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Femme, mariée et avec enfants: la triple peine salariale

Deux femmes promènent une poussette à Lausanne
© Olivier Vogelsang

En 2022, dans le secteur public comme privé, les femmes mariées ont gagné 16% de moins que les hommes mariés. L’écart salarial s’élève même à 21%, soit environ 1800 francs brut par mois, quand ces couples ont des enfants.

Selon un récent rapport, les mères gagnent jusqu’à 21% de moins que les pères. Pour y remédier, Unia appelle à améliorer la politique familiale suisse, mais aussi au juste partage des tâches au sein des foyers.

En réponse à une demande du Parlement, le Conseil fédéral a adopté le 27 août le rapport sur l’analyse de l’écart salarial entre hommes et femmes en fonction de l’état civil, de la parentalité et de l’âge. Aude Spang, secrétaire nationale à l’égalité du syndicat Unia, décortique ces données et analyse les enjeux. 

 

Quels sont les résultats centraux présentés dans ce document?

Selon le rapport du Conseil fédéral, l’état civil, le taux d’occupation et l’âge, mais surtout le fait d’être parent ou non, ont un impact parfois très fort sur le salaire. En 2022, tant dans le secteur public que privé, les femmes mariées ont gagné 16% de moins que les hommes mariés. L’écart salarial monte même à 21%, soit environ 1800 francs brut par mois, quand ces couples ont des enfants! Les différences sont bien moindres chez les célibataires, où les femmes sans enfant touchent 1,9% de moins que les hommes dans la même situation. On peut également voir que plus le taux d’occupation augmente ou plus les positions professionnelles sont élevées, plus l’écart s’accroît. Il se creuse également avec l’âge, les inégalités étant plus élevées pour les femmes mariées plus âgées. 

 

Ce rapport met clairement en lumière le phénomène qu’on appelle la pénalité de maternité. De quoi s’agit-il?

En Suisse comme dans les autres pays riches, le mariage et la maternité augmentent les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, et constituent le principal facteur explicatif de celles-ci. Cette «pénalité de maternité» (motherhood penalty, en anglais) est un effet connu, nous pouvons maintenant l’associer à des chiffres précis pour notre pays. Lorsqu’une travailleuse devient mère, c’est très souvent encore elle qui, des deux parents, va baisser son temps de travail afin de s’occuper des enfants. Cela a bien sûr un impact sur ses revenus, mais aussi sur ses perspectives de carrière. 

Il ne s’agit pas d’abord ou seulement d’un choix personnel ou familial, mais d’autres raisons jouent également un rôle. La Suisse est une extrêmement mauvaise élève en matière de politique familiale et de conciliation entre vie professionnelle et vie privée. On pense par exemple à la durée des congés parentaux ou à l’inaccessibilité des places d’accueil pour les enfants. Mais il y a également un problème profond au niveau de la société. Selon une enquête de l’Office fédéral de la statistique de juin dernier, les femmes effectuent 60% du travail non rémunéré. Il n’y a qu’en soulageant vraiment les femmes de ce travail qu’on peut résoudre la situation. 

 

Quelles sont les mesures qui pourraient venir à bout de ces inégalités?

C’est tout à fait positif que le Conseil fédéral intègre désormais ces statistiques plus approfondies dans les études salariales. En effet, cette pénalité de maternité s’accompagne d’un risque accru de pauvreté, avec des bas salaires durant la vie active, mais aussi de faibles rentes une fois à la retraite. Il est important de le mesurer et de le mettre en lumière systématiquement. Toutefois, il va falloir faire bien plus et faire évoluer à la fois les normes de genre, mais également les conditions de travail et le cadre légal.

Si on veut atteindre l’égalité, il est indispensable que les hommes commencent à prendre en charge la moitié du travail domestique et de soins, mais également de la charge mentale familiale. Les patrons ont évidemment un rôle à jouer. Le monde du travail voit encore trop souvent les mères comme un poids et un problème plutôt que comme des personnes pleines de ressources et de compétences. Il est temps qu’ils leur fassent plus confiance et les traitent plus justement, tout en autorisant les pères à bénéficier du congé paternité et en leur permettant les mêmes arrangements au quotidien qui sont plus facilement autorisés aux mères. 

Il faut aussi urgemment améliorer la conciliation entre travail et vie privée. Développer l’accueil des enfants en tant que service public est indispensable, avec suffisamment de places de crèche et de services d’accueil extrafamilial dans tout le pays, à des prix accessibles pour toutes les familles. Nous avons encore l’un des congés maternité les plus courts d’Europe, et le congé pour l’autre parent, de deux semaines, est simplement ridicule. Il faut améliorer et rallonger le congé maternité, y compris en protégeant les femmes au chômage, et il faut enfin introduire un congé parental de durée conséquente! Une autre revendication importante est la meilleure prévisibilité des horaires de travail et de communiquer les plannings longtemps à l’avance, afin de pouvoir faciliter l’organisation familiale. 

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