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L'assurance invalidité aux soins intensifs

Face à l'urgence de renflouer l'AI, un compromis a été trouvé pour un financement temporaire

L'assurance invalidité est au bord du gouffre. Son financement n'a pas été adapté à la hausse du nombre de personnes obligées de recourir à ses prestations. Le 27 septembre prochain, un projet de financement additionnel par la TVA et pour une période de 7 ans est soumis au vote. L'Union syndicale suisse estime que ce projet est socialement acceptable et appelle à le soutenir dans les urnes.

Injecter de l'argent frais pour boucher les trous de l'assurance invalidité (AI) qui menacent d'engloutir tout l'édifice de protection des travailleurs et de la population contre le risque d'invalidité? Tel est l'objet de la votation du 27 septembre prochain sur l'assainissement de l'AI qui prévoit une hausse de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), temporaire, soit de janvier 2011 à décembre 2017. Bien que le financement proposé pour ces soins intensifs passe par le relèvement d'un impôt pour le moins antisocial, la TVA, l'Union syndicale suisse (USS) soutient ce projet, fruit d'un «compromis péniblement trouvé», comme l'indiquait la semaine dernière son président Paul Rechsteiner. Un compromis qui ne représente pas «la meilleure des options», mais qui a le mérite d'exister et qui permettra de faire supporter la charge à l'ensemble de la population et pas uniquement aux salariés, poursuivait-il, soulignant encore que le problème du financement de l'AI a été éludé ces dernières années tant par le Parlement que par le Gouvernement.
Or la situation financière de cette assurance sociale indispensable - personne n'étant à l'abri d'une maladie grave ou d'un accident - n'a fait que se détériorer depuis 20 ans. Les déficits ont commencé en 1993 pour gonfler peu à peu et atteindre aujourd'hui un déficit structurel de 1,5 milliard de francs par année pour des dépenses d'environ 10 milliards. Afin de payer l'ensemble des rentes et des prestations de l'AI, ce déficit est financé par le Fonds de compensation de l'AVS. La dette ainsi accumulée par l'AI s'élève à 13 milliards de francs. Ce système met aujourd'hui en danger l'AVS. Ce qui inquiète les syndicats car, sans solution urgente pour rétablir l'AI dans un financement sain, les conséquences ne seront pas seulement douloureuses pour les personnes invalides, dont le nombre de rentes pourrait être diminué drastiquement, mais aussi pour les rentiers AVS dont les rentes risquent de ne plus pouvoir être versées...

La faute au travail?
Comment en est-on arrivé là? Depuis le début des années 90 jusqu'à aujourd'hui, le nombre de rentiers AI a pratiquement doublé, passant de 130000 à 250000. La crise des années 90 et le durcissement des conditions de travail ne sont pas étrangers à cette évolution: restructurations, compétitivité, productivité toujours plus forte demandée aux salariés, ont eu leur lot de conséquences. Des ouvriers «usés», comme dans la construction, secteur d'où proviennent le plus grand nombre de rentiers, ont dû recourir à l'AI, les maladies psychiques dues au stress par exemple se sont développées, et les postes adaptés aux personnes plus vulnérables ont disparu. Parmi les autres causes des besoins toujours plus grands de l'AI se trouvent également l'évolution démographique et les progrès de la médecine qui permettent d'augmenter l'espérance de vie des personnes gravement handicapées ou naissant avec des infirmités congénitales.
Or, face à ces besoins et à l'augmentation du nombre de personnes obligées de recourir à l'assurance invalidité, le taux des cotisations est resté inchangé depuis 1995, soit depuis 14 ans, alors que dans les autres assurances, comme l'assurance accident, les cotisations ont suivi la hausse des coûts. Ce qui explique la situation financière catastrophique actuelle de l'AI.

Financement temporaire
En guise de solution, et face à l'opposition, aujourd'hui réaffirmée, de la droite et du patronat d'augmenter les cotisations salariales, les seules propositions apportées par le Gouvernement et le Parlement à ces problèmes financiers ont été de couper dans les prestations et de diminuer le nombre de nouvelles rentes, rejetant beaucoup de personnes à l'aide sociale. Ces coupes étaient au cœur des 4e et 5e révisions de l'AI. Et il est à craindre que cette politique ne se poursuive au-delà des 7 ans de hausse de la TVA. Car dans la 6e révision de la loi sur l'assurance invalidité (voir article ci-dessous), la question du financement supplémentaire reste désespérément absente... Or pour l'USS, ces 7 ans de répit devraient justement permettre de trouver une solution à long terme pour le financement de cette assurance sociale, cela sans devoir recourir à la TVA. Une dure bataille s'annonce donc d'ores et déjà. Car l'intérêt du Conseil fédéral et des parlementaires bourgeois pour les bénéficiaires d'une assurance sociale est bien moins important que lorsqu'il s'agit de sauver une banque à coup de milliards...

