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Les maçons valaisans expriment leur colère par une pratique ancestrale

Deux personnes présentent la "matze", un tronc d'arbre sculpté.
© photoval.ch/Valérie Pinauda

La «matze» conçue par Unia Valais est déjà prête pour le 11 octobre. A travers elle s’exprimera la lutte des maçons pour de meilleures conditions de travail à inscrire dans la nouvelle convention nationale.

Les négociations de la nouvelle convention nationale tournant au vinaigre, la branche lèvera la «matze» le 11 octobre, perpétuant un rituel lié à la fureur populaire.

Mais qu’est-ce donc que la «matze»? Et que veut-on dire par là quand on la lève sur la place publique? Il faudrait sans doute être familier des traditions valaisannes ou être né et avoir grandi dans le canton pour saisir la pleine signification d’une tradition ancestrale longtemps vivace dans ces terres helvétiques. Pour tous les autres – ils sont sans doute très nombreux – qui n’ont aucune idée précise à ce sujet, rien ne vaut le détour par la chronique locale pour retrouver les traces de la pratique. En remontant la flèche du temps, on rencontre le terme «matze» à la fin du XVe siècle, en Valais précisément. Et de quoi parle-t-on? D’une partie volumineuse d’un tronc d’arbre déraciné et tenu à l’envers, sur lequel on a sculpté le visage d’un individu qu’on entend contester. Porté en procession dans les rues des villages, le gros objet est ensuite approché par tous ceux qui adhèrent à la contestation et qui expriment leur ralliement en plantant un clou dans le bois. Un clou par insurgé, dans un principe qui ressemble au fameux et bien plus contemporain «un homme, une voix».

Patronat démolisseur
En 1494, on levait la matze contre l’évêché de Sion et le modèle féodal qui s’y rattachait. Cinq siècles et des poussières plus tard, voilà que cette tradition symbolisant l’esprit frondeur, la résistance et la fureur populaire, resurgira dans les rues de Sion, lors de la manifestation du 11 octobre prochain, promue par l’Union syndicale valaisanne (USV). La revendication unitaire portera sur l’amélioration des salaires et des conditions de travail. De son côté, Unia ajoutera sa touche en se tournant justement vers la tradition en question. 

Et l’occasion s’y prête à merveille: les négociations de la nouvelle Convention nationale de la branche construction s’avèrent plus que compliquées, le patronat voulant démolir les acquis existants et refusant d’entrer en matière sur les revendications légitimes. Face au refus de payer l’entièreté du temps de déplacement des ouvriers, de compenser la pause du matin ou encore d’accorder un temps de travail plus raisonnable pour dégager du temps libre à consacrer aux familles, Unia, à travers ses adhérents, fera savoir tout son mécontentement. 

Message de résistance
«Nous allons lever la matze devant le siège de la Société suisse des entrepreneurs à Sion, explique Serge Aymon, responsable des secteurs artisanat et construction. Ce qui veut dire que la situation est grave et que les maçons sont très déterminés à se battre pour défendre leurs revendications. Le patronat entend saborder une convention nationale plutôt bonne pour la substituer avec quelque chose qui sera tout simplement aligné à ce que dit le Code des obligations. C’est tout simplement inacceptable. » Raison pour laquelle, le gros tronc de 130 kg, haut de 2,5 m, sera porté en procession à l’aide d’un dumper – engin à quatre roues équipé d’une benne basculante – jusqu’au quartier général de la faîtière patronale, rue du Scex 38, à Sion. Pour Blaise Carron, secrétaire régional d’Unia Valais, «cette levée de matze permet d’inscrire la lutte collective dans la tradition du canton. Le message de résistance et de mobilisation que nous exprimerons le 11 octobre s’adresse bien évidemment à la SSE, mais également à toute la société valaisanne. Au fond, c’est un geste qui place aussi Unia au cœur du paysage politique, social et médiatique du Valais.»

Une dernière curiosité enfin: Unia ravive une pratique contestataire dont on n’avait plus vu la couleur depuis février 1994. A l’époque, on levait la matze à Viège contre le président du Parti socialiste, coupable d’avoir promu l’initiative «pour la protection des régions alpines contre le trafic de transit». Celle-ci avait été adoptée par les 52% des citoyens suisses… et massivement refusée (74%!) par les rebelles valaisans, inquiets de voir tomber à l’eau les tronçons d’autoroutes promis. 

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