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La solidarité fiscale ne fait plus recette

A l'ère du néolibéralisme effréné, le principe d’entraide, qui est au fondement de la société, est sévèrement mis à mal. Les écarts se creusent, les riches le sont de plus en plus, jusqu’à l’indécence, alors qu'une part croissante de la population peine à joindre les deux bouts. Ces temps-ci, cette injustice a régulièrement remis la question du partage des richesses à la une de l'actualité. La problématique peut se poser sous l’angle d’une répartition plus équitable des bénéfices des entreprises, via des augmentations salariales telles que réclamées – entre autres revendications – par les maçons ayant fait grève dans toute la Suisse, de même que par l’initiative pour un salaire minimum, sur laquelle le canton de Fribourg vote ce 30 novembre. Elle se pose aussi, en filigrane, dans les mouvements de grève de la fonction publique. Car les coupes budgétaires les ayant déclenchés visent à combler des déficits financiers qui sont en bonne partie le résultat de baisses d'impôts, notamment de cadeaux fiscaux accordés aux classes aisées et aux multinationales. Or, quand les autorités sabrent dans le service public – dans la santé, le social ou l'éducation – pour compenser la perte de ces recettes, ce sont avant tout les classes populaires qui en font les frais.

En schématisant à peine, cela revient à prendre aux pauvres pour donner aux riches. Autrement dit, c’est de la redistribution des richesses à l’envers! Cette problématique n'est pas propre à la Suisse. Elle a aussi fait débat récemment en France, avec la taxe Zucman sur les grandes fortunes, finalement rejetée par l’Assemblée nationale. L'initiative pour l'avenir, sur laquelle la population suisse vote ce 30 novembre, semble, hélas, n’avoir elle aussi que de maigres chances de succès. Il s’agit là encore d’une question de justice sociale et fiscale, puisque l’impôt sur les successions de plus de 50 millions de francs que préconise l’initiative servirait à réduire nos émissions de CO2. En termes de bilan carbone, le train de vie des plus fortunés pèse en effet bien plus lourd que celui des personnes à bas revenus, alors que celles-ci sont les premières à subir les conséquences du changement climatique, en particulier sur leur lieu de travail.

Les opposants à ce texte brandissent le même argument qu’à chaque hausse d’impôts, celui d’une fuite éventuelle des gros contribuables. Pourtant, en exemptant de taxe les premiers 50 millions de succession, on ne peut vraiment pas dire que ce soit confiscatoire et qu'on va laisser les héritiers concernés sur la paille. Il faut en finir avec le mythe du self-made man et rappeler qu’on devient rarement riche à la seule force de ses bras. De nos jours, justement, cela arrive dans la plupart des cas à la suite d’un héritage, sans que les heureux élus aient à lever le petit doigt. Quant à ceux qui ont du succès en affaires, ce n’est possible que grâce à tout un écosystème social, politique et économique qui leur permet de bénéficier de conditions-cadres favorables et de disposer de la main-d'œuvre nécessaire. Laquelle n’a bien souvent pour seule richesse que sa force de travail. Alors demander un effort de solidarité supplémentaire aux plus grosses fortunes n’est qu’un juste retour des choses. Même en cas d’échec le 30 novembre, ce sujet reviendra tôt ou tard sur le tapis.