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Les vrais métiers ne paient plus

De tout temps, des métiers sont tombés dans l’oubli pendant que de nouveaux voyaient le jour en parallèle. Disparus, entre autres, les allumeurs de réverbères, les dactylos, les poinçonneurs ou les télégraphistes. Ainsi va la vie! Le progrès technologique est une locomotive qui ne s’arrête jamais et ne possède pas de marche arrière. On peut le déplorer, sur l’air du «c’était mieux avant», mais ça n’y change rien. Le phénomène est vieux comme le monde. Cependant, à l’ère numérique, certains aspects de cette inexorable évolution laissent pantois. D’une part, parce qu’aujourd’hui, ce qui menace de disparition toute une série de métiers, ce ne sont pas de vulgaires machines, mais les algorithmes d’une intelligence artificielle qui pourrait bien, un jour, échapper à notre contrôle; d’autre part, parce que, dans nos sociétés en voie de désindustrialisation, de plus en plus de gens, infimes rouages de l’économie, exercent des bullshit-jobs (ou jobs à la con, en français). Autrement dit, des emplois dont le sens s’est perdu dans les limbes de la bureaucratie.

Et puis, que penser de ces nouveaux gagne-pains qui ont la cote en ce moment et dont l’éthique laisse parfois à désirer, comme consultant ou influenceur? Le premier, autoproclamé spécialiste en tout, semble être devenu incontournable. Plus une entreprise, plus une administration publique qui ne lance un projet sans avoir recours aux services d’un consultant externe. Comme si, en leur sein, plus personne n’était capable d’avoir des idées. Leurs salariés sont sans doute trop occupés à se cramponner à leur siège éjectable, et à faire des économies sur la moindre agrafe ou la moindre touillette à café, pour avoir le temps de réfléchir. Alors on paie des consultants à prix d'or pour le faire à leur place. Des experts en rationalisation qui, obnubilés par leur règle de trois, ne voient plus la réalité cachée derrière leurs colonnes de chiffres. Des médias ont ainsi relaté le cas récent d’un grand cabinet de conseil américain, qui avait accepté de plancher sur la façon la plus efficace, et la moins coûteuse, de déporter 500 000 Palestiniens…

Quant aux influenceurs et autres «youtubeurs», on atteint là des sommets dans la vacuité. Voilà un métier – si on peut appeler ça comme ça – qui consiste à publier tout et n’importe quoi sur les réseaux sociaux. Pourvu que ça fasse du clic, monnayable auprès des annonceurs publicitaires. C’est de cette manière que les influenceurs gagnent leur vie. En clair, on a affaire à des hommes-sandwichs 2.0. Cela pourrait prêter à rire si ça ne donnait pas des fois lieu à de tragiques dérives, telle la mort en plein streaming du Français Jean Pormanove, dont les sévices et les humiliations infligés par deux prétendus amis étaient suivis et encouragés par des centaines de milliers de followers. Le premier crétin venu peut ainsi devenir millionnaire à 20 ans en filmant toutes les âneries qui lui passent par la tête, du moment que ça fait le buzz. Après ça, allez expliquer à vos enfants qu'il faut travailler à l'école et apprendre un vrai métier, pour, au final, gagner un salaire qui leur permettra peut-être à peine de joindre les deux bouts.