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Papyrus: des papiers pour 2390 personnes

Il y a tout juste trois ans, le 28 février 2017, plus de 2000 personnes sans statut légal avaient afflué à la première séance de présentation de l’opération Papyrus organisée par des associations de soutien aux sans-papiers et des syndicats dans la salle du Palladium à Genève.
© Eric Roset

Il y a tout juste trois ans, le 28 février 2017, plus de 2000 personnes sans statut légal avaient afflué à la première séance de présentation de l’opération Papyrus organisée par des associations de soutien aux sans-papiers et des syndicats dans la salle du Palladium à Genève.

Les autorités genevoises ont présenté le bilan final de l’expérience pilote de régularisation de travailleurs sans statut légal débutée en 2017

«Les doutes que nous pouvions formuler se sont dissipés. C’est un succès. Une victoire du droit.» C’est en ces termes que le conseiller d’Etat genevois Mauro Poggia présente l’opération Papyrus. Vendredi dernier, trois ans jour pour jour après son lancement, les autorités du bout du lac ont livré devant les médias un bilan final, ainsi qu’une évaluation universitaire de ce dispositif de régularisation de travailleurs sans statut légal qui avait pris fin en décembre 2018.

Au total, sur les 3380 individus concernés par l’expérience pilote, 2390 personnes ont obtenu un permis de séjour. On dénombre surtout des familles (437), des parents (676) et des enfants (727). 744 dossiers sont encore en attente de documents ou en cours d’examen et 42 individus ont vu leur demande rejetée par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM). Pour obtenir le précieux sésame, les demandeurs devaient bénéficier d’un emploi, être indépendants financièrement, résider en continu depuis 10 ans (5 ans pour les familles) dans le canton de Genève, maîtriser correctement le français et ne pas faire l’objet d’une condamnation pénale. Les demandes proviennent pour 74% de travailleurs de l’économie domestique, à 7% du bâtiment et 4% de l’hôtellerie-restauration. La démarche avait aussi pour but d’assainir les secteurs touchés par le travail au noir. Sur 22% des dossiers de l’économie domestique, des infractions ont été constatées au contrat-type de travail (CTT) et aux assurances sociales. 79% des employeurs concernés sont aujourd’hui en conformité. Ce qui a du bon pour les assurances sociales. Rien que par le biais de Chèque Service, l’outil destiné aux employeurs de l’économie domestique, le gain annuel se monte à 5,7 millions.

Quant aux doutes et aux craintes évoqués par le magistrat, une étude universitaire les dissipe. Aucun «appel d’air» n’a été observé et les personnes régularisées n’ont pas profité de leur nouveau statut pour recourir à l’aide sociale. Sur 239 personnes suivies par l’enquête, deux seulement ont sollicité une assistance, soit 0,8%. «Ces deux personnes ont dû quitter leur emploi pour des problèmes de santé, mais l’une d’elles les a résolus et a retrouvé un travail. Cette population a été habituée à vivre sans l’Etat et ne va pas massivement y faire appel», a expliqué l’un des auteurs de l’évaluation, Giovanni Ferro-Luzzi, professeur à l’Université de Genève et à la HES-SO.

De l’opération à la pratique Papyrus

Et pour la suite? «Il n’est pas prévu de renouveler l’opération», a dit Mauro Poggia. Au cas par cas, si les situations se prêtent à la régularisation selon les critères énoncés, elles seront soumises au SEM. «Nous continuons à déposer des dossiers répondant aux conditions Papyrus, une septantaine en 2019», a expliqué Marianne Halle du Centre de contact Suisses-immigrés. «Nous possédons désormais l’expérience et nous conservons le dispositif. L’opération Papyrus se transforme en habitudes Papyrus», a résumé le conseiller d’Etat Thierry Apothéloz. Le Gouvernement genevois attend maintenant le rapport du Conseil fédéral sur le postulat adopté par le Parlement «Pour un examen global de la problématique des sans-papiers en Suisse». D’après Corinne Geuggis, cheffe de section au SEM et qui a supervisé le traitement des dossiers Papyrus, les enseignements de l’opération genevoise devraient être partie intégrante de ce rapport attendu avant la fin de l’année.

«Je peux désormais regarder les autres dans les yeux»

L’opération Papyrus n’aurait pas été possible sans l’engagement du Collectif de soutien aux sans-papiers composé d’associations et de syndicats dont Unia. Ces associations et ces syndicats ont organisé une vingtaine de séances d’information et assuré plus de 2230 heures de conseils. Ils ont déposé 1264 dossiers représentant 1931 personnes, soit les deux tiers des demandes. Le conseiller d’Etat Mauro Poggia a salué le «travail immense» effectué, qui a allégé «considérablement» la tâche de l’administration. Les syndicats sont, en outre, intervenus pour obtenir les arriérés de salaires dus.

Dans un communiqué, le collectif a tiré un bilan «très positif» de Papyrus. En premier lieu au nom des concernés. «Les personnes régularisées peuvent désormais construire leur avenir à Genève sereinement», s’est félicitée Marianne Halle du Centre de contact Suisses-immigrés et représentante du collectif assistant à la conférence de presse. «Une dame m’a dit sa satisfaction de pouvoir conclure un abonnement de téléphone. Plus important, ces personnes sont libres d’entreprendre des formations, l’une d’elles a ainsi commencé des études de médecine. La possibilité leur est désormais ouverte de retourner au pays pour revoir leur famille. Elles peuvent conclure un bail et contacter la police lorsqu’elles sont victimes d’un délit. “Maintenant je peux regarder les autres dans les yeuxˮ, m’a dit une femme.»

Parmi les éléments positifs, le collectif cite la procédure simplifiée, la possibilité de se passer du soutien de l’employeur ou encore la prise de conscience de ces derniers dans l’économie domestique quant à leurs obligations. «Avec la publicité autour de l’opération, de très nombreuses personnes nous ont contactés et ça nous a aussi permis de faire la lumière sur diverses formes d’abus dont elles étaient victimes et de leur venir en aide.»

Les associations et les syndicats regrettent de ne pas avoir pu engager la procédure Papyrus pour certaines personnes parfois bien intégrées en raison des critères stricts, excluant par exemple le domaine de l’asile, et d’avoir dû déconseiller de poser des demandes. «On a vu des avocats qui ont exploité cette détresse et ont déposé des dossiers en exposant les personnes à un risque de renvoi», a déploré Marianne Halle. Les refus étant assortis d’une décision d’expulsion.

La problématique n’est pas refermée, quelque 10000 sans-papiers vivraient à Genève, et le collectif plaide pour le maintien du dispositif, en espérant que cette expérience donne confiance à d’autres cantons pour faire sortir de la clandestinité ces travailleurs et leurs familles.

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