Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

La protection des salaires: priorité absolue

Banderole devant le palais fédérale: Défendons les salaires et les conditions de travail.
© Neil Labrador/archives

Lors des précédentes discussions sur l’accord-cadre institutionnel, l’USS avait organisé le 4 septembre 2018 une action sur la Place fédérale pour rappeler la ligne rouge qu’elle ne franchirait pas. Son positionnement sur la protection des salaires, non négociable, n’a pas changé.

L’assemblée des délégués de l’Union syndicale suisse a adopté une résolution affichant les éléments devant être intégrés au mandat de négociations avec l’Union européenne

Les relations entre la Suisse et l’Union européenne (UE) étaient l’un des points majeurs de l’assemblée des délégués de l’Union syndicale suisse (USS) du 2 juin dernier (voir ici). A la fin du mois de juin, le Conseil fédéral souhaite fixer les éléments d’un nouveau mandat de négociations avec l’Union européenne. Pour rappel, en mai 2021, le gouvernement avait renoncé à signer l’accord-cadre institutionnel négocié avec l’UE, notamment après la forte résistance manifestée par les syndicats face aux menaces qui pesaient sur les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes. Après l’échec de cet accord-cadre, le Conseil fédéral a souhaité sonder les partenaires sociaux sur le sujet. Il a ensuite mené des entretiens durant de longs mois avec son administration, les employeurs et l’USS pour trouver une issue à l’impasse dans laquelle se trouvent les relations de la Suisse avec l’UE.

Lors de l’assemblée des délégués, le bilan de ces discussions a été tiré: «Aucun engagement ferme ne se trouve actuellement sur la table, mis à part des détériorations par rapport à la situation actuelle. Ni les employeurs, ni la Commission européenne n’ont ouvert la porte à des solutions qui garantiraient les salaires des travailleuses et des travailleurs. Au contraire: les conditions de travail suisses et le service public sont menacés», souligne l’USS dans un communiqué. Ces menaces concernent notamment le système paritaire de contrôle de l’application des CCT et des salaires. La Commission européenne exige également que les entreprises de l’UE allouent aux travailleurs détachés uniquement les frais professionnels prévus dans leur pays d’origine, ce qui peut mener à une très forte baisse de revenu. Autre pierre d’achoppement, la libéralisation totale du marché de l’électricité voulue par l’Union européenne, libéralisation qui a montré ses effets néfastes en Europe avec la forte hausse des prix ces dernières années. Il est aussi question d’ouvrir à la concurrence le trafic ferroviaire et de remettre en cause les aides publiques dans le secteur de la santé.

Face à ces exigences, les délégués de l’USS ont adopté une résolution intitulée «Pour une ouverture qui serve aux salariés». Elle précise neuf éléments devant être intégrés au mandat de négociations du Conseil fédéral. Ces points vont de la préservation de la protection autonome des salaires au rejet de la réglementation de l’UE sur les frais professionnels, de la facilité d’étendre les CCT au refus de l’affaiblissement des transports publics et des subventions à la santé. L’USS affiche aussi son soutien à la directive européenne sur la citoyenneté et aux contributions de cohésion versées à l’UE. «Pour l’USS, il est clair que les discussions avec l’UE ne peuvent aboutir que sur cette base», précise la résolution.

Eclairage avec Daniel Lampart, économiste en chef et premier secrétaire de l’USS.


Sur quelle base ont discuté les partenaires sociaux?

Nous avons été sondés sur les demandes de la Commission européenne. La logique est la même que celle du projet d’accord-cadre institutionnel de 2018. Cela va dans la même direction, mais avec de nouvelles exigences, comme celle sur les frais professionnels, soit les frais de repas, de déplacement et de nuitée. Les travailleurs d’entreprises venant de l’UE n’auraient droit qu’à ce qu’ils touchent dans leur pays. Nous avons évalué ce que cela représente sur la base des frais payés en Suisse: ils perdraient jusqu’à 2000 francs par mois. C’est incroyable!

