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Une seconde chance pour la faune blessée

La vétérinaire soigne une alouette
© Thierry Porchet

La vétérinaire Mélanie Lacombe ausculte la plaie d'une alouette des champs. A ses côtés, Marine Bally, responsable du centre de soins, est venue lui prêter main forte au besoin. 

Maillon dans la chaîne de la préservation de la biodiversité, le centre de soins de la faune sauvage Erminea vient de déménager dans de nouveaux locaux pour faire face à un afflux croissant d’animaux. Un nouveau souffle pour l’association. Reportage.

Erminea fait peau neuve. Quittant des locaux étriqués et rongés par la moisissure, le centre de soins de la faune sauvage situé dans la campagne de Chavornay, en terre vaudoise, vient de prendre ses quartiers dans un bâtiment voisin. Un déménagement indispensable pour assurer la pérennité de l’association qui, depuis sa création en 2018, a pris en charge un nombre croissant d’animaux. «Nous sommes passés de quelque 500 individus par an à son ouverture à 3000 annuellement aujourd’hui, représentant au total 223 espèces différentes», chiffre Laélia Maumary, 43 ans, présidente du comité d’Erminea, dévoilant le nouvel espace après une incursion dans l’ancien refuge révélatrice de son piteux état. Passant d’une pièce à l’autre, la responsable d’Erminea se réjouit de disposer désormais d’une construction adaptée aux besoins. Buanderie, cuisine où l’équipe prépare la nourriture pour ses pensionnaires, nurserie réservée à l’accueil et au biberonnage des bébés mammifères, salle de soins, d’opération, de radiologie, boxes divers... Le vaste et lumineux hôpital pour patients à poils et à plumes va pouvoir poursuivre sa mission dans des conditions optimales.

Hérissons majoritaires

«La moitié de la faune soignée est constituée d’oiseaux et l’autre de mammifères. Parmi ces derniers, nous comptons un nombre majoritaire de hérissons, mais aussi des renards, blaireaux, castors, écureuils, loirs, muscardins, campagnols, hermines, cervidés...» détaille la Vaudoise arpentant, enthousiaste, les locaux flambant neufs où des relents d’odeur animale se mêlent à celles médicales. Et présentant au passage quelques-uns des pensionnaires, moins nombreux en cette saison hivernale. Dans des caisses alignées, des petites boules hérissées de piquants livrent un combat pour survivre, victimes de pattes arrachées, de parasites, de pesticides, de malnutrition... «Certains arrivent avec des blessures atroces. Mais nous avons un bon taux de réussite, car ce sont des mammifères très résistants qui peuvent vivre malgré des handicaps comme une patte amputée, la perte d’un œil ou des dents manquantes», précise la quadragénaire, avant de lister les principales raisons à l’origine des blessures ou des maladies des animaux amenés au centre. 

Une moitié d’animaux sauvée

«Beaucoup d’entre eux sont victimes d’accidents de la route, d’empoisonnement, de fils électriques, de filets et clôtures, de robots tondeuses et de prédateurs – renards, chats et chiens.» Les vitres constituent aussi souvent de graves dangers pour les oiseaux qui ne les distinguent pas et se fracassent contre. «Nous parvenons à sauver en moyenne la moitié des bêtes amenées au centre. Il faut avoir conscience que, si un animal sauvage se laisse ramasser, c’est qu’il se trouve vraiment mal en point», ajoute Laélia Maumary, estimant entre un mois et trois mois la durée de séjour des patients. Une ménagerie prise en charge par quatre gardiennes d’animaux aidées d’une vétérinaire spécialisée en chirurgie et en faune sauvage présente deux demi-journées par semaine ainsi que des apprentis et des stagiaires. Le refuge travaille encore avec une animatrice chargée des ateliers de sensibilisation pour adultes et enfants et une secrétaire s’occupant de l’administration. «Erminea est ouvert sept jours sur sept. On peut aussi déposer la nuit des animaux dans des boîtes à l’extérieur», indique la fondatrice, qui montrera encore, soulevant le tissu occultant la lumière dans leur cage, un pigeon, une grive musicienne, une tourterelle... et, dans des boxes, une corneille, deux furets récupérés d’un élevage peu vertueux qui seront, eux, placés... ou encore, dans une caisse, tapie sur un bout de bois, une minuscule pipistrelle.

L’humain, principal prédateur

Penchée sur un hérisson, Marine Bally, responsable du centre de soins, examine l’orphelin jugé bien trop maigre. «Il faut qu’il arrive à un certain poids pour s’assurer de passer l’hiver. Ses parents l’ont abandonné, trop affairés à trouver leur propre nourriture», explique la gardienne d’animaux, précisant que, en raison du réchauffement climatique, ces mammifères ont tendance à faire deux portées, mais la seconde, tardive, ne leur permet pas d’être assez robustes pour s’en occuper. Un autre patient de la même espèce, sous traitement après une tumeur mammaire, passe, lui aussi, dans ses mains expertes. «Les hérissons peuvent vivre dix à quinze ans dans la nature. Mais aujourd’hui, la moyenne est plutôt de deux ans. Ils tombent malades en raison de parasites, il y a de moins en moins de nourriture... L’homme est le principal prédateur. Le pire de tous, malheureusement», se désole la gardienne d’animaux, soulignant, paradoxalement, la dépendance des humains à la nature et à la biodiversité. «Ce que je ressens ici? De la fierté et de la joie. Ce travail contribue à sauver des animaux. A chercher la meilleure solution pour eux.»

Compenser nos erreurs

Dans la pièce voisine, la vétérinaire Mélanie Lacombe examine une alouette des champs présentant une grave blessure sous l’aile. Après une radiographie de l’oiseau endormi, elle désinfecte et soigne la plaie, le geste sûr, contrôlant constamment la dose d’anesthésiant que peut supporter son protégé. «Ce qui me motive? Le plaisir de me sentir utile. Personne ne s’occupe de la faune sauvage. N’y consacre du temps. Ce n’est pas une activité lucrative. Et c’est difficile. Il faut constamment chercher des informations pas nécessairement disponibles dans les livres. C’est aussi stimulant.» Comme sa collègue, la chirurgienne dénonce elle aussi l’impact des activités humaines sur la nature. «La plupart des atteintes aux animaux sont de notre faute – filets, accidents routiers… On ne cesse d’empiéter sur leur territoire, entre agriculture, habitat. Nous devons compenser nos erreurs.» 

Appel à la solidarité

Si l’équipe d’Erminea consacre toute son énergie et beaucoup d’amour aux animaux soignés, elle s’interdit caresses et gestes d’affection. «Bien sûr, on s’attache. Mais le but est de les remettre dans leur environnement. C’est donc important de garder de la distance», souligne Marine Bally, qui a travaillé par le passé dans un zoo. Et préfère clairement la finalité d’Erminea. Même rappel de Laélia Maumary. «Ils sont nés dans la nature. Ils doivent retrouver cette liberté. Leur instinct sauvage. Notre réussite, c’est quand on procède à leur relâchement même si parfois c’est difficile de s’en séparer.» Une heureuse issue qui, pour se répéter, a besoin du soutien du plus grand nombre. Erminea a lancé une campagne de financement participatif et cherche encore environ un demi-million de francs pour compléter le paiement du nouvel hôpital devisé à deux millions de francs. Un montant qui n’a rien d’excessif au regard de la mission remplie par l’association. Qui, reconnue d’utilité publique, joue un rôle majeur dans la conservation de la biodiversité, la sensibilisation du public et la préservation de l’environnement profitant à tous. 

Informations et soutien Erminea:

erminea.org, soutenir-erminea.org

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