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Sous une bannière solidaire

Olivier Parriaux
© Olivier Vogelsang

Derrière Olivier Parriaux, un drapeau Vietcong, rappelant l’opération commando qu’il a menée avec deux autres compères, afin de «célébrer la résistance d’un peuple parmi les plus pauvres contre la première puissance mondiale».

Le cœur bien accroché à gauche, le physicien à la retraite Olivier Parriaux revient sur ses engagements et le drapeau Vietcong qu’il a, avec deux compères, accroché au sommet de la flèche de Notre-Dame de Paris.

Le 19 janvier 1969, Notre-Dame de Paris se réveille munie d’un singulier ajout: au sommet de sa flèche, à 96 mètres, flotte orgueilleusement le drapeau du Front de libération nationale du Sud-Vietnam. L’étendard Vietcong a été déployé de nuit par trois Vaudois, alors que des négociations entre les quatre parties en conflit s’ouvrent à Paris. Une image relayée dans le monde entier, sans que l’identité des auteurs ne soit connue. Les activistes sortiront de l’anonymat en 2023, racontant dans un livre publié aux Editions Favre «l’opération commando» et leurs motivations. A son origine, on trouve Olivier Parriaux, Bernard Bachelard et Noé Graff. Le premier, alors étudiant en physique, a préparé l’accès à l’édifice et a épaulé le deuxième, professeur de gymnastique, dans son ascension. Le troisième larron, étudiant en droit, «pacificateur du trio», conduisait la 2CV qui les a menés de Lausanne à la Ville Lumière et fait le guet. 

Au-delà du vertige

«J’avais le vertige, mais ma motivation et ma confiance ont été plus fortes que la peur», se souvient Olivier Parriaux, 82 ans, rembobinant le fil des événements. Il se rappelle la montée au beffroi sud au milieu de touristes, la cachette choisie dans l’attente de la pénombre avant de pouvoir poursuivre la progression, le cheminement sur le toit, «comme Quasimodo», puis l’escalade de la flèche. Il mentionne le courage de son ami qui gravira seul les derniers mètres jusqu’à la croix sommitale de la flèche. A eux deux, ils scieront en redescendant les barres de vieux fer permettant l’ascension avec l’idée de compliquer le décrochage du drapeau qui ne sera enlevé que le lendemain après-midi, par hélitreuillage. De quoi laisser le temps aux médias de se faire l’écho de ce coup d’éclat dans le monde entier. «Notre histoire est restée secrète plus d’un demi-siècle. Révéler notre identité n’apportait rien. Nous n’avons pas effectué un acte de bravoure. Mais célébré la résistance d’un peuple parmi les plus pauvres contre la première puissance mondiale», poursuit l’octogénaire, revenant, dans son appartement lausannois, sur les raisons qui l’ont mené à un positionnement bien ancré à gauche.

Un électrochoc

Nous sommes dans les années 1960. Olivier Parriaux a grandi dans un milieu de la petite bourgeoisie. Et a reçu une éducation protestante qui ne lui donnera pas la foi pour autant. La statue d’une Vierge trônant dans son salon n’a d’autre but que de l’absoudre de son attrait pour les peintures de nus féminins qui ornent ses murs, confesse-t-il, un sourire amusé aux lèvres. Mais revenons à notre récit. Le jeune homme d’alors fréquente les Jeunesses paroissiales où, précise-t-il, les questions sociales et de justice sont souvent débattues. L’élément déclencheur viendra toutefois d’un professeur de l’Ecole normale, qu’il suit avec son ami Bernard Bachelard. «L’enseignant, excédé par la passivité de notre classe de garçons, nous assènera: “Vous êtes tous des veaux!” Un électrochoc», témoigne Olivier Parriaux, qui, après les victoires des luttes algériennes et cubaines, focalise son attention sur le Vietnam et passe à la vitesse supérieure. Lecteur d’Ernest Mandel, économiste et dirigeant trotskiste, il rejoindra la Ligue marxiste révolutionnaire comme ses deux amis. Et fomentera l’Opération Notre-Dame. Durant sa carrière professionnelle, le Vaudois mettra toutefois son engagement politique en veilleuse. Par faute de temps car, «n’étant pas génial», il affirme avec humilité avoir dû beaucoup travailler. 

Science, alcool et politique

Peu convaincu par son travail d’instituteur – un métier choisi pour ne pas décevoir son père, maître de prim’ sup – il se réoriente vers un cursus universitaire. Lors d’un postdoc à Londres, il rencontre des scientifiques d’URSS. Ces relations l’amèneront à œuvrer six mois dans un laboratoire à Moscou. «Une expérience fantastique, amicale, alcoolique et politique», commente-t-il, soulignant les vertus de la vodka artisanale consommée à jeun pour la libération de la parole. Les contacts ainsi noués perdureront sur le long terme. Le Vaudois poursuit sa carrière à Grenoble avant, quelques années plus tard, d’être engagé par le Centre suisse d’électronique et de microtechnique à Neuchâtel. Au début des années 1990, ses critiques de la transformation du centre de recherche en société anonyme et son activité scientifique par trop indépendante lui coûteront toutefois son poste. Chômeur, mais soutenu par les partenaires européens d’un grand projet EUREKA qu’il dirigeait, il sera nommé professeur invité à l’Université Friedrich-Schiller d’Iéna pour en poursuivre la conduite. Puis, en 1996, il deviendra professeur des universités à Saint-Etienne en France. 

L’espoir dans le féminisme

A la retraite, l’homme reprend du galon militant et rejoint le Cercle Rosa Luxemburg et les Grands-Parents pour le climat. Il soutient aussi avec ses deux compères le combat judiciaire mené par une ancienne agente de liaison Vietcong, Tran To Nga, contre Monsanto, fournisseur de l’agent orange utilisé par l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam. Il est aussi membre d’un comité vaudois d’aide à l’Ukraine. «Je suis inquiet. En raison du dérèglement climatique. De la montée de l’extrême droite. Du despotisme recherché par un Trump ou établi par un Poutine. Mais je reste motivé à m’engager.» Bien conscient de l’utopie d’une planète sans discrimination, Olivier Parriaux garde néanmoins espoir grâce aux avancées du féminisme et des mouvements LGBT. Pour se ressourcer, il joue volontiers du piano en duo ou de l’orgue en solitaire à la cathédrale de Lausanne. Quant au bonheur, le Vaudois le trouve dans l’amitié et l’estime de ses proches. Et de conclure en évoquant sa chance d’être né dans une société privilégiée et celle de jouir d’une bonne santé. Des conditions propices à la continuation de la lutte que le sympathique retraité mène aujourd’hui sous une bannière sociale, écologique et solidaire. Et restant critique face à une gauche et une extrême gauche coincées dans une vision du monde réduisant la politique à l’affrontement entre camps impérialistes...

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