Les jeunes se mobilisent pour les retraites
Tout juste lancée, la Coalition pour une AVS forte se bat contre le relèvement de l’âge de la retraite et pour des rentes justes et dignes. Les femmes sont en première ligne
La Jeunesse socialiste (JS) suisse, la Commission de la jeunesse de l'USS, Jeunesse.Suisse et les Jeunes Verts Suisse ont lancé officiellement le 23 mai dernier à Berne la Coalition des jeunes pour une AVS forte. Dans les grandes lignes, cette dernière s'oppose à tout démantèlement de l'AVS, à tout relèvement de l'âge de la retraite et préconise au contraire un renforcement de l'important système suisse de protection sociale et solidaire, «seul moyen de subsistance d'innombrables personnes âgées».
«L'AVS est l'une des réalisations politiques les plus importantes des dernières décennies, a commencé Tamara Funiciello, présidente de la JS suisse. Grâce à son introduction, le risque de vieillesse a été couvert par l'Etat. Avant cela, alors qu'il n'existait qu'une assurance privée non obligatoire, c'était aux jeunes de financer leurs propres parents et grands-parents.»
Pour les jeunes syndicalistes, l’AVS est beaucoup plus efficace et avantageuse que les 2e et 3e piliers. «Les faibles taux d’intérêt et bénéfices des banques et des compagnies d’assurances du 2e pilier démontrent de plus en plus les limites du principe de la couverture du capital, souligne Dominik Fitze, coprésident de la Commission de la jeunesse de l’USS. Et nous, les salariés, nous devons le financer en payant des cotisations de plus en plus élevées à la caisse de pension.» Ce dernier regrette que les rentes AVS ne suivent que partiellement l’évolution des salaires, et qu’à l’inverse, les primes d’assurance maladie en hausse ne cessent d’amputer une partie de plus en plus importante du budget des retraités. «Si les choses continuent de la sorte, une pauvreté généralisée chez les personnes âgées en Suisse risque de se propager.»
De leur côté, les Jeunes Verts Suisse invitent à avoir une vision globale de la politique des retraites, afin de trouver des solutions durables à cet enjeu majeur pour la société. «Les caisses de pension investissent massivement dans les énergies fossiles et l’armement, rappelle Kevin Morisod, leur coprésident. Les 1000 milliards de francs gérés par ces caisses sont actuellement investis à tort. Ils font grimper le prix de l’immobilier, participent au mitage du territoire et accélèrent le réchauffement climatique.»
Une seule et même caisse
La Coalition pour une AVS forte est unanime: garantir une vieillesse digne aux personnes qui ont travaillé toute leur vie doit être une priorité. Pour ce faire, cette dernière a formulé une série de propositions. Pour les jeunes syndiqués, il est temps de relever les rentes AVS. «Le renforcement de l’AVS est le seul moyen de lutter contre la pauvreté des personnes âgées», assure Dominik Fitze, qui précise que la Commission de la jeunesse de l’USS s’est prononcée clairement lors de son congrès en faveur du projet d’initiative pour une 13e rente AVS. «Les délégués de l’USS décideront encore cette année du texte final de l’initiative.»
Pour la JS, la réforme du système des pensions est nécessaire et ne peut consister qu'à affaiblir les caisses de pension et à renforcer l'AVS. «La solution serait une transition progressive des fonds de pension vers une retraite populaire, c'est-à-dire la fin du 2e pilier, et tout l’argent dans le 1er», argumente Tamara Funiciello. Et la présidente de qualifier de stupide la volonté de relever l’âge de la retraite. «A l'ère de la numérisation et du chômage des plus de 50 ans, il est absurde pour la société dans son ensemble de vouloir laisser les gens travailler plus longtemps.»
Même son de cloche du côté des Jeunes Verts, qui plaident pour la fusion des deux premiers piliers et l’introduction d’une caisse de pension populaire. «Le système AVS présente un net avantage par rapport aux caisses de pension axées sur le rendement, insiste Kevin Morisod. Il ne dépend ni de la spéculation boursière ni des marchés financiers. Et puis, nous évitons que des milliards de francs soient investis dans la guerre, l'immobilier et le réchauffement climatique.»
Femmes et retraite
La coalition a par ailleurs rappelé l’importance du rôle de l’AVS pour les femmes, un tiers d’entre elles ne touchant pas de prestations du 2e pilier. Celles ayant cette chance ne perçoivent en moyenne que la moitié des rentes des hommes. «L’AVS reconnaît le travail d’éducation et de prise en charge, contrairement au 2e pilier, ajoute Dominik Fitze. Le relèvement des rentes AVS est donc particulièrement favorable aux femmes. Les réduire serait injuste et erroné, et ce serait les femmes qui en pâtiraient de nouveau!»
Pour les jeunes socialistes, l’ajustement de l’âge de la retraite des femmes relève de la «plaisanterie». Parce que les femmes continuent de travailler en vieillissant, sans être payées (travail de care), parce qu’il existe encore 108 milliards de francs d’écart entre les revenus des femmes et des hommes si l’on prend en compte toutes les heures travaillées, payées ou non, et parce qu’environ 80% du travail non rémunéré est pris en charge par les femmes. «Tant que ces problèmes ne seront pas résolus, nous ne voyons aucune raison d'ajuster l'âge de la retraite», conclut Tamara Funiciello.