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Le oui jurassien aux salaires minimums est un signal pour tout le pays

Unia salue la victoire de l'initiative cantonale contre les bas salaires et demande son application rapide

Le peuple jurassien a accepté dimanche à 54.75% l'initiative populaire «Un Jura aux salaires décents» lancée par la Jeunesse socialiste. Après Neuchâtel, le Jura devient donc le deuxième canton à se doter d'une disposition sur les salaires minimums. L'initiative donne mandat au Parlement cantonal de déterminer ces seuils salariaux différenciés selon les branches, en prenant pour base les salaires médians nationaux (66% de chacun de ces salaires).

Belle victoire
Ce résultat est une victoire du monde du travail et en particulier d'Unia qui a été en première ligne de la campagne. «Ce vote montre que la population jurassienne condamne le scandale des bas salaires. Elle sait que les salaires minimums sont aussi une arme efficace contre le dumping salarial pratiqué par une partie du patronat qui profite de la libre circulation pour mettre les salaires sous pression», se félicite Pierluigi Fedele, du comité directeur d'Unia. «C'est aussi une victoire pour l'ensemble des travailleuses et travailleurs de ce pays car elle va dans le sens de l'initiative syndicale sur les salaires minimums dans toute la Suisse». Pour sa part, Loïc Dobler, président du comité d'initiative, rappelle que «cette initiative va dans le sens du partenariat social, contrairement à ce que ses détracteurs avaient affirmé».
Viviane Keller, déléguée syndicale dans une entreprise horlogère franc-montagnarde avoue son émotion: «Ce résultat prouve que lorsqu'on se bat pour une idée avec force et unité, on peut gagner. Je suis fière des Jurassiens. Ils ne se sont pas laissé intimider, ils ont osé se prononcer pour des salaires décents.» Son collègue syndicaliste Dominique Gassmann, polymécanicien, considère que «les votants ont fait preuve d'intelligence. Ils n'ont pas cru aux mensonges des milieux ultralibéraux qui prétendaient que cette initiative était mauvaise pour l'emploi. C'est une grande victoire d'étape. Elle nous aidera aussi à conclure des CCT avec des salaires minimaux». Eric Rufi, travailleur de l'horlogerie et président d'Unia Transjurane, affiche sa grande satisfaction: «Cela fait des années que nous dénonçons les bas salaires dans ce canton, sans être suffisamment entendus. Mais cette fois, la population a parlé. Unia a été le principal acteur de la campagne. Il faut maintenant qu'il soit pleinement associé à la phase de mise en application.»
En effet, la prochaine étape est celle de la mise en œuvre de l'initiative. Dans cette perspective, Unia demande, dans un communiqué, «que tous les partenaires (patronat, Etat et syndicats) se réunissent au plus vite pour une table ronde sur le sujet. Le syndicat propose quatre pistes pour satisfaire à la volonté populaire: la progression du taux de conventionnement dans l'industrie, la négociation de nouvelles CCT dans les branches non réglementées, le renforcement de la commission tripartite avec notamment l'instauration d'un système de contrôles plus large et systématique par branche et, enfin, le renforcement des mesures d'accompagnement en fonction des salaires minimums. Unia avertit qu'il n'acceptera pas qu'on laisse traîner ce dossier.


Pierre Noverraz

 

437'000 salaires trop bas pour vivre au pays des Vasella et consorts!

Une étude de l'Université de Genève, mandatée par l'Union syndicale suisse, révèle que 11,8% des travailleuses et travailleurs en Suisse gagnent moins de 3986 francs par mois pour un plein temps. Un tiers de ces personnes sont qualifiées et les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes à pâtir de salaires indécents. Un scandale qui démontre la nécessité d'adopter l'initiative de l'USS sur les salaires minimums.

La Suisse est le pays où l'on dénombre en proportion de la population le plus grand nombre de millionnaires au monde. Entre 1997 et 2010, les personnes touchant un salaire d'au moins un demi-million de francs par année ont plus que quadruplé, passant de 2764 à 11586. La Suisse est aussi le pays où les salaires des top managers sont les plus élevés d'Europe. Et pourtant, à l'opposé de cette opulence, 437000 travailleuses et travailleurs dans ce pays doivent se contenter de salaires à plein temps insuffisants pour vivre décemment, à savoir des rémunérations inférieures à 3986 francs, sans 13e mois. C'est ce que confirme une étude menée par l'Université de Genève, mandatée par l'Union syndicale suisse (USS), et présentée jeudi dernier à la presse à Berne.

