Depuis vingt ans, les arts, la culture et le féminisme sont mis à l’honneur par Les Créatives à Genève. Bilan et perspectives avec ses deux codirectrices.
C’est un objet assez unique en son genre. Les Créatives, festival genevois qui fête ses vingt ans, propose autant de scènes musicales que d’arts vivants et de forums, sous forme d’ateliers ou de tables rondes. Une manifestation pluridisciplinaire avec pour toile de fond la promotion des femmes et des minorités de genre dans le milieu de la culture.
Alors que la prochaine édition aura lieu du 18 au 30 novembre prochains, Nevena Puljic et Ermela Haile, les deux codirectrices des Créatives depuis 2022, reviennent sur les enjeux passés et futurs du festival.
En 2005, l’ambition des Créatives était de visibiliser les femmes et les minorités de genre dans les arts et la culture. Est-ce que, vingt ans après, le but est atteint?
Ermela Haile: On peut dire qu’on a bien avancé sur ce sujet. A ses débuts, le festival avait lieu sur un week-end et seulement dans la commune d’Onex. Depuis, il a pris de l’envergure, il s’est constitué en association, sillonne plus largement le canton et s’étale sur deux semaines. Nous en sommes très heureuses, mais tout n’est pas gagné. Dans les arts et la culture, on retrouve les mêmes problématiques qu’ailleurs, à savoir les inégalités salariales, le harcèlement et les perspectives de carrière en défaveur des femmes.
Comment le festival s’est-il rendu incontournable au bout du lac?
Nevena Puljic: Il a décidé de s’agrandir après sa 12e édition en 2016, et la vague #MeToo a débuté en octobre 2017, mettant les enjeux féministes et tout le travail qu’il restait à accomplir sur le devant de la scène. Le festival répondait à des questions actuelles, notamment celle de l’intersectionnalité, et a réuni des personnes qui s’y intéressaient. Les Créatives est aussi intelligent que visionnaire, car c’est un mélange des genres assez unique.
En tant que duo à la tête du festival, que souhaitez-vous impulser?
Nevena Puljic: Amies depuis l’université, quand nous avons vu l’annonce, on s’est lancées ensemble. Notre envie était de démocratiser ce projet et la culture plus largement: ouvrir les espaces culturels qui peuvent être difficiles d’accès pour des raisons sociales ou économiques. On vient toutes les deux de classes populaires, passionnées d’arts, mais on ne se retrouvait pas forcément dans ce qui existait à Genève. On fait des petits pas, on essaie des choses, on essaie de montrer que tout le monde est concerné par la culture et le féminisme.
Ermela Haile: Nous ne sommes pas venues pour tout révolutionner. Nous essayons de rendre ce festival plus inclusif et tenons à offrir un espace où puisse se retrouver le plus grand nombre de personnes. Nous sommes aussi attachées au jeune public et proposons des événements accueillants pour les enfants.
Comment vous projetez-vous sur les vingt prochaines années?
Nevena Puljic: Dans un monde idéal où les inégalités seraient révolues, j’aimerais qu’il devienne davantage un lieu de réjouissances que de combats. Qu’il reste un lieu de rencontres, de ressources et de force. Et pour être plus terre à terre, j’espère juste qu’il pourra continuer à exister. Le futur de la culture et de son financement est très inquiétant. Je crains qu’elle soit de moins en moins représentative et qu’elle ne devienne un privilège.
Ermela Haile: Si on est lucides, il semble compliqué de faire face aux discours réactionnaires et masculinistes actuels, ou aux coupes budgétaires annoncées qui affecteront nos artistes. Néanmoins, nous avons obtenu ces dernières années davantage de subventions publiques et donc une certaine stabilité financière pour les années à venir, et nous espérons pouvoir compter dessus encore longtemps. Notre challenge sera aussi, au-delà du festival, de maintenir notre présence en tant qu’association, ce que nous faisons avec notre newsletter, mais aussi avec nos partenariats sur des événements féministes.
Infos, billetterie et replay des éditions précédentes sur: lescreatives.ch