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100 marathons au pied des sommets himalayens

Le menuisier Vincent Scheidegger a relié en 100 jours 14 camps de base de l'himalaya. Un exploit au profit d'un hôpital népalais

Le jeune menuisier de Saint-Imier, Vincent Scheidegger, a enchaîné l'équivalent de 100 marathons pour relier les quatorze camps de base des plus hauts sommets de l'Himalaya. Cet exploit lui a permis de verser 120000 francs à un hôpital de montagne au Népal, grâce à un système de parrainage lié à son parcours.

Dans la menuiserie où il travaille à Saint-Imier, il a retrouvé les gestes quotidiens de son métier. Et il pense parfois aux rencontres qu'il a fait avec ses homologues pakistanais, népalais ou indiens. «Je ne manquais jamais de pousser la porte des ateliers que je trouvais le long de mon chemin et j'ai chaque fois vérifié le lien professionnel et confraternel qui nous unit par-delà les frontières.» Cela fait quatre mois que Vincent Scheidegger est de retour chez lui. Ce menuisier de 36 ans a réalisé un exploit hors du commun en reliant en cent jours de marche les quatorze camps de base des sommets les plus élevés de la chaîne himalayenne. Un formidable défi humain qu'il a relevé au profit d'un petit hôpital népalais, à Lukla, dans la région de l'Everest.

Le virus des grands espaces
Le périple du jeune imérien a commencé l'été dernier au Pakistan, avec la traversée du glacier de Baltoro. Une entrée en matière terriblement éprouvante. «C'est un terrain accidenté, un véritable casse-pattes, un glacier sans fin.» Des difficultés auxquelles venaient encore s'ajouter une météo des plus hostiles. «Les températures passaient parfois de -12 degrés le matin à +42 degrés l'après-midi; dans de telles conditions, à plus de 5000 mètres d'altitude, la tête cogne, il faut s'accrocher.» Pourtant, Vincent Scheidegger n'a rien d'un masochiste. S'il a accepté de subir les morsures du froid, les brûlures du soleil, les cloques aux pieds, c'est tout simplement parce qu'il s'agissait du prix à payer pour réaliser l'aventure de ses rêves. «J'ai le goût du dépassement de soi, la passion de l'aventure humaine, une fascination pour la beauté sauvage de l'Himalaya et des grands espaces.» Mais pour réussir un tel pari, il faut nécessairement passer par une gestion parcimonieuse de l'effort. «Je veillais à ne pas exagérer, à être constamment à l'écoute de mon corps.» Et côté nourriture, le jeune menuisier s'est accommodé de repas locaux, une nourriture très simple qu'il complétait parfois avec des vitamines et des aliments énergétiques, histoire de tenir le choc...

Embuscade
Parti du Pakistan, le menuisier a rejoint l'Inde puis le Népal, en passant par la région tibétaine du Ladakh, à l'extrême nord du Cachemire. Tout au long de son voyage de plus de 3300 kilomètres, il a franchi des cols à plus de 5000 mètres, arpenté des glaciers géants, avalé des dénivelés vertigineux et sillonné des hauts plateaux balayés par les vents. Sa marche «forcée» a connu quelques parenthèses plus douces lorsque ses pas l'ont mené dans des vallées et des villages de montagne où il a fait des rencontres chaleureuses. Il a par exemple été invité à partager la vie d'une famille paysanne qui l'a hébergé dans une modeste demeure où le combustible alimentant le four était constitué de bouses séchées. «Ces gens nous apprennent ce que signifient l'hospitalité, le sens de l'échange et de l'ouverture aux autres.»
Vincent Scheidegger souligne que les contacts qu'il a eus avec les populations ont quasi toujours été agréables, si ce n'est, au nord du Pakistan, «la difficulté de supporter la fuite du regard des femmes et des filles derrière leur voile».
Le marcheur de l'impossible n'a jamais connu de problème de sécurité si ce n'est un seul incident, mais pas des moindres. «C'était à l'entrée du hameau de Linding, au Népal. Des brigands qui se prétendaient rebelles maoïstes m'ont coincé. Ils m'ont sommé de leur remettre une «donation» pour leur cause. Leurs fusils étaient vieux mais j'ai préféré me fendre de 50 dollars que de tester s'ils étaient encore en état de fonctionner!»

Donation à un hôpital de montagne
Les 100 jours de marathon se sont achevés à Lukla, non loin du camp de base de l'Everest. Vincent Scheidegger y a été fêté par toute l'équipe du petit hôpital local fondé il y a cinq ans par la célèbre alpiniste suisse Nicole Niquille. Le jeune menuisier avait en effet récolté une somme de 120000 francs en faveur de cet établissement, grâce à un système de parrainage lié à son exploit. A noter que cet hôpital de montagne destiné aux populations de la région a déjà accueilli et soigné plus de 13000 patients depuis sa création.
En matière de défis, Vincent Scheidegger est un récidiviste irréductible. En dix ans, il a accroché à son «tableau de marche» l'ultramarathon du pays Dogon au Mali, le Siberian Marathon en Russie, une traversée himalayenne entre Lhassa et Katmandou à quoi s'ajoutent encore une marche entre l'Adriatique et la Méditerranée ainsi que plusieurs courses et marathons alpins.
La suite? Pour l'instant, le sportif ne nourrit pas de nouveaux projets. «J'ai besoin de m'arrêter pour vivre pleinement avec ma famille qui m'a beaucoup manqué pendant mon aventure.» Sa femme Anita et son fils Mattia, 3 ans et demi, apprécient le repos du marathonien.


Pierre Noverraz