux militantes n'est prête à lâcher prise. Les syndicats ont lancé une pétition adressée aux associations patronales et aux autorités afin que les employeurs retrouvent le chemin de la raison et du partenariat social. Le 1er Mai et le 14 juin, journées de lutte des femmes en Suisse pour l'égalité, représenteront des moments forts pour récolter des signatures. Mais pas seulement. Les syndicalistes investiront les magasins: «Les patrons peuvent s'attendre à ce que la rupture du partenariat social occasionne des problèmes dans leurs commerces et des soucis en termes d'image», a prévenu Lara Cataldi, secrétaire syndicale au Sit. Les représentants des travailleurs saisiront également le Conseil de surveillance du marché de l'emploi qui est chargé de veiller à l'application des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes. La pétition circulera pendant plusieurs mois (elle pourra être téléchargée sur le site: www.geneve.unia.ch).


Christophe Koessler

 

Employés de Coop en colère
Lors d'une conférence organisée le 19 avril à Berne, une centaine d'employés de Coop actifs au sein d'Unia ont vivement critiqué la motion «Hutter» adoptée par le Conseil national le 14 avril dernier. Cette dernière demande que les cantons puissent fixer comme bon leur semble les heures d'ouverture des points de vente et des entreprises de services, y compris le dimanche et la nuit. Dans une résolution, les délégués syndicaux de l'enseigne ont souligné l'impact négatif d'une telle libéralisation sur les conditions de travail comme sur la conciliation entre vie de famille et professionnelle, nombre de salariés dans le commerce de détail étant des femmes. Si le Conseil des Etats ne rectifie pas le tir, les syndicats lanceront un référendum. Pour les délégués à la Conférence Coop d'Unia, un tel projet n'aura alors aucune chance d'être accepté par le peuple.

Sonya Mermoud