Sylviane Herranz

 

 

Sur quoi allons-nous voter?
Le projet de financement additionnel de l'AI prévoit une hausse variable de la TVA: le taux normal passera de 7,6% aujourd'hui à 8%, le taux pour les produits de première nécessité de 2,4% à 2,5%, et le taux spécial pour l'hôtellerie de 3,6% à 3,8%. Cette hausse sera appliquée durant 7 ans, de 2011 à 2017, et procurera environ 1,2 milliard de francs par an à l'AI. Durant cette période, la Confédération prendra à sa charge les intérêts de la dette qui s'élèvent à 360 millions par an. Ces deux mesures permettront de compenser le déficit annuel de l'AI. Autre mesure: un fonds de compensation de l'AI sera créé et ainsi découplé de celui de l'AVS.
SH
 

 

Des économies, encore et encore...

La 6e révision de l'AI a démarré, sans que le financement ne soit à l'ordre du jour

Le Conseil fédéral, Pascal Couchepin en tête, et le Parlement, ont élaboré ces dernières années un plan d'assainissement de l'Assurance invalidité en trois étapes.
Première étape: les 4e et 5e révisions de la Loi sur l'assurance invalidité (en vigueur respectivement depuis 2004 et 2008). Ces révisions ont eu pour effet la baisse de 40% du nombre de nouvelles rentes... Cela par le biais notamment de la détection précoce et surtout d'un accès à la rente rendu beaucoup plus difficile, en particulier pour les personnes atteintes de maladies psychiques.
Deuxième étape: le financement additionnel de l'AI avec une hausse de la TVA de 2011 à 2017 sur lequel le peuple suisse est appelé à voter le 27 septembre (voir ci-dessus).
Troisième étape: la 6e révision de l'AI qui doit, pendant les 7 ans du financement additionnel, permettre d'assainir l'assurance grâce à deux trains de mesures: la révision 6a, en cours, et la révision 6b qui devrait être présentée en 2010.
La révision 6a a été mise en consultation mi-juin par le Conseil fédéral et se terminera à la mi-octobre. Le Gouvernement pourrait remettre au Parlement son projet définitif en décembre. La principale mesure de cette révision 6a consiste à réduire de 5% les rentes existantes. Pour cela, il est proposé de réviser systématiquement les rentes en cours et supprimer ou diminuer celles des personnes qui présentent «un potentiel de réadaptation». Il est aussi prévu de retirer la rente de toutes les personnes souffrant de troubles somatoformes douloureux (affections dont on ignore l'origine) comme la fibromyalgie, personnes qui en bénéficient parfois depuis de nombreuses années. Avec ces mesures, le Conseil fédéral compte supprimer les rentes de 12500 personnes, dont 4000 souffrant de maladies somatoformes, entre 2012 et 2018. Selon l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), 270 millions seraient ainsi économisés. La révision 6a prévoit encore une transparence des coûts dans le budget de l'AI et une concurrence entre fournisseurs de moyens auxiliaires comme les appareils auditifs. Au total les mesures de ce premier paquet de la 6e révision de l'AI permettraient d'économiser 570 millions par année.
Mais cela ne suffira pas à couvrir son déficit, estime l'OFAS. «Il est donc nécessaire d'économiser encore un peu plus de 500 millions de francs par année», explique l'office fédéral en précisant que «des propositions concrètes de mesures d'économies supplémentaires sont en cours d'élaboration et formeront l'essentiel de la révision 6b». Par contre, pas un mot sur d'éventuelles solutions pour augmenter les recettes, par le biais par exemple d'une hausse des cotisations, telle que demandée par les syndicats. Les patrons apprécieront.
Au final, d'ici à 2018, ce serait grâce aux sacrifices des personnes à qui les rentes seront retirées et des travailleurs qui n'y auront plus droit que le déficit de l'AI serait comblé... SH