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Les patrons attaquent les huit semaines de vacances pour les apprentis

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© Thierry Porchet

"Deux tiers des apprentis se disent souvent à toujours épuisés, c'est donc une préoccupation générale à laquelle on doit apporter une réponse globale", souligne Félicia Fasel, secrétaire à la jeunesse Unia. 

Pour les représentants des employeurs, cette mesure est une tromperie lourde de conséquences. Unia répond à cet argumentaire jugé de mauvaise foi.

Début juillet, l’Union patronale suisse (UPS) publiait sur son site internet un article d’opinion sur la revendication des huit semaines de vacances pour les apprentis de l’Union syndicale suisse. La responsable patronale du secteur formation qualifie le débat de «trop simpliste» et présente la mesure comme «une tromperie». Pour elle, rajouter trois semaines de vacances à celles existantes aurait pour conséquence d’augmenter le stress des apprentis pendant leur formation ou d’allonger la durée de celle-ci, car «les objectifs d’apprentissage restent les mêmes». Elle ajoute que les coûts augmenteraient pour les entreprises car il s’agit de vacances payées et projette donc que cela pourrait engendrer «une perte d’incitation pour les entreprises à proposer des places d’apprentissage». 

Félicia Fasel, secrétaire à la jeunesse d’Unia, à l’origine de la campagne, rappelle que le besoin de vacances supplémentaires est une demande réelle des jeunes concernés. «Les apprentis sont des acteurs de la formation professionnelle, leur voix est importante et elle compte. A ce sujet, jusqu’ici, l’application de la loi sur la formation professionnelle a été trop minimaliste, peut-être sous couvert de paternalisme, mais les choses doivent changer.»

Sur la question des coûts, la Haute école fédérale en formation professionnelle (HEFP) a publié ses calculs. «Certes, les huit semaines de vacances feront perdre du bénéfice aux entreprises, mais elles ne devront pas dépenser plus. En même temps il est nécessaire de rappeler que les apprentis sont là pour apprendre et non pas pour augmenter le productivité de l’entreprise.»

Quant au stress, la syndicaliste insiste: «Les apprentis sont des êtres humains, pas des machines. De nombreuses études en psychologie et en sciences du travail montrent que plus de repos améliore la concentration, la santé mentale et les capacités d’apprentissage. La réduction du temps de travail, notamment chez les adultes, a démontré des effets positifs sur l’efficacité et la motivation, des résultats qui peuvent aussi bénéficier aux jeunes en formation.» Même logique pour les formateurs. «En ayant plus de temps pour effectuer leurs taches, ils seront plus productifs et mieux disposés à former leurs apprentis dans le temps qui leur incombe.»

Problème global
Là où Félicia Fasel rejoint l’UPS, c’est qu’il ne faut pas diaboliser la formation professionnelle. Cette dernière a mis en avant le chiffre de 80% des apprentis qui se disent satisfaits de leur apprentissage. «Ce passage ne représente qu’un très petit extrait de l’étude, et il en dit finalement plus sur la résilience des apprentis que sur la qualité réelle de leur formation. D’ailleurs, la même étude montre que presque deux tiers des apprentis souffrent de troubles psychiques et estiment que ceux-ci sont apparus pendant leur apprentissage ou ont été aggravés par celui-ci. L’état de santé psychique des apprentis est alarmant, c’est un fait. Et il faut aussi rappeler que l’étude de WorkMed, souvent citée par les employeurs pour défendre la formation professionnelle, ne dit rien des discriminations vécues par les apprentis, contrairement à celle d’Unia.» Rien non plus sur les temps de trajets des apprentis, souvent beaucoup plus importants que ceux des employés lambda. 

Enfin, l’UPS s’en remet à la volonté de chacun, au sein des entreprises et/ou des branches. Pour Unia, ce n’est pas une question de secteur! «Deux tiers des apprentis se disent souvent à toujours épuisés, ce n’est donc pas une question de branche, mais une préoccupation générale à laquelle on doit apporter une réponse globale. On parle de trois semaines sur toute l’année, c’est vraiment pas grand-chose, soulève Félicia Fasel. Ces arguments flirtent avec la mauvaise foi...» 

Quand les entreprises font de la prévention

Dans un récent article de la Tribune de Genève, on apprend que à la suite de l’étude publiée par WorkMed qui montre l’augmentation des troubles psychologiques chez les apprentis, le centre de travail et de santé mentale en question a développé un nouveau concept visant à renforcer la détection précoce de problèmes psychiques. Le but? Aider les formateurs à intervenir avant la crise en instaurant un climat de confiance et en pratiquant des entretiens réguliers avec leurs apprentis. Près de 1000 professionnels auraient déjà été formés notamment aux CFF, chez Swiss, CarPostal et approximativement 70 autres entreprises dont la formation professionnelle est assurée par le prestataire de services Login.

Le problème est donc pris au sérieux. «Cette démarche montre bien que la santé psychique des jeunes en formation professionnelle est une réalité sociale et économique, réagit Félicia Fasel. Un autre constat aussi intéressant que préoccupant est le fait que le nombre de moins de 25 ans qui bénéficie d’une rente AI augmente.» 

La secrétaire à la jeunesse d’Unia salue cette initiative de prévention, sur la même ligne que les infirmières et infirmiers scolaires présents dans les écoles professionnelles qui peuvent détecter les premiers signes de mal-être. «La qualité relationnelle et pédagogique de la formation professionnelle, via les formateurs et les collègues, est primordiale. Et souvent, les maux de tête, de ventre et autres troubles du sommeil ne sont pas juste physiques mais bien révélateurs de quelque chose de plus profond...»

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