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La précarité étudiée en classe

Quatre futures animatrices socioculturelles et assistantes sociales ont sensibilisé des élèves à la problématique de la pauvreté

Quatre étudiantes de la filière sociale des Hautes écoles spécialisées de Suisse occidentale ont sensibilisé à Monthey, en Valais, quelque 220 élèves aux questions de la pauvreté. Avec, à la clef, une partie théorique et des ateliers interactifs. Une démarche propre à briser le tabou de la précarité.

L'amitié et un intérêt partagé pour les questions liées à la pauvreté ont conduit quatre jeunes femmes à opter pour un module d'étude original: une sensibilisation des 11-12 ans à la problématique de la précarité en Suisse. Etudiantes aux Hautes écoles spécialisées de Suisse occidentale HES-SO, filière sociale, Carine Gollut, Flutra Jahmurataj, Benita Gashi et Sandra Stepanovic ont en effet animé en décembre dernier des ateliers sur la thématique dans des classes de cinquième et sixième primaires à Monthey. Au final, quelque 220 élèves ont profité de leur intervention. Pour ce faire, le quatuor s'est notamment appuyé sur le contenu de cours et des données de la Conférence suisse des institutions d'action sociale. Il détaille - à l'exception de Sandra qui n'a pu se libérer - la démarche menée et discute, à bâtons rompus, de la question.

Un ménage sur trente est pauvre
«Nous avons expliqué aux écoliers les notions de pauvreté absolue - à savoir quand les besoins vitaux ne sont pas couverts - et de pauvreté relative qui implique une existence caractérisée par des restrictions» explique Flutra, précisant que cette seconde situation concerne, selon les statistiques 2010, un ménage sur trente en Suisse. Les informations de base communiquées, différents ateliers ont permis aux participants de pousser plus loin la réflexion. Dans le but de les familiariser avec les différents visages de la pauvreté, les élèves ont dû par exemple établir le budget des courses d'une famille confrontée à des fins de mois difficiles ou représenter des personnages riches et pauvres... «Nous avons été frappées par les stéréotypes. La propreté pour les riches, des habits sales et troués pour les pauvres... Les plus jeunes ont tendance à stigmatiser sur le visible», enchaîne Benita. Les discussions ont aussi largement porté sur les facteurs susceptibles de générer la pauvreté. «L'absence de formation, une maladie entraînant la perte de son travail, un divorce, etc. sont autant d'événements qui peuvent en être à l'origine», note Carine, relevant que 65% des jeunes âgés de 18 à 25 ans et sans formation se retrouvent à l'aide sociale.

Aux études et au turbin
Parmi les points particulièrement positifs liés à la démarche, les jeunes femmes notent l'importance de pouvoir briser le tabou de la précarité et de parler ouvertement des salaires. Elles espèrent aussi avoir touché, via les élèves, certains parents dans le besoin qui ignorent ou n'osent pas recourir à l'aide sociale. Un système jugé plutôt bon par Flutra qui déplore la tendance d'une frange de la population à associer certains de ses bénéficiaires à des abuseurs. Mais les futures animatrices socioculturelles et assistantes sociales ont-elles été elles-mêmes confrontées dans leur milieu ou dans le cadre de leurs fréquentations à la pauvreté? «En tant qu'étudiante, je ne suis pas très riche. Je travaille à côté comme caissière dans une station-service. Je vis de peu. Je gagne environ 1000 francs par mois», déclare Benita qui, membre d'une famille de cinq enfants, ne peut faire supporter le poids financier de ses études à ses parents. Et consacre ses jours de congé et de vacances à ce job. Scénario identique pour ses deux amies, elles aussi employées en marge de leur formation comme caissières dans une grande surface.

Personne à l'abri
«En ce qui me concerne, je ne suis pas très consciente de la pauvreté en Suisse. Elle est cachée» lance Carine qui estime toutefois qu'elle peut frapper tout un chacun. «On est à l'abri de rien aujourd'hui. Il suffit de ne pas trouver de travail...» Un avis partagé par le reste du groupe même si Benita tempère en raison de leur formation - «une bonne protection contre le risque d'une telle issue» - alors que Flutra et Carine insistent sur l'importance de connaître ses droits, les possibilités de bourses, etc. Dans ce contexte, toutes les trois jugent positivement le travail syndical. Et déplorent le manque de solidarité dans notre société. «La solidarité? Dans un pays capitaliste... il ne faut pas rêver», affirme Benita. «Avant, il y avait davantage d'aide de la famille. Aujourd'hui on est de plus en plus individualiste», renchérit Flutra qui, dans le cadre de stages, a déjà été confrontée à des personnes en situation de précarité. Et de dénoncer les conséquences négatives de la nouvelle loi sur le chômage et la révision de l'AI... Tout en se montrant favorable à l'introduction d'un salaire minimum à 4000 francs. «Un bon moyen de lutter contre la pauvreté.» Ou alors, plaisante Benita, en gagnant à la loterie... 


Sonya Mermoud