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Augmenter les salaires : une nécessité

Une étude d'Unia sur la situation de l'industrie des machines démontre que le gel des salaires est une aberration économique

La croisade d'une partie du patronat contre la hausse des salaires est non seulement injuste du point de vue de l'équité sociale mais également contre-productive pour l'ensemble de l'économie. Un rapport analytique d'Unia adopté par les délégués de l'industrie des machines en fait la démonstration.

Les rémunérations des actionnaires et les bonus reprennent des proportions indécentes et les acteurs de la finance spéculative accumulent à nouveau des fortunes colossales alors que la facture de la crise qu'ils ont provoquée reste à la charge des Etats. En parallèle, les bénéfices de la majorité des entreprises suisses sont en nette augmentation. En clair, rien ne devrait s'opposer à des augmentations substantielles des salaires. Or, depuis l'automne 2010, les milieux patronaux freinent des quatre fers, exhortant les travailleurs à se serrer la ceinture, au prétexte que la hausse des salaires pénaliserait la compétitivité des entreprises, face à la concurrence internationale. Pour justifier ce credo, ils évoquent en priorité la cherté du franc et les coûts élevés de la main-d'œuvre en Suisse.

Injuste et absurde
Que valent ces arguments? Rien, sinon qu'ils servent à masquer de manière commode la propension de l'actionnariat à s'attribuer la grosse part du gâteau en ne laissant aux travailleurs que des miettes. C'est ce que démontre en détail une analyse tirée d'un volumineux rapport d'Unia sur le bilan et les perspectives de l'industrie des machines, des équipements électriques et des métaux (MEM). Un rapport adopté le mois dernier à Berne par la Conférence des délégués syndicaux de la branche. On y lit que l'opposition aux hausses de salaire est non seulement injuste, mais qu'elle est également «absurde» d'un point de vue strictement économique. «Une attitude économiquement responsable consisterait à accorder dès maintenant des hausses de salaire élevées.» Motif? «Au cours des 30 dernières années, la productivité a fortement augmenté dans l'industrie. Le recul du coût salarial unitaire en atteste. La valeur ajoutée brute par personne a progressé alors que les salaires ont stagné au cours de ces deux dernières décennies.» Le salaire moyen officiel est trompeur car sa progression s'explique par la hausse importante des rémunérations des cadres supérieurs. Il est donc impératif de relever les salaires.

Salaires et économie stagnent
Bénéfices en hausse et salaires gelés? Quel est le lien entre ces deux données? «C'est bien simple: seul le travail crée de la valeur. Jusqu'à la fin des années 1980, les hausses de salaire et la réduction du temps de travail constituent les deux formes classiques de redistribution des gains de productivité.» Or, «dans le monde capitaliste, le partage des gains de productivité est non seulement judicieux mais nécessaire. Si les salaires restent à la traîne de la productivité, le pouvoir d'achat disponible diminue et du même coup, les débouchés pour les produits. Car là où la demande n'augmente pas, les détenteurs du capital renoncent à investir. Et faute d'investissements, l'économie stagne. C'est précisément ce qui s'est produit au cours des deux dernières décennies. Les actionnaires ont gardé pour eux la quasi-totalité des gains de productivité. Ils ont ainsi accumulé des bénéfices et des excédents monétaires gigantesques. Et comme ces excédents ne trouvaient pas de placements rentables dans la production, ils ont inondé les marchés financiers de fonds spéculatifs. Pour simplifier, l'austérité salariale imposée aux travailleurs a été l'une des causes de la crise financière et de la crise mondiale d'après 2007.»

Nécessaires augmentations
Pendant qu'une grande partie de la production de masse a été délocalisée en Asie ou en Europe orientale, l'industrie helvétique s'est concentrée sur des produits de haute technologie, à forte valeur ajoutée. «Entre 1980 et 1989, la valeur ajoutée brute par travailleur de l'industrie des machines a progressé de 18%, puis de 42% entre 1989 et 1997», année où elle franchit la barre des 100000 francs par travailleur. «Ceci montre que la production industrielle en Suisse peut être très rentable. Une étude réalisée en 2005 par l'institut de recherches conjoncturelles BAK Basel le prouve: en Suisse, les coûts salariaux unitaires de l'industrie MEM sont légèrement supérieurs à ceux des pays d'Europe centrale et orientale. En définitive, seule l'industrie des machines tchèque produisait à meilleur compte en 2005.» En clair, le sempiternel argument selon lequel le coût des salaires serait trop élevé en Suisse ne tient pas la route.


Pierre Noverraz


 

La spéculation s'invite dans les usines
Depuis le début des années 2000, les spéculateurs financiers ont commencé à investir l'industrie des MEM, par le biais des hedge funds et du leverage buy out (fonds et instruments spéculatifs). Particularité? Ils ne suivent plus la logique de la rentabilité durable de leur capital ni même celle d'un accroissement de bénéfices à moyen terme. «Ces capitalistes de casino procèdent à un rapide pillage de la substance industrielle créée au fil des générations, au mépris parfois des intérêts des actionnaires traditionnels (shareholders)», lit-on dans le rapport d'Unia sur l'industrie MEM. «Au bout du compte, il ne reste que des ruines industrielles et de nombreux emplois anéantis. Une grande partie des entreprises MEM ont subi, ces dernières années, les attaques du capitalisme financier: OC Oerlikon, Saurer, Sulzer, Swissmetal et bien d'autres encore.»
La politique ultralibérale de maximisation des profits s'est accompagnée de nombreuses restructurations et délocalisations. «A la fin 2008, 38% des quelque 581000 employés des entreprises MEM suisses travaillaient à l'étranger alors qu'au même moment, les entreprises tant indigènes qu'étrangères de l'industrie MEM, (horlogerie comprise) employaient près de 340000 personnes en Suisse.» 


PN