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Des milliers de détenus administratifs, dont des enfants

Nounours dans une cage.
© Olivierr Vogelsang

L’an dernier, près de 3000 personnes déboutées de l’asile ont été enfermées, non en raison d’un délit, mais de leur statut.

Une étude remet en question la privation de liberté des personnes issues de l’asile en vue d’un renvoi. Elle montre les irrégularités et la dureté des enfermements.

En 2024, près de 3000 personnes déboutées de l’asile ont été enfermées, non en raison d’un délit, mais de leur statut. La détention administrative n’est pas ordonnée par les tribunaux pénaux, mais par les services de migration, et a pour objectif d’assurer le départ effectif. 

Pour l’Observatoire suisse du droit d’asile et des étrangers (ODAE), auteur d’une étude approfondie, ces enfermements constituent «une atteinte profonde au droit fondamental à la liberté personnelle garantie par la Constitution». La Commission nationale de prévention de la torture a aussi récemment dénoncé les conditions dans les centres de détention administrative. 

Le taux de suicide y est six à sept fois plus élevé en prison qu’en liberté, selon le rapport. Codirecteur de l’ODAE, Lars Scheppach souligne: «De tels décès tragiques ne sont pas le fruit du hasard. La détention est presque toujours une expérience traumatisante pour les personnes concernées, qui sont souvent des personnes réfugiées présentant des antécédents psychiatriques.» Il précise que l’accès aux soins est insuffisant et qu’un examen de santé de la personne arrêtée est rarement effectué. Le centre de détention de Zurich a connu, récemment, en l’espace d’un mois, deux décès, deux tentatives d’incendie et une grève de la faim. Le cas d’Abdulgafur, kurde de Turquie, fait écho à ces drames (evenement.ch/articles/greve-de-la-faim-frambois). La semaine dernière, il continuait sa grève de la faim, débutée le 28 mai, dans le centre de Frambois.

Jusqu’à 18 mois d’incarcération
La possibilité de mettre en détention une personne en vue de son renvoi date de 1986. A l’époque, elle durait 30 jours au maximum. Aujourd’hui, et depuis l’introduction de la Loi fédérale sur les mesures de contrainte en 1994, l’emprisonnement peut atteindre 1 an et demi.

Dès l’âge de 15 ans, des jeunes sans statut légal peuvent être enfermés jusqu’à 12 mois. Ce malgré les condamnations de nombreuses organisations onusiennes de défense des droits humains et de l’enfant. «Seuls les cantons de Neuchâtel et de Genève interdisent la détention de mineurs dans leur législation cantonale», indique le rapport. Un exemple parmi tant d’autres des iniquités de traitements.

En vertu du principe de proportionnalité, la Constitution indique, par ailleurs, que la privation de liberté ne devrait être utilisée qu’en dernier recours. Selon l’ODAE, aucune étude n’a pu prouver que la détention administrative – qui coûte plus de 20 millions de francs par an – favorise les renvois. D’où sa recommandation de renforcer les mesures alternatives, particulièrement en l’absence d’accord de réadmission. Elle préconise aussi: l’interdiction d’incarcérer des mineurs tant l’impact est négatif sur leur équilibre psychique; une diminution de la détention maximale à 6 mois; le droit à une assistance judiciaire gratuite et à la transparence des procédures pour pouvoir notamment contrôler la légalité de la privation de liberté; des établissements spécialement aménagés pour éviter la détention dans des prisons ordinaires; des soins de santé à la hauteur; ou encore une harmonisation entre les cantons. 

Le rapport est disponible (en français et en allemand) sur: beobachtungsstelle.ch/news

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