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Entre usine et alpage...

Meilleur recruteur d'Unia, Stéphane Nicolin passe de l'usine aux pâturages, guidé par son humanité et son bon sens

Le travail en équipes, à l'usine et... à la maison! Stéphane Nicolin y est familier. Lorsqu'il ne travaille pas sur le site chimique de Monthey, il s'occupe de ses onze vaches allaitantes, qui paissent avec leurs veaux sur les hauteurs, dans les pâturages de Mex. L'hiver, lorsqu'il est à l'usine à l'heure de gouverner, c'est sa femme qui prend le relais à l'écurie. Ouvrier, paysan, Stéphane Nicolin vit entre plaine et montagne, entre usine et nature, sur la route qui relie St-Maurice à Mex, la plus petite commune du Valais, accrochée aux contreforts des Dents-du-Midi. Ce Vaudois, né à Morcles, là-bas, juste en face, est fier d'avoir passé le Rhône pour rejoindre la patrie de son épouse. Une patrie dont il est intimement lié. Il a par exemple siégé 6 ans au législatif à la commune de St-Maurice puis 10 ans à l'exécutif de Mex, il a été entraîneur pour les juniors au foot et s'est activé pour le lancement de l'association Four Al'pin de Mex, un four banal remis en activité.
A 48 ans, ce jeune grand-papa d'une petite Laura, père de deux filles et d'un fils, peut se targuer d'une vie déjà bien remplie, même s'il ne s'en vante pas. Avant de reprendre en 1997 le domaine de ses beaux-parents, il était déjà un actif militant syndical, à la FTMH, puis au SIB. Et aujourd'hui, il compte parmi les meilleurs recruteurs d'Unia!  Son engagement date de son entrée à la Ciba - il y a bientôt un quart de siècle - comme ouvrier de production dans le département des poudres. «J'ai une formation de cuisinier, puis j'ai travaillé sur les chantiers. En 1985, je me suis marié, je suis entré sur le site chimique et je me suis syndiqué!» explique-t-il en riant. Il avait 24 ans, âge minimum pour postuler. S'il a adhéré au syndicat, c'est «parce que c'est là que l'on a des réponses sur les droits des ouvriers et sur ce que les patrons ont droit de faire avec eux. Et parce que c'est un moyen de se défendre, personnellement ou collectivement, et de défendre les acquis.»

Représentant du personnel
En 1997, après la fusion de Ciba et de Sandoz, le site éclate en trois entreprises. Il faut créer de toutes pièces trois commissions du personnel. Stéphane Nicolin s'engage dans la commission de Novartis, qui deviendra Syngenta, et en prend la présidence. «C'était très abrupt, et nouveau pour tout le monde. Grâce à Movendo, j'ai pu me former à mes nouvelles tâches.» Des tâches qui l'occuperont vite à 90% au lieu des 25% prévus. «J'étais aussi membre de la commission d'entreprise suisse de Syngenta, du bureau du comité européen, et de diverses commissions syndicales...»
En 2004 c'est le clash. Les négociations de la CCT se passent mal, la direction refuse d'introduire la contribution de solidarité que réclame le syndicat. «Ils nous disaient que le personnel n'en voulait pas. Alors, la commission syndicale a passé dans l'ensemble des bâtiments pour poser la question à tout le personnel concerné: 70 à 75% des ouvriers étaient favorables. Malgré cela, la direction est restée inflexible. La chimie bâloise était derrière... La commission a démissionné en bloc.»
Cette année-là, Stéphane Nicolin a l'opportunité de changer de poste, d'entrer dans la chimie pure, le secteur de la synthèse, le plus gros département de Syngenta, où sont développés les nouveaux produits: fongicides, insecticides ou herbicides. Un emploi où «le travail se fait plus dans la tête que dans les bras», dit-il.

Sans syndicat, pas de CCT!
Son mandat terminé, il s'engage à la constitution d'une commission syndicale au sein de l'entreprise. Un engagement qui commence à porter ses fruits. Notamment avec les bons résultats obtenus l'année dernière lors du renouvellement de la CCT. «Nous avons 30% du personnel syndiqué. Avec 10%, nous n'aurions jamais pu avoir de telles avancées. C'est cela que j'essaie d'expliquer aux gens pour qu'ils se syndiquent. Je leur dis pourquoi cela vaut la peine de payer 1 franc par jour pour le syndicat. Je leur montre où on en était avant, où on est arrivé, par exemple avec les primes d'équipe qui sont passées de 1200 à 1730 francs. Les gens réfléchissent autrement. Il faut aussi bien expliquer les rôles respectifs de la commission et du syndicat. La commission est là pour faire appliquer le contrat collectif. Le syndicat pour négocier son contenu. Et sans syndiqués, il n'y a pas de syndicat et pas de CCT! Les gens doivent le savoir. Si personne ne le dit, il n'y a pas d'adhésion, si quelqu'un le dit, il y a des adhésions!»

Une autre dimension...
En avril dernier, Stéphane Nicolin s'est représenté aux élections de la commission du personnel. Il a obtenu le meilleur score. Mais s'est retiré peu après car un autre collègue de son secteur avait aussi été élu. «Certains ont été déçus de mon retrait. Ils ne connaissaient hélas pas la règle fixée au départ. Nous avions décidé qu'il fallait une large représentation des différents secteurs. J'ai écrit à tous mes collègues pour le leur expliquer».
Après les aléas de sa vie d'ouvrier, Stéphane Nicolin vient se ressourcer dans son pâturage des Praz, où il monte chaque jour voir ses bêtes. Il avoue que son métier de paysan ne lui rapporte guère face au boulot qu'il demande. «Mais quand tu quittes l'usine ou une commission de la chimie et que tu arrives ici, c'est une autre dimension, ça remet l'église au milieu du village!»

Sylviane Herranz