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La sécurité au coeur de la forêt

Les forestiers-bûcherons exercent le métier le plus dangereux de notre pays. Pour eux, la prévention se vit au quotidien

Métier à risque et métier passion pour ceux qui l'exercent. A Fribourg, l'équipe forestière de la Bourgeoisie de la ville a remporté la distinction «Entreprise forestière exemplaire 2006» de la Suva pour ses efforts en matière de sécurité et de santé au travail. Petite incursion dans la vie de ces forestiers-bûcherons.

«Attention!» Un cri retentit dans le Bois de la Faye, tout près de Givisiez. Quelques secondes d'écoute. Silence. Philippe Gillon replace ses protections d'oreilles, la visière de son casque. Il remet en marche sa tronçonneuse, scie le mélèze qui s'effondre avec fracas, emportant avec lui un petit arbre mort. Le silence revient. Auparavant, ce forestier-bûcheron avait examiné attentivement l'arbre «martelé», c'est-à-dire désigné d'un point rouge par le garde forestier, il avait choisi son couloir de chute pour ne pas abîmer d'autres arbres, étudié la zone de sécurité, un triangle au sol long de deux fois la hauteur de l'arbre, et placé Steve, l'apprenti, en contrebas, où il n'a pas de visibilité. Philippe avait ensuite effectué l'entaille d'abattage, côté chute, permettant lors de la taille de diriger l'arbre dans sa chute. L'opération s'est bien déroulée. Sur cette coupe d'éclaircie de la forêt, qui vise à favoriser la qualité du bois en laissant les beaux arbres se développer, il travaille seul avec l'apprenti.
«L'abattage est le plus grand danger pour les forestiers-bûcherons. Lorsqu'un arbre tombe, il peut faire plier un autre arbre qui, en se relevant, éjecte des branches sur nous», explique Pierre-Henri Pauchard, garde forestier et responsable de l'équipe forestière de la Bourgeoisie de la ville de Fribourg. «C'est comme une catapulte, ajoute Philippe. Mais pour moi, le plus grand danger, c'est l'imprévu du promeneur qui peut surgir derrière un buisson ou des vélos que l'on n'entend pas arriver. D'où l'importance de bien sécuriser tous les chantiers. Nous, nous sommes confrontés tout le temps au danger, on prend le temps de la réflexion, on peut y remédier.»

Pas d'accident grave
En 20 ans, Pierre-Henri Pauchard n'a jamais eu d'accident grave dans son équipe. Une seule fois, un bûcheron a reçu une branche sur le casque. Il a souffert d'un traumatisme, sans conséquence. «Depuis que je suis là, il y a eu des petites combines, des coupures, rien de vital, malgré nos outils tranchants, et les masses avec lesquelles on travaille», ajoute Philippe.
Après l'abattage, protégés par leur casque, leurs gants, leurs souliers, veste et pantalon de sécurité conçus pour stopper la chaîne de la tronçonneuse en cas de pépin, les forestiers-bûcherons ébranchent les arbres et les débitent en billons. La coupe terminée, viendra le débardage. Le bois sera transporté jusqu'au chemin le plus proche, à l'aide de câbles pour ne pas abîmer le sol.
La coupe du bois s'effectue lorsque la nature est au repos. Au printemps et en été, les forestiers s'occupent des soins aux jeunes peuplements et de la plantation. «Nous effectuons aussi toutes sortes de travaux comme la stabilisation de torrents, de chemins, ou la construction de baraques. Le forestier-bûcheron, avec sa formation, touche un peu à tout», indique Pierre-Henri Pauchard pour qui la sécurité de ses hommes est primordiale.

La sécurité avant tout!
Son équipe, qui travaille sur les 800 hectares de forêts appartenant à la Bourgeoisie, dispersées sur une vingtaine de communes, est composée de 5 forestiers-bûcherons, de 3 apprentis, et de lui-même, forestier de triage. C'est le maître d'œuvre de la distinction d'«Entreprise forestière exemplaire» obtenue de la Suva. Pour ce forestier, fils et petit-fils de bûcheron, tout est parti lors de l'entrée en vigueur, en 1996, de la directive MSST sur la santé et la sécurité au travail puis de la solution de branche de l'Association suisse de l'économie forestière. Dès 1997, il suit des cours. Les mesures se mettent en place, progressivement: organisation du travail, formation des employés, vêtements de sécurité, plans de premiers secours, sécurisation du local à carburant au centre forestier, ou encore acquisition de nouvelles machines, plus sécurisées. Par chance, la Bourgeoise n'a jamais lésiné sur l'achat de nouveau matériel. «Avant, il y a eu beaucoup de mains et de doigts coupés avec les machines à fendre le bois. Aujourd'hui, ce n'est plus possible.» Quant aux apprentis, c'est dès le départ que Pierre-Henri Pauchard leur apprend les bons plis, les bons gestes. «Et la première des choses est de les équiper!»
En octobre 2005, il présente son entreprise au concours de la Suva. Envoi de documents, contrôles de l'entreprise, puis la bonne nouvelle: son équipe décroche un des trois premiers prix. «Notre objectif est zéro accident. Mais on ne peut pas tous les éviter. Ce prix est une reconnaissance pour le travail que nous avons tous effectué. L'important est de continuer sur cette voie-là, de persévérer et de ne pas nous endormir sur nos lauriers.»

Sylviane Herranz




En tête des risques d'accident

296 accidents pour 1000 postes à plein temps enregistrés cette année: l'économie forestière détient le triste record de l'activité professionnelle la plus dangereuse. Parmi ses principales victimes figurent les apprentis. Selon la Suva, un apprenti sur deux se blesse au cours d'un an de travail et seule une petite partie des accidents est due au sport. Ce déficit sécuritaire n'est pas étranger à l'énorme pression sur le rendement, tout particulièrement dans les forêts privées où les accidents sont quatre fois plus nombreux que dans les forêts publiques. Alarmante, la situation s'est pourtant améliorée. «A l'heure actuelle, il se produit 30% moins d'accidents qu'il y a quinze ans», note la caisse nationale. Des chiffres encourageants pour la Suva, qui poursuit sa prévention, notamment en décernant ses distinctions aux entreprises forestières exemplaires.

SH