Les femmes d'abord
Paul Rechsteiner, président de l'USS et conseiller aux Etats, qualifie cette situation «d'effrayante». Et elle l'est d'autant plus que le calcul utilisé pour déterminer le seuil salarial se fonde sur une moyenne prenant seulement en compte les rémunérations du secteur privé et celles de la Confédération. Si l'on y ajoutait les salaires versés par les cantons et les communes, le salaire plancher se chiffrerait alors à 4146 francs par mois. Et dans ce cas, il faudrait considérer que plus de 500000 personnes dans ce pays ont des salaires qui ne leur permettent pas de vivre décemment!
En termes de pourcentage, les bas salaires touchent 11,8% des travailleurs en Suisse. Les femmes sont largement les plus exposées. Elles représentent en effet 15,8% du total des personnes devant se contenter de tels salaires, contre 6,1% pour les hommes. «Que les femmes soient presque trois fois plus touchées que les hommes par les bas salaires est une réalité que l'on ne trouve pratiquement que dans notre pays», déplore Daniel Lampart, économiste en chef de l'USS.
Autre constat alarmant, un tiers des bas salaires (144579 personnes) sont désormais des travailleurs qualifiés, titulaires d'un CFC. «Ce chiffre est effrayant», s'inquiète l'économiste. «En Suisse, le diplôme de fin d'apprentissage n'est donc plus la garantie d'un salaire décent, bien que les personnes qui en possèdent un aient suivi une formation de trois ans. Or avec un apprentissage, on devrait toucher un salaire permettant non seulement d'être individuellement indépendant au plan financier, mais aussi d'avoir des enfants. En Suisse, cette condition n'est clairement pas remplie.» A noter que là aussi, ce sont les femmes qui sont les plus lésées car les emplois à bas salaires, à commencer par le commerce de détail, sont le plus souvent occupés par des femmes. Rappelons dans la foulée que dans cette branche, les femmes gagnent à travail égal 630 francs de moins par mois que les hommes, selon une enquête de l'Office fédéral de la statistique.

Le salaire minimum est la solution
Ces chiffres scandaleux démontrent une fois de plus le bien-fondé de l'initiative de l'USS et d'Unia sur les salaires minimums. Pour mémoire, cette initiative demande à la Confédération et aux cantons d'encourager les conventions collectives de travail ainsi que d'introduire un salaire minimum légal de 22 francs l'heure, ce qui équivaut à 4000 francs par mois pour 42 heures de travail hebdomadaire.
Le Conseil fédéral a recommandé le mois dernier de rejeter cette initiative. «S'il reconnaît qu'en Suisse plus de 400000 personnes ne peuvent pratiquement pas vivre de leur salaire, il n'en tire aucune conséquence pour améliorer la situation», déplore Paul Rechsteiner.
Pourtant l'étude de l'Université de Genève montre que «l'introduction d'un salaire minimum légal améliorerait la situation salariale d'environ 330000 personnes», souligne l'économiste Daniel Lampart. Et toutes les recherches actuelles portant sur ce sujet montrent qu'il n'y aurait aucune répercussion négative sur l'emploi. Le salaire minimum réduit le cumul des emplois, l'externalisation des activités et le dumping salarial. «Il permet de répartir les revenus de manière plus équilibrée, tout en améliorant la situation des bas et des moyens revenus.» De plus, il contribue à réduire considérablement les discriminations salariales dont sont victimes les femmes.
Les enjeux sont clairs. «Grâce à notre initiative, une bonne proposition est enfin sur la table», conclut Vania Alleva, coprésidente d'Unia. A bon entendeur...

Pierre Noverraz


Epingler les salaires de la honte
Les très bas salaires touchent désormais presque tous les secteurs d'activité. Mais en tête du peloton de la honte, on en dénombre 95000 dans le commerce de détail et de gros, 50000 dans les services aux entreprises, par exemple le nettoyage, 50000 dans les services à la personne, comme la coiffure, les soins de beauté et les services de maison, 50000 dans le secteur de l'industrie et 20000 dans les professions de la santé et du social.
Afin de mettre en lumière le scandale des salaires indécents dans le cadre de l'initiative syndicale pour les salaires minimums, Unia publie en ligne un «épingleur» de bas salaires à la rubrique www.4000fr.ch. Près de 150 travailleuses et travailleurs y ont signalé des rémunérations inférieures à 22 francs l'heure.

PN