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Le féminisme dans la peau

Portrait de Simone Chapuis-Bischof
© Thierry Porchet

Simone Chapuis-Bischof, toujours au service de la cause, s’occupe de la bibliothèque de l’ADF dans la Maison de la femme à Lausanne.

A l’aube de ses 88 ans, Simone Chapuis-Bischof continue de lutter pour les droits des femmes

Une résistante. Simone Chapuis-Bischof se bat pour l’égalité entre les femmes et les hommes depuis 60 ans. «Ça commence à faire long! L’égalité n’est toujours pas là, mais je garde espoir, lance celle qui se dit privilégiée. Mon mari a toujours été d’un indéfectible soutien.» Elle aime à raconter qu’il tenait l’échelle des militantes lorsqu’elles recouvraient les noms des rues à Lausanne par ceux de femmes écartées de l’Histoire lors de la grève du 14 juin 1991. Et qu’il était, dans les années 1960, l’un des rares hommes à pouponner.

Dans les années 1970, son fils arborait les autocollants féministes sur son cartable et sa trottinette. Aujourd’hui, c’est sur l’étui de son natel que Simone Chapuis-Bischof les colle: le symbole de la grève du 14 juin 2019, d’Equal Pay Day et d’Objectif 10*.

Des inégalités de salaire

Née en 1931 à Bâle, elle a peut-être hérité du féminisme, sans grand discours, de sa mère qui portait les cheveux courts dans les années 1920 et avait osé, en tant que secrétaire, faire remarquer à son patron que les ouvrières étaient mal payées. «Il lui avait répondu qu’elles n’avaient qu’à aller faire le trottoir!» raconte Simone Chapuis-Bischof.

Le détonateur de son engagement militant sera professionnel. Dans les années 1960, après des études en sciences sociales et pédagogiques, elle devient enseignante à Lausanne et prend conscience des inégalités de salaire. «Je touchais 700 francs, mon collègue 1000 francs. Quand l’Etat de Vaud a décidé d’augmenter les salaires linéairement (soit une hausse en pourcentage des salaires) ma première grande colère a éclaté, car cela signifiait une augmentation des inégalités salariales.» Simone Chapuis-Bischof élève la voix, avant de sourire. Impulsive, sa sensibilité à l’injustice est restée intacte, tout comme sa vivacité intellectuelle et son sens de l’humour. «On a alors alerté tout le monde: les politiques, les syndicats, les médias…» Jusqu’à obtenir l’égalisation des salaires dans l’enseignement en 1968, au grand dam des patrons vaudois qui ont alors exprimé dans leur bulletin leurs craintes que le métier se féminise! L’indignation de la militante face à cet affront marque le début de ses interventions dans le journal Femmes en Suisse. Elle ne cessera dès lors de s’insurger contre les inégalités, sans jamais adhérer à un parti. «C’est ma liberté. Elle m’offre la possibilité d’avoir les meilleures relations possibles avec toutes les femmes», lance celle qui a notamment cocréé l’association politiciennes.ch, un réseau de Vaudoises engagées en politique. Et qui vient de signer la lettre du Collectif pour la grève féministe paru dans Le Temps pour rappeler que la grève du 14 juin ne vise «aucune opération de marketing politique».

L’ADF au cœur de sa vie

De 1971 à 1995, Simone Chapuis-Bischof a été tour à tour présidente de l’Association pour les droits des femmes (ADF) de Lausanne, puis de la section vaudoise et enfin de l’ADF suisse, bénévolement, tout en étant «mère au foyer». «Quand mon fils est né, j’ai arrêté de travailler pour un salaire», précise-t-elle, le regard espiègle. «Puis, en 1980, à ses 15 ans, alors que mon mari prenait sa retraite, j’ai été engagée comme rédactrice au Grand Conseil. Ce poste me permettait de surveiller, ou disons d’écouter, tout ce qui se disait sur les femmes.»

Au sein de l’ADF, elle se bat notamment pour une AVS plus juste pour les femmes et pour le droit à l’assurance maternité.

Le 1er février dernier, elle a participé à la fête des 60 ans du droit de vote féminin dans le canton de Vaud. «Je n’ai pas été dans les pionnières, mais je les ai connues», relève celle qui n’a de cesse de mettre en avant ces femmes qui ont lutté tout au long du siècle, pour le suffrage féminin notamment, telles qu’Antoinette Quinche, Augusta Gillabert-Randin, Antonie Girardet-Vielle ou encore Gertrude Montet Girard. Et par la suite, Jacqueline Maurer-Mayor, Yvette Jaggi, Danielle Yersin, Liliane Valceschini… Autant de figures féminines vaudoises, dont elle fait partie, visibles sur les bannières de la «salle du 1er février 1959», dans le bâtiment de la santé et de l’action sociale du canton depuis le 14 juin 2012.

Lutte pour le climat aussi

La militante raconte également l’histoire de la Maison de la femme à Lausanne, léguée par Madeleine Moret, devenue un lieu d’accueil, de conférences, de soutien juridique. En son cœur, elle gère avec une amie, Marcelle Allemann, la petite bibliothèque de l’ADF ouverte tous les mardis et jeudis après-midi, de 14h à 17h.

Lectrice assidue, pourvue d’une mémoire d’éléphante, Simone Chapuis-Bischof n’a de cesse d’apprendre et de se documenter sur les femmes. Mais aussi sur d’autres thèmes qui lui tiennent à cœur. Elle fait partie de l’association Aînées pour la protection du climat, et ne cache pas son enchantement d’avoir vu la jeunesse envahir les rues du pays pour réclamer une véritable politique contre le réchauffement climatique. Dans le même but, l’association a déposé, il y a trois ans déjà, ses revendications au Département fédéral de l’environnement. Celui-ci n’étant pas entré en matière, elle a fait recours au Tribunal administratif fédéral et, après avoir été déboutée, fin janvier, un nouveau recours au Tribunal fédéral. «Les Néerlandais ont recouru aussi à la justice pour faire avancer la cause climatiques et ont gagné», souligne Simone Chapuis-Bischof, l’espoir toujours en étendard.

*objectif-10.ch ou politiciennes.ch

equalpayday.chgrevefeministe2019.ch maisondelafemme.ch

Vernissage le 22 février à 17h de l’exposition «RegArt10 sur l’égalité» au Forum de l’Hôtel-de-Ville, Lausanne (place de la Palud).