L’ancien patron d’Eternit condamné à 9 ans et 6 mois de réclusion

La juge Cristina Domaneschi lisant l'arrêt de la Cour d'assise d'appel de Turin.
La Cour d'assises d'appel de Turin réduit la peine prononcée en première instance contre Stephan Schmidheiny mais confirme le délit d'homicide involontaire pour une partie des 392 victimes au centre du procès. La défense annonce un recours devant la Cour de cassation.
TURIN - Stephan Schmidheiny a tué des ouvriers d'Eternit et des citoyens de Casale Monferrato. C'est ce qu'a établi le 17 avril dernier la Cour d'appel de Turin, condamnant le magnat suisse à une peine de 9 ans et 6 mois d'emprisonnement pour homicide involontaire et blessures involontaires aggravées à l'encontre d'une partie des 392 victimes au centre du principal volet du procès «Eternit bis». Ce procès concernait les décès par mésothéliome causés par les poussières de l'usine de Casale, que Schmidheiny, en tant que dirigeant suprême de la multinationale suisse du ciment-amiante, a contrôlée entre 1976 et 1986.
Le verdict de la Cour, rendu public par la présidente Cristina Domaneschi à l'issue de trois heures de délibération, confirme en substance celui des juges de première instance de la Cour d'assises de Novare, qui avait condamné l'accusé en juin 2023 à 12 ans de réclusion, toujours pour homicide involontaire aggravé. Cette décision avait été contestée tant par l'accusation, qui avait renouvelé dans ce procès en appel sa demande de condamnation à la réclusion à perpétuité pour homicide volontaire, que par la défense, qui demandait l'acquittement total de Schmidheiny. Les juges d'appel ont donc rejeté les arguments des deux parties, qui ont toutefois la possibilité de se pourvoir devant la Cour suprême de cassation. Et c’est ce qu’a annoncé vouloir faire la défense.
En attendant de connaître les détails qui figureront dans les motifs du jugement (qui devront être déposés dans un délai de 90 jours), il ressort de la lecture du dispositif que la Cour a partiellement réformé le verdict des juges de Novara: pour un certain nombre de cas, Schmidheiny a été «acquitté parce que les faits ne sont pas établis» (probablement parce que le diagnostic de mésothéliome n'a pas été jugé certain), tandis que pour un autre groupe de victimes, elle a décidé de «ne pas donner suite» car le délit est considéré comme «prescrit». D'où la réduction de la peine de 12 ans à 9 ans et 6 mois.
Les premières réactions
«Il s'agit d'une confirmation importante en termes d'années d'emprisonnement», commente la substitut du procureur général près la Cour d'appel de Turin, Sara Panelli. «Bien sûr, aucune condamnation n'est satisfaisante, mais l'accusation élaborée par la Cour d'assises de première instance a été maintenue. Cela peut être dit et c'est important. Ensuite, pour les faits déclarés prescrits ou configurés autrement, nous devrons bien sûr lire les motivations pour comprendre le raisonnement de la Cour», a déclaré la magistrate. «La réduction de la peine est dictée par les cas qui sont entre-temps tombés sous le coup de la prescription», explique pour sa part l'avocate Laura D'Amico, avocate de la partie civile. Même parmi les représentants des victimes et de leurs familles, un certain optimisme règne : «La culpabilité a été confirmée et nous considérons donc ce jugement comme une affirmation de la justice. Nous espérons que cela contribuera à faire toute la lumière sur cette affaire, car une catastrophe de cette ampleur qui ne serait pas suivie d'une condamnation importante serait le comble. Ce serait un échec de la justice», commente Bruno Pesce, de l'Association des familles et des victimes de l'amiante de Casale Monferrato (AFEVA).
Du côté de la défense, l'avocat Astolfo Di Amato s'exprime ainsi : «Nous sommes partiellement satisfaits de la partie de notre appel qui a été accueillie. Nous ferons appel devant la Cour de cassation pour le reste».
Affaire renvoyée devant la Cour de cassation
La Cour de cassation a jusqu'à présent annulé toutes les condamnations prononcées au cours des quinze dernières années à l'encontre de Schmidheiny par les cours d'appel : en 2014, elle avait en effet cassé la condamnation à 18 ans pour catastrophe environnementale prononcée lors du premier procès historique; et plus récemment, dans le cadre de l'affaire Eternit bis, concernant l'usine de Bagnoli où le milliardaire suisse a été condamné en première et deuxième instance à trois ans et demi pour un cas de décès par mésothéliome, elle a annulé la décision des juges napolitains et ordonné la refonte du procès en appel. Il en a été de même dans la procédure concernant l'usine de Cavagnolo: dans cette affaire, la Haute Cour a annulé à deux reprises le jugement d'appel (dans lequel Schmidheiny avait été condamné à un an et huit mois pour homicide involontaire sur la personne d'un ancien ouvrier décédé d'asbestose) et ordonné la reprise du procès. Le résultat final est un non-lieu, puisque l'affaire est prescrite depuis le 17 avril 2025.
Il faudra maintenant attendre quelques mois pour savoir si le jugement rendu aujourd'hui à Turin dans le volet le plus important de l'affaire Eternit bis aura un meilleur sort devant les juges de la Cour suprême. En particulier en ce qui concerne le lien de causalité entre les décès et le comportement de l'accusé, qui est l'un des aspects les plus controversés de toute l'affaire et qui, d'ailleurs, a également été porté à l'attention de la Cour ce matin avant que la chambre du conseil ne se retire, par l'avocat de la défense Guido Carlo Alleva, qui est intervenu pour la dernière réplique. Une intervention dans laquelle il a réaffirmé la thèse d'une « étrangeté » substantielle de Schmidheiny : «On ne peut lui attribuer une responsabilité générale pour ce qui s'est passé ; l'usine existait depuis 1907 et, malheureusement, Casale est polluée depuis lors». L'affaire judiciaire de Stephan Schmidheiny en Italie n'est donc pas close.