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Grand-messe indigne

Dans moins de six mois, le coup d’envoi de la prochaine Coupe du monde de football sera lancé au Qatar. Un Mondial inédit. Un Mondial de la démesure. Un Mondial qui n’a pas fini de créer la polémique. On ne compte plus les incohérences et absurdités: déplacer le rendez-vous sportif au mois de décembre pour échapper aux chaleurs de juin, climatiser tous azimuts les stades ou encore accorder l’événement à cet émirat qui ne s’est jamais distingué pour sa tradition ou ses exploits footballistiques. Bref, l’échéance approche, et les autorités qatariennes, qui attendent plus d’un million de visiteurs, sont prêtes à en mettre plein les yeux au monde entier. Ici et ailleurs, comme toujours, la Coupe du monde rassemblera un large public, dans les tribunes et derrière les écrans de télévision. Le foot, c’est fédérateur, ça rallie les troupes derrière un pays, ça crée une cohésion. Ce sont des instants joyeux, parfois décevants, mais souvent festifs que l’on partage avec sa famille et ses amis.

Cette année, ils seront au moins 6500 à ne pas pouvoir suivre les matchs. Je parle des travailleurs migrants morts sur les chantiers de la Coupe du monde au Qatar. L’estimation donnée par The Guardian n’est qu’une fourchette basse. Sans oublier les accidents du travail, les salaires impayés ou mal payés, le temps de repos non respecté ou encore les conditions de travail et de logement désastreuses. Un scandale dont on parle trop peu, face à l’euphorie du tournoi à venir. C’est sûr que c’est beaucoup moins reluisant. Mais c’est la réalité de cette Coupe du monde, qui pourra se tenir uniquement grâce au travail forcené de milliers de travailleurs migrants qui ont mené à bien des chantiers pharaoniques, quitte à y laisser leur vie.

Amnesty et d’autres organisations, dont l’IBB (Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois), qui tirent la sonnette d’alarme depuis des années sur la violation des droits humains sur ces chantiers, n’ont pas dit leur dernier mot. Dans un nouveau rapport, l’ONG demande que les personnes dont les droits fondamentaux ont été bafoués, ou leur famille, obtiennent réparation. Alors que la FIFA prévoit de distribuer 440 millions de dollars de primes aux 32 équipes, ces organisations exigent, dans une lettre à son président, qu’au moins la même somme soit allouée pour indemniser les ouvriers exploités et prévenir les abus futurs. Une façon de réparer le mal commis et d’empêcher que les violations se répètent à l’avenir, en collaboration avec les autorités du Qatar et avec la participation des ouvriers, des syndicats et de l’OIT. Car, en fermant les yeux sur les abus dénoncés pendant plus de dix ans et ne faisant rien pour que les choses changent, la FIFA s’est rendue complice. Et elle doit maintenant assumer ses responsabilités. Tout comme les joueurs. Dans une lettre ouverte aux Bleus, Amnesty International interpelle nos voisins français, tenants du titre, en leur demandant d’exprimer publiquement leur solidarité envers ceux qui paient le prix fort de cette compétition et ceux qui continuent de vivre un cauchemar. «Il est encore temps de ramener la Coupe à la raison», ose Amnesty International...