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Le recours au travail temporaire une nouvelle politique managériale

Les syndicats genevois pointent une entreprise du gros œuvre qui emploie entre 60 et 80% de personnel intérimaire

Sur le gigantesque chantier Les Vergers à Meyrin, l'entreprise Gestrag emploie une quinzaine de maçons, dont une grande majorité d'intérimaires. Un statut précaire qui exclut les travailleurs de certains droits mais qui plaît de plus en plus aux patrons de la branche par sa flexibilité. Les syndicats genevois, lors d'une action, ont dénoncé cette nouvelle politique et demandent aux représentants patronaux de limiter la part des travailleurs temporaires sur les chantiers.

La société Gestrag, active dans le gros œuvre, a été épinglée par les syndicats genevois lors d'une action publique le 28 avril sur le chantier colossal des Vergers à Meyrin. Et pour cause, celle-ci emploie un ou deux travailleurs fixes qui gèrent une quinzaine d'autres au statut d'intérimaires. Manifestement, elle est loin d'être la seule à gérer sa société de cette façon. «Nous sommes là pour dénoncer l'augmentation du recours à une main-d'œuvre temporaire dans le secteur de la construction à Genève», expose Yves Mugny, coresponsable du gros œuvre à Unia.
De par leur statut précaire, les ouvriers concernés échappent à certains droits dont jouissent les travailleurs en poste fixe, comme la protection des travailleurs âgés en cas de licenciement sur une fin de carrière, le difficile accès à la retraite anticipée à 60 ans ou encore l'exclusion des plans sociaux en cas de licenciement collectif, comme cela a pu être le cas sur un chantier du Ceva.
«La dernière ronde des négociations avec la Société suisse des entrepreneurs (SSE) genevoise a eu lieu le 26 avril, rapporte Yves Mugny. Nous leur avons demandé que le travail temporaire soit limité, à l'image du Tessin où la part des travailleurs temporaires ne doit pas dépasser les 10%. Nous attendons leur position à ce sujet.»

Travail temporaire pas si temporaire...
«Par définition, le travail temporaire doit être temporaire, pointe Thierry Horner, secrétaire syndical au SIT. Or on constate que certains travailleurs sont employés en qualité de temporaires depuis 2009!» Les chiffres officiels parlent d'eux-mêmes. Selon le Seco, en 2013, 8000 travailleurs de la construction étaient inscrits au chômage. Début 2016, ils étaient 21000! A Genève, en 2013, il y avait 4780 maçons répertoriés, et ils sont aujourd'hui 500 de moins.
Le syndicaliste dénonce ce statut qui précarise vie professionnelle et sociale. «Les travailleurs sont embauchés pour les beaux jours et ne peuvent pas se permettre de prendre de vacances en été en famille, puis en fin d'année ils sont licenciés sous deux jours quand la masse de travail retombe.» Sans oublier la lourdeur administrative et le manque à gagner que représentent les multiples inscriptions au chômage.

Refus de témoigner
Les syndicalistes rapportent des cas de maçons ayant travaillé 10, 15 ou 20 ans dans une entreprise, qui se retrouvent licenciés puis repris au statut d'intérimaires. Ou encore les cas d'entreprises du bâtiment qui créent leur propre boîte d'intérim pour recruter sur les chantiers. «Il faut mettre un terme à cette nouvelle politique managériale qui est un véritable fléau», insiste Thierry Horner. Et Carlos Massas, du syndicat Syna, de conclure. «Nous ne sommes pas contre le travail temporaire, mais celui-ci doit être justifiable. On ne doit plus utiliser les travailleurs et les jeter comme de vulgaires Kleenex, et ce sur le dos de la collectivité publique.»
Les travailleurs concernés, craignant des répercussions sur leur emploi, ont totalement refusé de participer à l'action et de témoigner.


Manon Todesco