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Le climat et nos retraites en péril

L'Alliance climatique suisse demande aux caisses de pension de renoncer à investir dans les énergies fossiles

Pour des «Retraites sans risques», l'Alliance climatique suisse exhorte les caisses de prévoyance vieillesse à ne plus injecter des milliards de francs dans l'industrie du charbon, du pétrole et du gaz.

Lors de la manifestation contre le Sommet sur les matières premières (Commodities Global Summit) à Lausanne, le lundi 27 mars, un nuage sale de CO2 accompagnait le cortège, symbole de l'investissement dans les énergies fossiles de nos banques mais aussi de nos caisses de pension. L'Alliance climatique suisse - qui regroupe une septantaine d'organisations environnementales, sociales et syndicales (SEV et Union syndicale suisse), ainsi que le Parti socialiste et les Verts - a lancé le 3 novembre 2016, juste avant l'entrée en vigueur de l'Accord de Paris sur le climat (qui vise à limiter le réchauffement), une campagne intitulée «Retraites sans risques» pour exhorter les caisses de prévoyance vieillesse à ne plus injecter des milliards de francs dans l'industrie du charbon, du pétrole et du gaz. «C'est un risque pour le climat et pour la sécurité de nos retraites», alerte l'Alliance. «Même le Conseil fédéral met en garde contre des pertes dans la prévoyance vieillesse. Une étude arrive à la conclusion que les futurs versements des rentes ne sont plus assurés si les caisses de pension continuent à investir dans le charbon, le pétrole et le gaz.» Sans compter les effets collatéraux de l'exploitation des énergies fossiles: pollution, guerres, migrations forcées...

Faire pression
«Les Suisses ont confié quelque 767 milliards de francs aux caisses de pension», souligne Christian Lüthi, directeur de l'Alliance climatique suisse. «Or les énergies fossiles représentent un risque pour notre environnement, mais aussi pour notre propre argent. Avec la baisse du coût des énergies renouvelables, le marché se transforme, et les milliards d'investissements dans le pétrole, le charbon ou le gaz deviennent aussi un réel danger financier pour nos retraites. D'ailleurs plusieurs caisses de pension ont commencé à désinvestir.» La plus grande, Publica, la caisse de pension de la Confédération, exclut depuis février 2016 les entreprises spécialisées dans la production de charbon. La caisse de pension du canton de Zurich (BVK) et celle de la ville de Zurich (PKZH) ont pris la même décision. La Fondation Abendrot ou encore la caisse de pension Nest excluent toutes les énergies fossiles de leurs investissements.
Mais comment savoir si sa caisse de pension investit ou non dans les énergies fossiles? «En général, si aucune exclusion n'est mentionnée, c'est que la caisse de pension recherche une diversification maximale et investit donc dans les énergies fossiles. Il faut alors entrer en dialogue, et utiliser les moyens démocratiques de vote au sein des caisses de pension», recommande Christian Lüthi. L'année dernière, l'assemblée des délégués de la caisse de pension de l'Etat de Genève avait d'ailleurs voté à une très large majorité une résolution demandant le retrait des investissements dans les énergies fossiles.

Le scandale Credit Suisse
Quant aux banques, «il est certain qu'il est plus facile d'en changer que de caisse de pension. Sauf que seule la Banque alternative suisse (BAS) investit éthiquement», souligne Christian Lüthi. «Credit Suisse et UBS sont très liées aux énergies fossiles...» Preuve en est l'engagement, via d'autres investisseurs, de Credit Suisse dans l'oléoduc controversé au Dakota, qui menace les nappes phréatiques et les terres sacrées amérindiennes. Après les révélations de Greenpeace, début mars, une manifestation avait eu lieu devant la banque à Genève, à l'appel du collectif BreakFree, soutenu par d'autres ONG, syndicats et partis de gauche. Unia Genève avait ensuite interpellé le Conseil de fondation de la Caisse paritaire de prévoyance de l'industrie et de la construction (CPPIC) lui demandant d'analyser les possibles implications des investissements de la caisse dans ce projet d'oléoduc. Le syndicat a appelé également à désinvestir les fonds placés auprès d'institutions financières le soutenant et demandé le transfert des investissements dans les énergies fossiles vers les énergies renouvelables. Un appel relayé par la CGAS demandant aux autres syndicats de lancer des démarches similaires. Au niveau mondial, plusieurs banques et des clients ont annoncé retirer leur soutien financier au projet de pipeline. «De notre point de vue, une caisse de pension qui déclare un désinvestissement ne peut pas ignorer où les fonds, dans lesquels elle a placé son argent, investissent», précise Christian Lüthi. Et Umberto Bandiera, secrétaire syndical d'Unia, de souligner: «La Confédération indique que les caisses de retraite doivent être gérées dans l'intérêt des assurés. Notre réflexe culturel est de penser en termes de rémunération. Or, l'intérêt aujourd'hui se doit d'être éthique pour le bien des générations futures. D'où l'importance de rédiger une charte éthique avec la participation de tous les syndicats.»

Aline Andrey

* Sur son site internet, l'Alliance climatique suisse met à disposition des lettres types pour que chacun puisse sensibiliser sa caisse de pension: www.retraites-sans-risques.ch