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L'école vaudoise à la croisée des chemins

La population vaudoise devra se prononcer sur le système scolaire qu'elle entend promouvoir. Point de vue d'une militante

Le 4 septembre, la population vaudoise devra se prononcer sur deux objets liés à l'avenir de ses enfants: l'initiative «Ecole 2010: sauver l'école», lancée par un groupe d'enseignants et de parents et son contre-projet, la Loi sur l'enseignement obligatoire, adoptée par le Grand Conseil. Même si le Syndicat suisse des services publics (SSP) estime que la mouture des autorités manque d'ambition, il recommande de la soutenir et de rejeter l'initiative. Explications et enjeux avec l'une de ses militantes, membre des comités SSP-Enseignement et région Vaud.

La population vaudoise aura, le 4 septembre prochain, le choix entre deux systèmes scolaires différents ou le statu quo. Lancée par un groupe d'enseignants et de parents, l'initiative «Ecole 2010: sauver l'école» estime que les élèves qui sortent de l'école vaudoise «disposent d'un bagage insuffisant, non seulement en mathématiques et en français, mais aussi en matière de capacité d'attention, de persévérance et de souci du travail bien fait». Ce texte entend résoudre les problèmes énoncés en rendant l'école plus stricte et sélective. Il préconise le maintien des trois filières actuelles, dont la très controversée Voie secondaire à options (VSO), jugée souvent comme une voie de garage pour les plus faibles. Et réclame le regroupement des élèves par bâtiment selon leur profil - élèves de la VSO, de la Voie secondaire générale (VSG) et de la Voie secondaire baccalauréat (VSB) - ainsi que la création de «classes d'encadrement régionales» à l'intention des éléments «perturbateurs». Il demande parallèlement la réintroduction des notes et des moyennes générales dès l'âge de six ans et une priorité à la pédagogie «structurée et systématique». Le contre-projet des autorités, la Loi sur l'enseignement obligatoire (LEO), veut pour sa part renforcer l'enseignement en augmentant le temps d'école au primaire, réorganiser le secondaire en réunissant VSO et VSG, en introduisant un enseignement à niveaux et offrir un enseignement consolidé pour les élèves les plus en difficultés. Un programme soutenu par le SSP qui, s'il le trouve imparfait, le juge préférable au statu quo, alors qu'il rejette les propositions déclinées par «Ecole 2010».

Changements nécessaires mais...
En premier lieu, si le SSP est aussi critique à l'égard du système en vigueur, il met en garde contre les solutions que prétendent apporter les auteurs de l'initiative. «L'école actuelle demande aux élèves de faire beaucoup plus qu'avant de tout, mais elle n'est pas satisfaisante car elle laisse de nombreux élèves sans solution en fin de scolarité et avec des connaissances de base insuffisantes. Dans ce sens, nous estimons qu'elle manque d'exigence», relève Cora Antonioli, membre des comités SSP-Enseignement et région Vaud. «Cependant, rendre ce système encore plus sélectif ne peut qu'engendrer davantage d'injustices et d'exclusion. Nous avons besoin de renforcer l'école publique en augmentant le nombre d'heures et de réformer le secondaire afin qu'il soit moins stigmatisant et plus encourageant pour tous les enfants.» Enseignante au gymnase, la jeune femme de 34 ans - auparavant en charge de classes au secondaire I - déplore le tri quasi définitif et trop précoce des élèves, déjà opéré aujourd'hui. «Les trois filières actuelles sont imperméables ou presque et on y entre dès l'âge de 12 ans! Dans ce contexte, la LEO va dans le bon sens.» Cette Loi offrirait ainsi davantage de possibilités de passer d'une filière à une autre - «un pas modeste mais tout de même à souligner» - et valoriserait les compétences des élèves de la future voie générale en instaurant des niveaux dans les branches principales.

Non aux ghettos
Autre reproche formulé par la membre du SSP contre l'initiative: son «aspect utilitariste». «Ce projet se base uniquement sur le marché du travail, faisant fi des branches de culture générale.»
Cora Antonioli se dit par ailleurs choquée par la volonté des auteurs de l'initiative «Ecole 2010» de regrouper des élèves ayant le même profil dans un bâtiment. En outre, la création de classes d'encadrement pour «les élèves perturbateurs» préconisée par ceux-ci est aussi jugée aberrante: «Faire des ghettos pour les indisciplinés... Rien de plus stigmatisant. Plutôt que de stigmatiser et de dénoncer, nous voulons des solutions éducatives et non pas punitives.»

Fausses notes?
Sur le retour des notes, l'enseignante nuance son appréciation. L'initiative exige qu'on y recoure dès la première année, à l'âge de six ans. La LEO prévoit elle aussi de chiffrer les connaissances des élèves, mais seulement dès la 5e année. «Pour les plus petits, c'est une pression inutile. Une pédagogie totalement inadaptée. En revanche, pour les plus grands, la proposition de la LEO n'est pas mauvaise. En particulier pour les parents qui parviendront à mieux situer leurs enfants. Mais cette question n'est pas primordiale.»
Si la militante du SSP est favorable à la LEO, c'est aussi parce qu'elle introduit «une heure de décharge» - en d'autres termes une heure allouée à la gestion des classes (rencontres avec les parents, les psychologues...) - dès le degré primaire, alors qu'actuellement seuls les enseignants du secondaire en bénéficient. «On réparerait ainsi une injustice» commente l'enseignante, estimant également positive l'augmentation de 18 semaines de périodes d'enseignement en primaire, comme le prévoit le contre-projet. Autant de raisons qui l'amènent, elle et son syndicat à soutenir la LEO. «Le statu quo n'est pas défendable. La LEO propose des améliorations qui renforcent l'école et la justice sociale.»


Sonya Mermoud

 

Davantage de chances, non de sélection
«On se bat pour offrir plus de chances de réussite pour tous. L'initiative "Ecole 2010" va à l'encontre de cette manière de voir. C'est un retour en arrière.» Enseignante au cycle initial à Corsier-sur-Vevey, Elise Glauser se montre aussi favorable à la LEO, même si elle aurait souhaité ce projet «plus ambitieux» et «moins sélectif», en privilégiant davantage de troncs communs. Parmi les points forts de la LEO, la jeune femme relève le fait que son introduction rendrait l'école enfantine obligatoire et ancrerait l'heure de décharge de maîtrise des classes déjà au niveau primaire. «On allégerait ainsi la charge de travail en octroyant du temps pour s'entretenir avec les parents, faire des bilans...» Quant au regard que pose Elise Glauser sur l'école, il est plutôt positif. «L'école ne se dégrade pas. Nombre de collègues expérimentés partagent ce point de vue. Ce qui manque parfois, c'est le soutien de certains parents», affirme la jeune femme qui estimerait nécessaire de mieux clarifier la marge de manœuvre et les rôles en matière d'enseignement et d'éducation. Quoi qu'il en soit, Elise Glauser regrette que l'école soit «dépréciée par la société alors qu'elle fonctionne assez bien».

SM