Télétravail : vers une dérégulation dangereuse ?
L’initiative Burkart ouvrirait la porte à des journées avec une amplitude horaire de 17 heures pendant lesquelles l’employé doit être à disposition de son employeur.
Le Conseil national a adopté l’initiative parlementaire Burkart, qui selon Unia, fragilise les protections fondamentales des salariés. Le Conseil des États est prié de rejeter le projet.
Le 23 septembre, le Conseil national a donné son aval à l’initiative parlementaire Burkart, «assouplir les conditions encadrant le télétravail». Unia tire la sonnette d’alarme dans un communiqué de presse: «Derrière un intitulé anodin se cache en réalité une remise en cause massive de la loi sur le travail». En effet, le projet ouvrirait la porte à des journées avec une amplitude horaire de 17 heures pendant lesquelles l’employé doit être à disposition de son employeur. De plus, le temps de repos quotidien, à savoir le temps de sommeil et de temps libre, serait réduit à 9 heures au lieu de 11, soit à peine deux heures de plus que les sept heures de sommeil minimales prévues par la Loi sur le travail. Sans compter qu’il serait permis de l’entrecouper en cas de tâches urgentes, sauf de 23h à 6h. Enfin, cette initiative ouvre grand la porte au travail du dimanche sans autorisation.
Faux discours
Le syndicat dénonce une définition trop vague des travailleurs potentiellement concernées par cette mesure. «Pour être concerné par la déréglementation, il suffit que la personne salariée dispose d’une heure flexible le matin et d’une autre le soir. De plus, le projet de loi ne se limite pas aux personnes travaillant depuis leur domicile. Il vise toutes celles et ceux qui ont conclu un accord (même par oral) avec leur employeur stipulant qu'ils effectuent une partie de leurs tâches hors du lieu de travail. Cette définition volontairement floue permettrait aux employeurs de faire entrer des millions de travailleuses et travailleurs de tous les secteurs dans un régime allégé de protection, par exemple un agent de sécurité qui surveille une zone depuis son domicile ou encore une aide-soignante qui accomplit des tâches administratives entre deux visites à domicile.»
Alors que le Conseil national et le Conseil fédéral justifient cette flexibilisation du télétravail en prétextant qu’il favoriserait une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle, Unia crie au faux discours. Au contraire, selon le syndicat, il s’agit d’une véritable intrusion du travail dans la sphère privée, et de se rendre encore plus disponible pour son employeur et toujours moins pour sa famille, son bien-être ou ses loisirs. «Les travailleuses et travailleurs ne veulent pas d'un allongement des journées de travail. Au contraire, ils ont besoin de davantage de temps libre.»
Le télétravail nuit à la santé
Dans ce contexte, il rappelle que des journées excessivement longues et des repos insuffisants nuisent gravement à la santé. «De nombreux experts et institutions spécialisées l’ont déjà signalé, mais leurs avertissements restent ignorés, regrette Unia. En effet, le télétravail est ici instrumentalisé pour repousser les limites légales qui protègent contre le stress et les troubles psychosociaux et physiques : la Société de médecine du travail et les universités de Genève et Bâle soulignent les risques accrus de surmenage, d’épuisement et de maladies liés à de tels assouplissements. Encore une fois, la logique du profit économique passe avant la santé des salariés.»
Et de rappeler que les cantons et les inspections cantonales du travail se sont également prononcés contre ce projet de loi. En effet, en cas d’application de l’initiative Burkart, les inspections du travail devraient contrôler les accords verbaux dans les ménages privés, ce qui est pratiquement impossible dans les faits.
Partant, Unia demande à la Commission de l’économie et des redevances du Conseil des États (CER-E) de rejeter sans ambiguïté ce projet afin de «stopper net cette dérive dangereuse ».