Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

La liberté contre le fascisme, ou l’histoire des Italiens de Lausanne

photomontage d'un face-à-face entre un saisonnier italien et un migrant africain.
©DR

Créée en 1943, la Colonie libre italienne fête ses 75 ans avec une exposition

De la lutte antifasciste, à la défense des migrants actuels, en passant par le combat pour les droits et l’intégration des immigrés. C’est le long chemin parcouru par la Colonia libera italiana de Lausanne qui fête ses 75 ans. Depuis hier et jusqu’au 27 mars, une exposition, avec photos, extraits de films et autres documents, célèbre cet anniversaire et témoigne d’une histoire marquée d’expériences douloureuses, mais d’une extraordinaire solidarité entre les membres de la Colonie libre italienne (CLI). Pourquoi, d’ailleurs, «colonie libre»?

«Au milieu des années 1920, à Genève, Zurich ou Bâle, des groupes d’immigrés et des militants socialistes et communistes fuyant le régime de Mussolini s’organisent contre le fascisme qui s’installe en Italie. Il existait déjà des cercles italiens à l’étranger que la dictature tentait de contrôler. Les colonies se sont nommées “libere” pour se positionner contre l’autoritarisme et dire: “Nous sommes antifascistes et libres”.» C’est avec passion que Gianfranco Gazzola, bientôt 73 ans, raconte l’histoire de ces Colonie libere italiane, lui qui a présidé celle de Lausanne de 1979 à 1984. C’est le hasard de la vie et de l’amour qui amène cet enseignant à s’installer dans notre pays en 1973. Depuis, il a prêté sa voix à tous les sans-voix de l’immigration italienne, à tous ces saisonniers exploités et sans droit.

Résistants puis saisonniers

A Lausanne, la colonie libre est créée en 1943. En Italie, Mussolini est destitué cette année-là, mais l’Allemagne le libère et il revient au pouvoir en Italie du Nord. La résistance s’organise. «En Suisse, tous s’activent pour y contribuer et pour accueillir les réfugiés italiens. Il y en a eu énormément. Il y avait des camps de réfugiés tout autour de Lausanne.» En novembre 1943, les dix colonies libres de Suisse se constituent en Fédération. «A l’époque, les activités des colonies étaient tolérées, mais les autorités n’étaient pas tendres avec elles. Même si on peut être reconnaissant pour l’accueil des nombreux réfugiés», indique Gianfranco Gazzola. Vers 1948-1950, l’activité des colonies diminue en raison du retour des réfugiés en Italie. Elle sera relancée dès le début des années 1960. «Les colonies libres gardent leur esprit antifasciste, de défense des travailleurs, pour la justice sociale. Elles deviennent aussi un lieu de rencontre, où on pouvait parler italien, jouer aux cartes et obtenir du soutien pour des démarches administratives ou pour contacter le syndicat. Il y avait surtout des hommes, des saisonniers.»

C’est le temps des initiatives Schwarzenbach «contre la surpopulation étrangère», finalement refusées. «Elles ont fait beaucoup de mal, créé un climat de peur qui a fait partir environ 200000 personnes. Durant cette période, nous nous sommes battus contre toutes les discriminations, contre le statut de saisonnier et les conditions sur la préférence des travailleurs indigènes.» Autre lutte engagée lors de sa présidence de la CLI de Lausanne: celle des droits politiques. «En 1979, avec l’Association des travailleurs espagnols émigrés en Suisse (Atees), nous avons lancé une pétition nationale pour le droit de vote aux niveaux communal et cantonal. C’est parti de notre canton, et Vaud est le premier à avoir concédé le droit de vote et celui d’éligibilité en 2003 au niveau communal.»

Solidarité avec les migrants d’aujourd’hui

Autre combat de la colonie lausannoise: celui de l’intégration. «Nous agissions pour l’intégration de l’ensemble des étrangers et pour les droits de tous les travailleurs, c’est un point d’honneur. A l’époque, on était très politisé, ce qui est beaucoup moins le cas aujourd’hui», souligne Gianfranco Gazzola, qui a fait ses armes au PCI, le Parti communiste italien, et milite au PS. Alors que les Italiens venus dans les années 1960 se sont bien intégrés, une nouvelle vague de jeunes surdiplômés, beaucoup ne parlant pas français, est arrivée. C’est vers elle que la colonie libre se tourne afin de poursuivre le chemin de l’entraide et de la solidarité. Car le souffle premier est toujours là.

«Nous luttons contre toute forme de populisme de droite, de racisme, de discrimination. Par exemple, avec la Fédération des colonies libres, nous avons mené dernièrement des actions en Italie pour faire entendre notre expérience d’immigrés ayant vécu le départ et l’arrivée dans un autre pays, pour appeler nos compatriotes à plus d’ouverture et d’humanité envers les migrants atteignant l’Italie aujourd’hui. D’où l’image de notre affiche du 75e anniversaire.» Sur cette dernière, un face-à-face poignant entre un saisonnier italien et un migrant africain…

 

Exposition au Forum de l’Hôtel de Ville de Lausanne, place de la Palud 2, jusqu’au mercredi 27 mars. Ouverture: tous les jours sauf le dimanche de 10h à 18h.

Pendant la semaine: danses, musique, chansons, dégustations, produits italiens.

Conférences-débats:

Samedi 16 mars à 10h: «Histoire des Colonies libres italiennes en Suisse et à Lausanne», avec Toni Ricciardi, auteur d’un livre sur le sujet; Morena La Barba, auteure de La migration italienne dans la Suisse d’après-guerre, et Giuseppe Fonte, auteur de L’intégration des immigrés italiens à Lausanne, un modèle de réussite?

Samedi 23 mars à 10h: «Immigration et droits humains», avec Rebecca Ruiz, conseillère nationale; Sandro Cattacin, professeur; Cyrielle Huguenot, Amnesty International, et Tidiane Diouwara, directeur du Cipina.

Pour aller plus loin

Comment vieillit-on en Suisse sans passeport à croix blanche?

Emanuela* est une des personnes témoignant dans l’exposition. A 72 ans, elle est doit continuer à travailler.

Une étude et une exposition mettent en lumière la grande précarité des personnes immigrées une fois arrivées à l’âge de la retraite

Formations Movendo

L’institut de formation des syndicats Movendo organise deux cours à destination des membres affiliés et de toutes les personnes intéressées

«L’autotest de naturalisation reste insuffisant»

Le Secrétariat d’Etat aux migrations a lancé un outil permettant de savoir si on est éligible à la naturalisation facilitée. Pour Unia, c’est une bonne idée qui devrait toutefois être plus simple, plus claire et plus inclusive

Du coût humain et financier du système Dublin

Des «renvois inhumains» sont dénoncés par le collectif Droit de rester. L’histoire récente d’une jeune Afghane expulsée de Suisse est un exemple parmi beaucoup d’autres