La Commission s’en prend aussi à l’application paritaire des CCT. Pouvez-vous préciser?

En Suisse, nous avons un système de contrôle des salaires unique en Europe. Dans aucun autre pays, les partenaires sociaux ont autant de compétences que chez nous. Ailleurs, c’est plutôt l’Etat qui contrôle les conditions de travail. Il y a un grand risque de remise en cause de ces contrôles paritaires, de leur nombre, important chez nous, et à terme des sanctions et des cautions qui sont prévues dans ce cadre.

C’est pour cela que nous avons revendiqué une garantie absolue des mesures d’accompagnement actuelles existant en Suisse, et même leur amélioration, car avec la hausse du travail temporaire et la prolifération de la sous-traitance, la protection des salaires est de plus en plus difficile. Nous refusons aussi d’être sous la prépondérance de la juridiction de la Cour de justice de l’Union européenne.

Quelles sont les intentions de la Commission européenne?

Elle souhaite que la Suisse adapte sa législation et applique les règles de l’Union européenne. Elle veut en priorité obtenir l’accès au marché suisse pour les entreprises. La question des salaires vient en deuxième position.

Dans la résolution, il est fait état de forces qui utiliseraient les discussions avec l’UE pour faire passer leurs programmes de libéralisation. Pouvez-vous nous en dire plus?

Il y a des déclarations qui vont dans ce sens. Par exemple, le directeur de l’Office fédéral des transports s’est prononcé en faveur du Flixtrain. La Commission souhaite l’ouverture du trafic ferroviaire pour relier Munich à Zurich par exemple, dans un esprit de concurrence et non pas de coopération comme cela existe entre les différents opérateurs ferroviaires en Suisse, avec les conventions tarifaires notamment. Flixtrain, qui repose sur le principe des Flixbus, louerait des créneaux horaires. En cas de panne, tout le réseau serait bloqué! Et c’est sans parler des salaires…

La Commission demande aussi l’ouverture complète du marché de l’électricité, bien que les prix aient fortement augmenté sur les marchés libéralisés de l'UE.

Il serait aussi question de libéraliser la santé?

La Commission veut imposer la libre circulation des patients, qui peut mettre en péril le service public dans les hôpitaux. La Suisse a clairement fait savoir qu’elle n’allait pas adopter cette réglementation.

Pensez-vous que les éléments défendus par l’USS seront repris par le Conseil fédéral et l’administration dans le mandat de négociations?

Je pense qu’ils ont compris quels sont les besoins des travailleurs en Suisse. Pour l'USS, il est clair que la protection des salaires n'est pas négociable. La Suisse a les salaires les plus élevés d'Europe. Et nous sommes ouverts comme aucun autre pays. C'est pourquoi nous avons besoin d'une protection salariale particulièrement efficace.

Pour aller plus loin

Le concours «Les membres recrutent des membres» continue

Unia a attribué les prix du deuxième tour de son grand concours «Les membres recrutent des membres». Pour rappel, jusqu’à son 20 e anniversaire, qui sera célébré l’année prochaine...

Plus de 300 décès en dix ans

Face au nombre croissant de décès et d’accidents sur les sites de la multinationale ArcelorMittal, notamment au Kazakhstan, une journée d’action syndicale a eu lieu le 13 septembre...

Le Conseil fédéral sommé d’agir contre les licenciements abusifs et antisyndicaux

Vania Alleva et les syndicalistes d'Unia à Berne.

Une délégation de syndicalistes a rencontré lundi 12 août le conseiller fédéral Guy Parmelin pour l’exhorter à reprendre en main la problématique des licenciements antisyndicaux...

«J’ai exercé le plus beau métier du monde»

Aldo Ferrari s'exprime sur son parcours professionnel.

Après trois décennies ou presque d’activité syndicale, Aldo Ferrari vient de prendre sa retraite. Interview