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Au chantier de la Mandchourie à Delémont

Le respect des conventions collectives n'est pas assuré sur le chantier alerte Unia

Construit par la Caisse de pensions du canton du Jura, le futur bâtiment de la route de la Mandchourie à Delémont doit accueillir une crèche et la Régie fédérale des alcools. Des travaux ont été confiés à des entreprises extérieures au canton sans s'assurer de leur respect des CCT.

Non, pour Unia, tout ne va pas si bien que cela sur le chantier de la Mandchourie. Début mai, Le Quotidien Jurassien avait révélé que plusieurs mandats de ce chantier de la route de la Mandchourie à Delémont étaient confiés à des sociétés extérieures au canton et que des ouvriers détachés polonais étaient attendus pour y travailler. Le futur bâtiment doit notamment accueillir une crèche de la ville et la Régie fédérale des alcools. La Caisse de pensions du canton du Jura est le maître d'œuvre de ce projet réalisé par l'entreprise générale Losinger Marazzi dans le cadre d'un partenariat public-privé. Sous le feu des projecteurs, Losinger avait renoncé à faire venir ces travailleurs polonais et assuré que pour le reste tout est en ordre.
Ce n'est pas l'avis d'Unia, qui estime que le respect des conventions collectives de travail (CCT) n'est pas assuré. Pour certains salariés, le champ d'application des CCT n'est en effet pas clairement défini. Pratiquement aucune attestation de conformité des commissions paritaires n'a été fournie par les entreprises. La chaîne de sous-traitance est telle que l'entreprise générale a moins de travailleurs sur le site que les sociétés sous-traitantes. Et certains travaux sont réalisés par des ouvriers non qualifiés et donc moins bien payés.

Dumping sur les qualifications
«Sur dix ouvriers rencontrés, aucun n'a de CFC», indique François-Xavier Migy. Le responsable du secteur artisanat d'Unia Transjurane y voit là un «dumping sur la non-reconnaissance des diplômes et des qualifications». «Pour les travaux de plâtrerie, de peinture, d'isolation et de pose de stores, aucune des cinq entreprises actives n'est jurassienne. Pourquoi des sociétés de Zurich, Bâle et Berne emportent le marché alors que les salaires sont moins élevés dans le Jura? Et comment peuvent-elles mener à bien ces travaux sans personnel qualifié? Soit elles font de la très mauvaise qualité, soit elles ne reconnaissent pas les qualifications à leur juste valeur. On se demande pourquoi les entreprises jurassiennes devraient continuer à former des ouvriers!» Le secrétaire syndical a aussi constaté que les trois ouvriers polonais qui crépissaient les murs en mai sont toujours présents sur le site. «Ils résident en Allemagne et travaillent 60 heures par semaine avec sept jours de congé toutes les trois semaines.»
Le directeur de la Caisse de pensions du Jura a pourtant assuré au Quotidien Jurassien que le Service de l'économie et de l'emploi (SEE) avait procédé à un contrôle le 11 mai: «Tout était conforme, il n'y a pas le moindre dumping salarial.» «C'est faux», conteste François-Xavier Migy. «D'abord, si le SEE a bien offert une aide, c'est tout de même l'inspecteur du travail de l'Association interprofessionnelle des commissions paritaires du canton du Jura qui a effectué le contrôle. Ensuite, si nous n'avons pas découvert de gens au noir, nous attendons, avant de délivrer nos conclusions, le retour des commissions paritaires des cantons où ces sociétés ont leur siège, ainsi que les documents prouvant qu'elles se conforment aux CCT.»

Besoin de règles
«Le problème dans ce dossier et dans les marchés publics en général est la pression sur les prix. Il n'y a plus d'éthique, c'est le meilleur marché qui l'emporte, le reste on s'en tape. Le maître d'œuvre n'a demandé aucune attestation de conformité aux commissions paritaires, il n'y a eu aucun contrôle avant l'adjudication des travaux. C'est un comble pour une institution financée par les cotisations paritaires et par les contribuables», souligne François-Xavier Migy, qui relève également que le statut de partenariat public-privé est un mauvais prétexte pour ne pas se soumettre à la Loi sur les marchés publics. «Cette situation ne peut plus durer, elle crée les conditions d'une concurrence déloyale et met en danger les conditions de travail. Il faut que tous les chantiers publics et parapublics soient soumis à des règles, et les attestations paritaires sont le seul moyen d'effectuer un contrôle en amont.»

Jérôme Béguin