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Le 1er Mai est célébré depuis 130 ans

Affiche de 1912 en faveur de la journée de 8 heures.
© Collection Photothèque IHS-CGT

En France, la Confédération générale du travail porte le combat pour la journée de 8 heures. Ici, une affiche datant de 1912.

La tradition du 1er Mai trouve sa source dans la revendication pour la journée de travail de huit heures. Retour sur quelques éléments de ses origines

Le 1er Mai fête ses 130 ans cette année. Au cœur de cet événement était placée la revendication de la journée de travail de huit heures, alors que, dans la plupart des pays en plein développement industriel en cette fin du XIXe siècle, on obligeait les ouvriers à travailler quotidiennement onze, douze, ou même quatorze heures par jour, six jours par semaine.

C’est au Congrès international ouvrier socialiste tenu à Paris en juillet 1889, que la proposition d’une journée internationale de lutte pour les huit heures a été décidée. Le 20 juillet, la résolution suivante est adoptée: «Il sera organisé une grande manifestation internationale à date fixe, de manière que, dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail, et d'appliquer les autres résolutions du Congrès international de Paris. Attendu qu'une semblable manifestation a déjà été décidée pour le 1er mai 1890 par l'American Federation of Labor, dans son congrès de décembre 1888 tenu à Saint-Louis, cette date est adoptée pour la manifestation internationale. Les travailleurs des diverses nations auront à accomplir cette manifestation dans les conditions qui leur sont imposées par la situation spéciale de leur pays.»

Ce 1er mai 1890, aux Etats-Unis, des journées d’actions et de grèves étaient convoquées en faveur de la journée de huit heures. Comme dans certaines régions de Suisse, le 1er mai représentait la date où débutaient les locations, les baux ou les contrats. En 1886, les syndicats américains avaient déjà posé un ultimatum à cette date au patronat: soit la journée de huit heures était introduite dans les entreprises, soit les ouvriers cesseraient le travail. Le 1er mai 1886 de nombreuses grèves éclatèrent dans tout le pays. A Chicago, 40000 travailleurs cessèrent le travail, certains étaient déjà à l’arrêt depuis trois mois. Trois jours plus tard, la répression s’est abattue sur les ouvriers, faisant six morts et une cinquantaine de blessés. Le lendemain, lors d’un meeting de protestation réunissant 15000 personnes, une bombe explosa alors que la police commençait à charger, tuant huit policiers. «Ce fut le signal d’une folle panique et d’un terrible massacre, les policiers indemnes s’étant mis à tirer sur la foule. La ville fut mise en état de siège et un grand nombre de militants ouvriers arrêtés, tandis que s’instaurait une véritable hystérie anti-anarchiste et antisyndicaliste. Qui a lancé la bombe? On ne l’a jamais su», écrit l’historien Marc Vuilleumier, dans un historique du 1er Mai publié sur le site de la CGAS[1]. Plusieurs anarchistes, innocentés par la suite, ont été condamnés à mort après ces événements.

En 1888, l'American Federation of Labor reprenait la campagne pour les huit heures et appelait à des actions pour qu’elles soient instaurées dès le 1er mai 1890, date qui sera reprise par le Congrès de Paris. Cette mobilisation internationale ne devait se dérouler qu’une seule fois. Mais un peu partout, les congrès socialistes ou les fédérations ouvrières décidaient spontanément de la renouveler l’année suivante, expliquait en 1896 Gabriel Deville, un des dirigeants du Parti ouvrier français, dans son très intéressant Historique du Premier Mai, publié dans la revue Le Devenir Social[2]. Sa périodicité sera adoptée le 22 août 1891 par le Congrès ouvrier socialiste international de Bruxelles, puis confirmée lors du Congrès de Zurich en août 1893. Ce dernier ajoute, dans sa résolution: «La manifestation du 1er mai pour la journée de huit heures doit en même temps affirmer en chaque pays l'énergique volonté de la classe ouvrière de mettre fin par la révolution sociale aux différences de classe, et ainsi de manifester par la seule voie qui conduit à la paix dans l'intérieur de chaque nation et à la paix internationale.»

Le premier 1er Mai à Paris, en 1890. La police tente de disperser la foule.
Le premier 1er Mai à Paris, en 1890. La police tente de disperser la foule.

Le 1er Mai 1890 en Suisse

En Suisse, le premier 1er Mai de 1890 a été un succès avec des actions telles qu’arrêts de travail, cortèges ou meetings dans 34 localités. Comme le souligne Marc Vuilleumier: «Toutes se font au nom de la journée de huit heures, que les auteurs justifient par une argumentation que nous connaissons bien: l’augmentation de la productivité due au progrès technique permet un abaissement de la durée du travail; cet abaissement se traduirait par un travail de meilleure qualité; il créerait de nouveaux emplois pour les chômeurs. Enfin, on ne manquait pas de souligner la grande valeur culturelle et éducative qu’aurait la réduction des heures de travail: cela permettrait enfin à l’ouvrier de lire, de se cultiver, de s’adonner à des loisirs instructifs, de participer plus activement à la vie politique, de s’occuper de ses enfants…» De nombreuses résolutions pour la journée de huit heures comme objectif final mais de dix heures dans l’immédiat sont adoptées. L’historien mentionne une autre caractéristique commune de cette journée helvétique: «Tous ont le sentiment de participer à un vaste mouvement, qui s’étend à l’ensemble du monde. Même dans les plus petites localités, on sait que si l’on n’est pas nombreux sur place, ce sont par centaines de milliers et par millions qu’au même moment, les travailleurs manifestent, dans tous les pays industrialisés. Les échos de la journée et son renouvellement les années suivantes ne feront que renforcer ce sentiment d’appartenance à la solidarité.»


[1] cgas.ch

[2] marxists.org

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