Un projet pour se remettre en selle
L’association Recyclo, à Lausanne, place le vélo au centre d’une réflexion écologique et sociale. Reportage
Dans l’atelier de l’association Recyclo, à l’avenue d’Echallens à Lausanne, sont entreposés une multitude de vélos: grands, petits, roses, parfois cabossés, avec des roulettes ou désossés, chaque spécimen se révèle unique. Des bénévoles, dans un lieu empli d’un bric-à-brac de roues et d’outils, accueillent chaleureusement les curieux souhaitant transiter vers une mobilité douce. «On possède 150 vélos et une centaine sont actuellement loués», explique l’un d’entre eux, en attrapant une bicyclette perchée sur un mur pour la présenter à une cliente. L’organisation, née en 2015 du constat que de nombreux vélos sont abandonnés chaque année, travaille aujourd’hui avec une vingtaine de volontaires. Son objectif? Collecter, réparer, louer et entretenir une centaine de ces petites reines. Sans oublier un volet social. Recyclo a en effet passé la vitesse supérieure, proposant depuis quelques années des programmes d’insertion sociale et professionnelle en employant le vélo comme outil d’intégration.
Camille, présidente de l’association depuis trois ans et ingénieure en mobilité, détaille avec enthousiasme: «Nous proposons des locations de 1 à 24 mois. L’entretien mécanique est gratuit durant la période de location et nos tarifs sont dégressifs.» Recyclo, pour trouver ses vélos, fait appel aux dons de particuliers et ne refuse, par principe, jamais un deux-roues. «Les vélos en trop mauvais état sont toutefois donnés à Velafrica, un de nos partenaires. Ce dernier les répare et les envoie ensuite en Afrique», précise encore la jeune femme.
Les mains dans le cambouis
Parmi les nombreux services offerts par l’association, figurent aussi les cours de mécanique. «On en propose deux différents: ceux de mécanique complet tous les lundis et les “multi-tool”, un samedi par mois. Le premier a plus de succès, car on peut s’inscrire en fonction de son niveau et, à la différence du “multi-tool”, on doit venir régulièrement», commente Camille, qui indique que, afin d’économiser ses forces, le comité a décidé d’engager un professionnel pour donner ces cours. «Les demandes ne manquent pas. Mais on a tous un travail à côté et c’est important de s’alléger afin de ne pas s’essouffler!» En plus d’un atelier de réparation les mercredis de 16h à 20h, Recyclo se déplace ponctuellement dans les communes, les entreprises ou lors d’événements comme le Festival de la Terre, pour tenir des stands de mécanique vélo. «On profite de ces manifestations pour faire notre promotion.» Récemment, Ricardo, une plateforme de revente en ligne, a proposé à Recyclo de leur financer un vélo cargo. Un véhicule dérivé de la bicyclette qu’on emploie pour transporter des charges plus importantes que sur un vélo classique et qui serait, dans le cas de l’association, destiné à organiser des ateliers ambulants. «Aménager un tel vélo nous permettrait d’être plus mobile et notre logistique serait simplifiée. De plus, on pourrait entrer directement en contact avec la population et sensibiliser ainsi les gens à la pratique du vélo en ville.»
Insertion à fond les vélos
Recyclo n’est qu’un acteur parmi d’autres dans le monde de la mobilité. «Le vélo est pour nous un outil écologique mais aussi social», poursuit Camille, en parlant des projets d’intégration mis sur pied par l’association. Depuis 2018, Recyclo propose en effet des stages à des personnes nouvellement arrivées sur le territoire ou en phase de réinsertion sociale. Ceux-ci durent trois mois. Et offrent la possibilité aux participants de bénéficier d’un cadre professionnel et social adapté pour améliorer leurs connaissances du français et se familiariser avec les codes sociaux de travail. «Nos stagiaires profitent une demi-journée par semaine d’un encadrement professionnel où ils apprennent la mécanique avec un spécialiste. Il est aussi possible d’orienter le stage vers l’informatique ou la relation client. Une deuxième demi-journée est, quant à elle, consacrée à l’intégration sociale et culturelle dans le cadre de soirées bénévoles.» Et la présidente de préciser que les stagiaires leur sont principalement envoyés par l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) et le Bureau lausannois pour les immigrés (BLI). Dans la même idée, Recyclo organise des cours de vélo (subventionnés par le BLI) pour adultes. «Certaines personnes, parfois en raison de leur culture, ne savent pas faire du vélo. C’est pourquoi, nous proposons des cours en binôme, entre des personnes migrantes et des bénévoles», indique Camille, qui conclut que son plus grand rêve serait de voir la population abandonner les voitures pour des vélos: «On doit se diriger vers une mobilité douce. Pour une question d’écologie mais aussi pour nous protéger de la pollution sonore et garantir notre bien-être dans l’espace public.»
«J’aime réparer ces engins»
Francesco, 37 ans, bénévole depuis les débuts de l’association, et ingénieur aux Services industriels de la ville de Lausanne, souligne: «On ne se place pas comme des concurrents aux magasins de vélos mais plutôt comme des facilitateurs. On offre une solution intermédiaire à nos clients en fonction de leurs besoins. Ils essaient un vélo pendant quelque temps puis, s’ils sont conquis, en achète un dans un magasin spécialisé.» L’homme ajoute, un sourire aux lèvres: «J’aime réparer ces engins. Ça me vide la tête et j’en tire une immense satisfaction et de la reconnaissance.» Plus loin, Juliano, 23 ans, volontaire depuis quelques mois chez Recyclo, explique, tout en astiquant les disques d’un vélo, qu’il a fini son bachelor en mécanique l’année dernière à l’EPFL. Il a alors pris une année sabbatique pour faire son service civil. «J’avais plus de temps pour moi et je me suis demandé ce que j’aimais vraiment dans la vie. J’ai vite pensé au vélo et, comme je ne connaissais pas bien la mécanique, j’ai cherché un endroit où me former.» Du cambouis plein les mains, il raconte encore que cette expérience lui a permis de développer ses capacités mécaniques mais aussi d’élargir son cercle de connaissances.