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Halte à l'hypocrisie dans la construction

Unia dénonce les nombreux cas de dumping salarial dans la sous-traitance

Le Grand Conseil vaudois devrait se prononcer le 28 juin prochain sur une initiative législative rédigée par Michel Dolivo visant à instaurer le principe de la responsabilité solidaire sur les marchés publics. Un contre-projet de loi du gouvernement veut de son côté uniquement interdire la sous-traitance en cascade. Une dernière proposition qui ne va pas assez loin selon Unia. Eclairages.

Sous-enchère salariale, charges sociales non payées, travail au noir, faillites à répétition, à la limite de la fraude... Lors d'une conférence de presse organisée le 20 juin dernier à Lausanne, Unia Vaud a brossé un tableau noir de la situation de la construction dans le canton. Un contexte marqué par une explosion de la sous-traitance - en particulier dans les domaines du ferraillage et du coffrage mais aussi dans la plâtrerie-peinture, les échafaudages et la construction métallique - et les dérives qui souvent en découlent. Ces dix dernières années, pas moins de 66 nouvelles entreprises ont été créées dans le ferraillage et le coffrage contre 6 entre 1990 et 2000. Celles-ci emploient entre 400 et 600 travailleurs et sont constamment mises en concurrence par les grosses sociétés qui recourent à leurs services. Conséquences: les prix dégringolent et des travailleurs, dont nombre de sans-papiers, en font les frais.

Marché aux esclaves
«Actuellement le prix du marché s'élève entre 180 et 350 francs la tonne de ferraille alors que, pour être viable, il devrait être de 400 à 500 francs» calculent Pietro Carobbio, responsable de la construction à Unia Vaud et son collègue Maurizio Colella, secrétaire syndical. «Une journée de travail, avant paiement des charges sociales, revient à 230 francs pour un ouvrier très expérimenté, qui pose une tonne par jour. Au prix actuel du marché, il ne reste pas de marge pour les charges sociales et les coûts de fonctionnement de l'entreprise.» Les deux syndicalistes relèvent encore que les salaires horaires sont souvent payés entre 16 et 20 francs de l'heure, alors que le montant minimum prévu par la Convention nationale du secteur est de 25,35 francs. Et de dénoncer «ce marché aux esclaves sur les chantiers». «L'exploitation et la précarité sont très fortes. Environ 50% de la main-d'œuvre n'est pas déclarée aux assurances sociales.»
Corollaire fréquent à ce type de sous-traitance, la création et la disparition rapide d'entreprises laissant des salaires impayés et des centaines de milliers de francs à charge d'institutions sociales. Exemples à l'appui, les représentants d'Unia fustigent une pratique répandue dans le domaine qui consiste à fermer et rouvrir des entreprises «en changeant une voyelle de la raison sociale», et échappant ainsi à la nécessité de s'acquitter des montants dus.

Contre-projet trop faible
Dans ce contexte, le syndicat soutient l'initiative Dolivo, qui exige que les entreprises sous-traitant le travail à de petites structures assument leurs éventuels manquements financiers. Un garde-fou qui préviendrait également du recours aux faillites intempestives. Parallèlement, il réclame un permis de séjour pour les sans-papiers, «sans qui aucun chantier ne tournerait dans le canton» et l'interdiction de la sous-traitance en cascade. Seule cette dernière requête a été reprise par le contre-projet du gouvernement vaudois à l'initiative de Michel Dolivo. Mais pour Unia, celui-ci ne va pas assez loin. «Le Conseil d'Etat a donné un préavis négatif à l'initiative Dolivo, estimant qu'il ressort de la compétence de la Confédération de légiférer en la matière... Mais l'interdiction de la sous-traitance en cascade ne suffit pas.» Pour Pietro Carobbio et Maurizio Colella, la proposition de M. Dolivo devrait même, dans un deuxième temps, être étendue des marchés publics aux privés. L'objet devrait être soumis aux députés le 28 juin prochain. 


Sonya Mermoud