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En remontant le fil de sa passion

tisserande
© Olivier Vogelsang

Orlane Favre affirme ressentir de l’apaisement en tissant.

Tisserande, Orlane Favre aime la douceur et la chaleur rassurantes des textiles. Incursion dans son atelier, à la découverte d’une pratique faisant l’éloge de la lenteur.

Arrivée au cœur d’un décor naturel enchanteur. Orlane Favre a aménagé son atelier dans la jolie maison qu’elle occupe avec son mari et leur enfant de 2 ans. Une habitation aux grandes baies vitrées, située à La Sarraz, dans un écrin de verdure. Et, en sous-sol, un espace consacré à sa passion où perce aussi la lumière du jour à travers deux fenêtres oblongues. Dans ce lieu accueillant, entourés de caisses de bobines bien rangées trônent sept métiers à tisser de tailles différentes. Une partie sert à l’enseignement de la pratique, l’autre aux créations de la jeune maman de 29 ans: des réalisations comprenant des écharpes, des fourres pour coussins, des étuis, des couvertures, etc., qui se déclinent toutes dans des tons doux et sobres. «Je n’aime pas les couleurs criantes», confie la tisserande, vêtue d’habits aux teintes discrètes, qui dit ressentir de l’apaisement en tissant. «Pieds et mains sont occupés, je suis alors tout à mon ouvrage, mais mon esprit peut quand même gambader de manière légère», affirme Orlane Favre tout en soulignant la lenteur liée à l’activité. «Il s’agit de s’adapter au rythme de la matière. La tâche nécessite beaucoup de patience, de méticulosité dans la préparation avant le tissage proprement dit et d’un bon esprit logique.»

De quoi perdre son latin...

Aux commandes d’un métier à tisser, Orlane Favre se lance dans une démonstration et explique les bases de son artisanat et le fonctionnement de sa machine. Une présentation truffée de termes spécifiques entre ourdissage, mise sur le vautoir, enroulage sur l’ensouple, cadre, enfilage en lisses, dans les dents du peigne... De quoi perdre son latin et le fil de la conversation. On retiendra surtout la longue installation précédant le tissage en lui-même et après avoir décidé de l’usage du textile, de son tombé, des gammes de couleurs et d’ombres, des motifs envisagés. «L’activité comporte un vocabulaire propre qui peut varier en fonction des régions, du folklore. Cet aspect me plaît aussi», poursuit la tisserande, consciente de nous avoir perdus, tout en faisant danser une navette de bois entre les fils de chaîne levés ou baissés, dans le bruit cadencé du jeu des manettes ou des pédales. «La régularité joue un rôle capital dans la beauté du tissu. D’une fois à l’autre, à chaque reprise du travail, il faut se souvenir avec quelle force on a battu le fil», ajoute la Vaudoise, œuvrant à la création d’une écharpe en soie. 

Cours prisés

Orlane Favre utilise aussi, selon l’ouvrage, du coton, de la laine, y compris d’alpaga, et du lin. Un dernier matériau avec lequel elle entretient un rapport d’«amour-haine». «J’aime sa brillance, sa couleur, mais il est un peu capricieux. Il peut se casser et de potentielles tensions imparfaites de la fibre se remarquent.» Dans un autre registre, l’artisane explore aujourd’hui le tissage de fils métalliques, désireuse d’élargir la palette de ses créations en sortant aussi des articles utilitaires. «Je collabore avec une illustratrice. Nous faisons des tests avec des pigments. J’apprécie d’expérimenter de nouvelles techniques», précise la manuelle, montrant un échantillon de ce travail aux jolies nuances de bleu. Et prenant plaisir à poursuivre plusieurs projets de front. Parallèlement, elle donne encore des cours qui rencontrent un franc succès. De quoi remettre en question l’image un peu vieillotte que le tissage pourrait donner. «Cette pratique connaît un regain d’intérêt. En France notamment, l’art textile est en plein explosion. Et le tissage se modernise, tout comme le tricot», affirme l’artisane, précisant ressentir aussi le besoin de transmettre et d’échanger.

Un véritable coup de cœur

Rien ne prédestinait Orlane Favre à devenir tisserande. Etudiante naturellement douée, la Vaudoise effectue un bachelor en français moderne et philosophie à l’Université de Lausanne. Mais confie avoir été malheureuse durant son cursus. «La matière m’intéressait, mais pas la manière de l’appréhender. Cependant, en raison de ma facilité, à chaque fois que je tentais de quitter la voie des études, j’étais ramenée sur le chemin par mes professeurs.» A 19 ans, l’universitaire rencontre celui qui deviendra son futur mari et qui commencera par travailler dans l’horlogerie de luxe, comme dessinateur. Une approche professionnelle créative qui lui plaît. «Je me suis dans la foulée intéressée aux Ateliers d’art de France consacrés aux métiers d’art. Ceux-ci organisent chaque deux ans un concours entre créateurs. C’est dans ce contexte que j’ai découvert une tisserande lauréate. Un véritable coup de cœur.» Ce qui l’a séduit? Le travail manuel, la matière – Orlane Favre insiste sur la douceur, la chaleur rassurantes des textiles – le métier à tisser, «cette machine à la mécanique mystérieuse». A 21 ans, cette femme, têtue et réservée comme elle se qualifie elle-même, décide alors de se lancer dans l’aventure. Et entame une formation dans une école de tissage privée à Lausanne. Elle ne pourra toutefois la terminer en raison de la fermeture de l’établissement. Qu’importe, après trois ans de cours, l’apprentie dispose d’un bon bagage de départ et étoffe ses connaissances en autodidacte, en développant ses collections. Et tout en sachant que «chaque matière dicte ses règles». Pas de quoi donner de fil à retordre à l’inventive et passionnée tisserande qui a clairement intégré la pratique dans la trame de sa vie... 

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